Plusieurs fois durant la nuit, il s’était réveillé en sursaut. Comme un gamin qui a peur du loup, il avait besoin de vérifier que Camila était toujours là, à ses côtés. Elle n’avait pas bougé, paraissait reposé et apaisé. Il touchait juste parfois un pied, une hanche, une main, histoire de se rassurer. Elle ne s’était pas envolé, ce n’était pas un rêve, elle dormait là, sans bruit. Si, parfois un peu de ronflement, mais c’était pas forcément l’plus important. Il avait fini par dormir un peu mieux sur les coups de quatre heures du matin mais il s’était réveillé super tôt par réflexe. Il devait bosser en début d’après-midi pour son stage en pédiatrie alors son cerveau s’était activé différemment. Il se levait en tirant sur sa queue pour soulager son érection matinale et il se frottait les yeux. Non loin de lui se trouvait les clopes et son premier réflexe était d’allumer un cancer pour les poumons. Il tira une taffe puis il toussa légèrement, sa gorge enrouée comme tous les matins. Il alluma la cafetière, et se sortit deux tasses. Puis il fait couler l’appareil qui fait un bruit monstre ce qui réveille évidemment Camila, en même temps que son téléphone qui sonne. Il se penche pour la voir s’étirer dans le lit et il sourit. Il s’était réveillé aux côtés d’elle, et c’était le principal. « Babe, i think that’s my boss, could you check it ? » Il se rajouta son sucre, puis un deuxième, puis un troisième. Il cherche de quoi grignoter et trouve des petites barres de chocolat.

je déteste les matins. j’ai jamais été matinale en fait. j’crois que me réveiller, c’est typiquement le genre de truc qui me rends de mauvaise humeur. mais ce matin était particulier. et quand je te vois me sourire, quand je me rends que je n’ai rien rêvée, j’ai forcément ce petit sourire qui vient étirer mes lèvres. j’sens que c’est un nouveau tournant dans ma vie. que je vais peut être enfin réussir à avancer et.. ouais, j’suis reconnaissante que tu sois là. que tu ne te sois pas envoler. y a ton téléphone qui sonne et toi qui me demande de regarder. et pendant que je m’étire, y a ce petit sourire qui ne veut pas quitter mes lèvres. c’est plus fort que moi, j’suis juste bien là. j’me redresse, tire un peu sur mes cheveux pour les attacher en un chignon mal fait avant d’enfin me saisir de ton téléphone. appuyant sur l’écran pour voir de quoi il pouvait s’agir, j’m’apprête à te citer les mots qui restent finalement coincée dans ma gorge. oh. j’ai les sourcils qui s’fronçe, le regard qui se fait un peu plus noir alors que je serre le poing si fort que mes phalanges deviennent blanches. « not your boss. except if her name is ariel and she ask why you don’t put condoms when you fuck. » tu l’as sens l’ironie dans ma voix ? parce que y a que ça. bye la soirée de rêve, re bienvenue dans la réalité. « so what ? you put some girl pregnant ? or maybe you just give some STD ? » tu sais que t’as pas foutu de capote avec moi non plus ? c’quoi ? un jeu ? p’tain ce que je suis conne en fait.

C’était presque féerique. Il la regarde s’attacher les cheveux et chacun de ses mouvements lui défonce le coeur à coup de plume, de paillette et d’arc-en-ciel. Il a envie de faire tous ces trucs niais que les couples font, elle lui donne envie de soulever des montagnes. Il porte son café encore chaud à ses lèvres et il boit une gorgée, quand elle lui annonce qu’Ariel serait potentiellement enceinte. Quoi ? Il fronce les sourcils. Putain, elle veut quoi Anastasie là ? Il n’avait pas besoin de ça, encore moins maintenant, quand son début de relation avec Camila ne tenait qu’à un fil fragile d’un combat à la con. « What ? » Il fronçait aussi les sourcils et il s’approchait de Camila qui montrait déjà les dents. « No, Cam. It must be some kind of weird joke from Ariel and Louve. » Il récupérait le téléphone pour envoyer un message rapidement. « Cam, really, it’s nothing to worry. They’re cool but a little bit crazy. » C’est vrai que cette question là, il ne l’avait jamais abordé avec Camila. Il vivait avec deux femmes complètement libérées et dépourvus de pudeur. C’était le genre de truc dont la situation inverse aurait rendu Victor complètement dingue. Il pianotait rapidement une réponse quand elle envoya en gros plan qu’elle était enceinte, et derrière, un autre message expliquant que ce n’était pas une blague et qu’il devait être trop défoncé pour s’en rappeler. Etrangement, il se creusait la tête mais… rien ne lui venait. « I swear ! I never slept with Ariel ! I'm not losing my mind ! » Il levait les bras en l’air, comme un voyou, comme il était lui.

