— Du 24 octobre 2005
Je viens de rencontrer le petit duc de Normandie, aujourd'hui. Il est d'un calme qui contraste bien avec celui de son grand frère, Monseigneur le Dauphin Louis-Alphonse, duc de Berry. Monsieur Antoine est un garçon plutôt solitaire, calme, qui aime rester en dehors des cérémonies. Je n'ai jamais connut un enfant aussi discret.
Monseigneur était tout autre à son âge : il était d'un caractère des plus enjoués, qui aime tout le monde et que tout le monde aime, ce qu'il n'a pas perdu. Il se passionne pour tout ce qui lui est étranger, là où son cadet de sept ans prend la fuite. Faisant partit des intimes du Dauphin, je sais que Normandie et lui s'entendent très bien, jouant souvent ensembles. Il a n'est pas aussi discret qu'il en a l'air quand ils sont ensembles, le Dauphin le décrivant comme espiègle, coquet, le rire franc et l'air distingué.

— Du 18  avril 2007
Le duc de Normandie est toujours profondément affecté par les morts de son frère, le comte de Nice, et de sa mère, il ne cesse de se terrer dans le silence depuis trois semaines. Feue Anne-Josèphe d'Autriche était une si bonne personne que je ne peux que les comprendre. Et puis cet accident de voiture fut terrible : rendez-vous compte, cette jeune infirmière ne savait pas qu'elle prenait la route en sens inverse. Six mois à l’hôpital pour le roi Alphonse II, et messeigneurs. Dire que le petit Jean est mort à seulement deux mois… Depuis cette épisode, j'ai l'impression que les gazettes s'en donnent à cœur joie pour insister sur le malheur de la famille royale. Monseigneur le Dauphin est peiné, mais il ne montre rien, comme Sa Majesté. Les familles heureuses n'ont pas d'histoire dit-on : aujourd'hui, rien ne semble plus vrai. J'ai vu leurs cicatrices, elles sont profondes. Comment sont celles de leurs âmes ?

— Du 1 janvier 2013
Oh, là là ! Si vous saviez ce que je viens d'entendre durant cette soirée de Nouvel An de la part de Monsieur Antoine, vous ne me croiriez pas : a douze ans, il est déjà incisif dans ses mots. Pour exemple, il se trouvait qu'une femme avec un petit embonpoint disait qu'une autre avait grossit et elle s'en moqua allégrement avec un homme. Monsieur Antoine qui était à côté lui avait répondu : « C'est vrai qu'elle a bien grossit. fit-il remarquer. Un jour viendra où elle finira pas troquer son cou contre un double-menton, comme vous ! » Et il s'en alla, fort content de sa pique envers cette femme. Il ne l'avait pas dit fort, mais il y avait si peu de paroles à ce moment que tout le monde l'entendit et ria. La pauvre dame, honteuse, se retourna et alla se consoler dans les petits fours. Sa Majesté et Monseigneur ne dirent rien, mais je pense qu'il se fera réprimander pour cette insolence.

— Du 9 juillet 2018
Monseigneur le Dauphin poursuit son doctorat à Oxford, je le vois moins souvent, il ne revient que pour les vacances d'été. Mais je sais qu'il mène une belle vie là-bas, et qu'il se fait beaucoup d'ami.e.s. Je suis bien aise de savoir qu'il n'est pas allé à Harvard, là où Sa Majesté veut mettre le duc de Normandie. Il y a eut beaucoup de terribles événements que je ne voudrais pas écrire ici car ils sont bien douloureux, mais Sa Majesté veut mettre son fils là-bas. Je ne le vois que rarement. Tout le monde le voit rarement. La dernière fois que quelqu'un l'a vu, sur je ne sais quel sujet, il s'était exclamé : « Eh bien, soit ! Qu'on les tue ! Qu’il n’en reste plus un pour me le reprocher !  » Cela avait effrayé tout le monde. Il était toutes griffes, tout crocs dehors.
La gifle que Sa Majesté lui infligea fut monumentale et il le renvoya dans ses appartements ! C'est bien mérité, selon moi. Mademoiselle de Clermont m'a dit qu'il lui avait fait la confidence qu'il souhaitait de retirer du monde, mais Sa Majesté lui avait refusé d'être novice dans un quelconque ordre religieux, qualifiant cela comme une perte de temps. Cela est vrai que Monsieur Antoine ne pourrait, je pense, pas s'épanouir dans la vie ecclésiastique. Il serait tellement bon pour lui de diffuser son savoir, un vrai professeur, c'est un vrai puit de connaissance ce jeune homme !
Et puis si vous aviez déjà lus un de ses poème ! Magnifiques ! Ronsard pourrait recevoir des leçons de sa part. Là, je retrouve le jeune garçon dont me parlait Monseigneur. Il parle d'Hélène, d'Alexandra, de la reine de Saba, il chante leurs amours et déclare le sien pour elles. D'ailleurs, ont ne lui connaît aucun amour masculin, ni même d'amour pour n'importe qui, sinon des femmes légendaires.