j’suis en train de bouillonner, littéralement. et j’crois que t’as de la chance que je me retienne parce que je pourrais clairement te sauter à la gorge là, de suite. « oh, you need explanations ? » connard. c’moi qui devrait en avoir. parce que si j’apprends que mon mec à foutu je ne sais qui enceinte, j’suis en droit de niquer tout le monde autour de moi. « a joke ? that’s not funny. » et là, moi j’ai l’impression que tu me prends pour une putain d’abrutie en fait. « nothing to worry ? are you kiddin’ me ? » j’ai la voix qui monte dans les aigus parce que là, c’est moi qui vais devenir folle si tu continue à me faire tourner en rond comme ça. j’ai les mains qui tremblent alors que je quitte le lit me plaçant face à toi. « so what ? you were to high to remember who you fuck ? » j’rigole mais c’est nerveux. et j’te balance un coup de pieds dans le tibia me faisant probablement plus mal à moi que l’inverse mais peu importe. « take your stuff and go. » parce que moi, j’m’engage pas dans ça. tu fais pas attention ? tu fous tes colocs enceinte ? bah va bien te faire foutre mais je sors de l’équation. j’suis pas prête à supporter ça et j’en ai surtout pas envie. et après c’moi que tu traites de salope ? putain mais regarde toi et regarde les gens avec qui tu vis avant de faire des leçons en fait. « I SAID GO. » t’as besoin que je le répète combien de fois ?

Mais là, il voit Camila péter un plomb. Elle suppose qu’il était trop défoncé aussi pour se rappeler l’avoir mise enceinte, et cette possibilité lui traverse l’esprit une seconde. Non… non, il s’en serait rappelé s’il s’était tapé Louve. Elles passaient leur temps les deux à lui faire vivre l’enfer à la coloc, mais pas de là à coucher avec l’une des deux, c’était incompréhensible. Mais pendant sa réflexion, il se reçut un coup dans le bas de la jambe qui le fit flancher dans un cri de douleur. « Fuck ! » Il frotta fort pour faire passer la sensation de mal qui électrifiait tout son membre et il se redressait en boitant légèrement. Putain, mais non. Non, non, non. Il tentait d’appeler Louve pour éclaircir la situation mais elle ne répond pas. Putain, c’est vrai. Elle était en Autriche et elle ne pouvait pas passer de coup de téléphone. Merde, elle le foutait dans une merde noire, et il n’avait aucune idée de comment se sortir de là. « No, Cam. I’m not going anywhere. I… i can’t remember. For me, i didn’t do it. » Mais il ne savait pas ce qu’il faisait la plupart du temps qu’il se défonçait à l’opium ou à l’oxy. Il cherchait une solution à son problème, et ce n’était que Louve qui pouvait l’aider, mais elle ne voulait pas le sauver. « It’s… oh fuck Cam, i didn’t fuck with her. She’s messing with me for… i don’t know why ! » Il écartait les bras. C’était la vérité, il en savait rien. C’était un jeu pour les deux. « Please, let’s talk about that, just a... » Mais elle venait hurler qu’il parte, et il en était hors de question. Elle le repoussait vers la porte mais il tentait de rester comme un rocher. « No, no, Cam. Merde. I don’t want to fight you. » Il ne voulait pas de dispute, pas là, pas après tout ça. Là, Louve le menaçait de le virer de l'appartement s'il n'assumait pas. Mais c'était quoi ça ? Tant pis, il vivrait sous les ponts, mais il n'allait pas gâcher ce qu'il venait de commencer pour les conneries de sa colocataire. Il écrivait trop rapidement sur son clavier, faute après faute.

j’peux hurler et ameuter tout l’immeuble si tu te tires pas. parce que clairement, ouais, là, la meilleure chose à faire c’est que tu partes. dans le cas contraire je vais me défouler sur toi et crois moi, t’as sûrement pas envie que ça arrive. mais tu sais ce que je ressent là ? j’ai l’impression que tu te fous de ma gueule. que t’es en train de me prendre pour la plus grande idiote sur cette planète et clairement, ça passe pas. « you can’t remember or you didn’t do it ? » parce que c’est pas la même chose tu vois. et moi, j’vois pas pourquoi est-ce qu’on viendrait t’accuser d’un truc pareil si t’étais pas responsable alors ouais, tu m’excuseras mais c’est pas en clignant des yeux que t’auras quoi que ce soit. « poor you. it’s a conspiration. » putain mais tu me prends vraiment pour une teubé en fait. tu crois quoi ? que je suis stupide au point d’avaler toutes les conneries qui peuvent sortir de ta bouche ? j’passe mes mains dans mes cheveux alors que j’suis en plein milieu d’une crise de nerf et j’lâche. j’hurle sur toi, j’hurle à m’en faire péter les poumons, à en perdre le souffle. « fight me ? talk about what ? LIAR. » putain mais tu sais que j’ai pas confiance. tu sais que j’ai du mal avec tout ça et puis quoi ? j’t’ai donné mon coeur y a quelques heures et t’es déjà en train de me cracher dessus ? t’es vraiment un enfoiré victor. un putain d’enfoiré. « tell me it’s not real » putain mais j’vais virer dingue. et même si j’ai rien d’autre qu’un tee shirt, j’attrape les clés de ma voiture qui traîne sur le buffet l’air rageur. « i’m gonna kill her »

Son cerveau accélère, il cherche, se creuse les méninges, il n’y a rien à faire, il n’a aucun souvenir de partie de jambe en l’air avec Ariel. Soit il ne s’en rappelait pas, soit ça n’était pas arrivé. Elle ironise la pitié, et parle de conspiration. « Yes ! I really think it’s a conspiration ! » mais là il passe pour un fou. Le genre de fou qu’on ne croit pas qu’il appelle au loup. C’était jouer avec ses nerfs, avec sa patience. Elle n’avait confiance en personne Camila, pas même en Victor et c’était normal, c’était à lui de prouver qu’il était digne de confiance mais avec un coup pareil, ciao, bye la confiance, envolé. Elle hurle que c’est un menteur et il se retrouve démuni. Il cherche une solution, il tente de rappeler Ariel, il essaie même d’appeler Louve, peut-être qu’elle connaît la solution à ce problème même si elle serait capable de persuader Victor qu’Ariel a raison. Mais personne au bout du fil. Puis il voit qu’Ariel est en train d’écrire mais ce message ne s’envoie pas et ça le rend dingue. Et Camila qui veut partir. Dans la tête de Victor, des dizaines de bonhomme courent dans tous les sens en cherchant une solution. « Cam, Cam, you can’t, she’s in Austria. » Elle n’était même pas à l’appartement, Louve aussi, elle était à Paris. « It’s not real. I can’t... » Avec toute la drogue qu’il prenait, il n’était même pas sûr de pouvoir avoir un gosse, c’est pour dire. « Please Cam, don’t push me away, i… i don’t know ok ? I don’t know, I can’t remember and I try so hard, i have no frame of her and I in my mind. » C’était en train de le rendre fou et ça lui brisait le coeur de voir Camila se mettre dans cet état là.

putain mais tu t’entends ? une conspiration. t’es en train de me dire que ta colocataire vient d’inventer cette histoire de toute pièce pour te piéger. ou tu me prends pour une conne ou t’as vraiment des relations douteuses mais dans un cas comme dans l’autre, j’suis en train de péter les plombs. qu’est-ce que tu crois ? que je vais m’asseoir gentiment et attendre que tu me berces d’illusion ? putain de merde. j’ai juste envie de tout dévaster sur mon passage. de tout péter. de te faire exploser toi y compris. tu sais que je contrôle pas ma colère. et ouais, j’vais aller la buter. j’en ai rien à foutre à ce point là. j’vais juste lui faire manger le sol à plusieurs reprise. « give me the adress. » j’en ai rien à foutre de ce que tu racontes. tu m’donnes une adresse et j’vais aller me la faire. c’est simple. « you try to protect her ? give me the fuckin adress. » donne la moi parce que je te jure que c’est ta tronche à toi que je vais éclater si tu continue. j’ai le coeur au bord des lèvres là, j’tremble de rage, j’contrôle plus rien. « i don’t care about what you remember or not. you fucked her and she is pregnant. end of the story. » putain tu me déchire le coeur là. tu les vois mes yeux qui s’humidifient ? les larmes qui menacent de couler ? « give me the adress right now or i swear to god i’m gonna kill you too. » j’te jure victor, j’suis déjà à bout, me pousse pas plus loin.

Si une force est au-dessus de lui, qu’elle lui vienne en aide. Il a besoin qu’un miracle se produise. Et Camila, elle, elle est en train de vriller, de le menacer. Si elle avait une arme entre les doigts, il serait déjà un homme mort depuis longtemps. « I’m… Cam, really... » Aucune excuse, aucune pitié. Elle était fébrile et tremblante, il voyait sa peine dans son regard, mais il ne savait pas quoi dire pour la rassurer, parce que même lui n’était pas sûr qu’une vérité soit quelque part dans les mots d’Ariel. Il serrait les poings, récupérant la haine de Camila, tant pis s’il servait de punching-ball le temps de trouver comment régler la situation. Puis son portable vibra et c’était peut-être son salut. Il récupéra les mots d’Ariel qui le fit pousser un soupir de soulagement. Il avait tellement peu confiance en lui quand il était déchiré qu’elle avait même, pendant quelques secondes, immiscé le doute dans son crâne. Inception. « Look, look ! » Il tendait son écran devant le visage de Camila, pour arrêter le lait qui montait sur le feu et éviter qu’il déborde. « She’s crazy, ok ? Like hell. It was just a prank for wishing me happy new year ! I’m not that kind of guy, please, Camila... » Il essayait de s’approcher d’elle, sans oser la toucher. On ne sait jamais. « It’s only you, just you. » Il serrait les dents, les sourcils arqués, froncés, la ride du lion apparaissant. « Please, Cam... » Il croisait les doigts pour qu’elle s’apaise. Juste un peu…

j’ai envie de chialer et j’me retiens juste pour pas avoir l’air encore plus pitoyable que ce que je suis déjà. mais j’te jure que c’est dur. j’ai l’impression que t’es en train de me laminer là et j’peux juste pas. tu sais que j’peux pas encaisser ce genre de truc. que c’est trop. et soudainement, tu me flanquais ton téléphone devant les yeux, t’exclamant que je devais regarder mais j’le faisais pas. j’m’en fou, tu mens. tu mens, tu fais que ça. t’essaie de me détourner pour pas me filer cette foutue adresse. mais tu reprends et je finis par prendre ton téléphone entre mes mains lisant la conversation. et je sais pas. je sais pas ce que je dois penser. c’est putain de tordu comme truc. dans quel monde on souhaite la nouvelle année de cette façon ? j’ai la gerbe. j’en peux plus de ce trop plein d’émotion et j’recule d’un pas, m’adossant contre le mur que t’avais éclaté quelques jours avant puis me laisse glisser au sol. « just me » je répète mais j’ai du mal à ancrer tes mots dans ma tête. j’deviens dingue ou alors je le suis déjà. j’sais pas. « who the hell is she ? » faut être complètement détraquée pour faire ce genre de blague en fait. c’est juste pas possible. « she is your room-mate ? no fuckin’ way you go back there. » tu veux voir ce que c’est de la jalousie ? il est hors de question que tu remettes les pieds là-bas. « you’re not living with her anymore, understand ? »