La vie de Caleb avait pris un tournant qu'il pourrait qualifier d'inquiétant. C'était effrayant, parce que la vie qu'il menait n'avait plus rien à voir avec ce qu'il était auparavant. Caleb avait pris de l'âge, un mariage et un enfant qui ne lui appartenait pas dans la gueule. Il avait besoin d'une facilité de cursus scolaire, et de discuter avec un de ses professeurs de la façon de s'organiser pour son procès à venir. Il fallait qu'il se libère à plusieurs reprises mais il n'avait pas envie non plus de chuter au niveau des notes. C'était un élève assidu, qui tentait de ne manquer aucun cours, même quand ça devenait compliqué, mais pour promettre un avenir à Jane et à ses frères et sœurs, il se devait d'être cohérent. Caleb était sorti de chez lui rapidement pour rejoindre Harvard, et il marchait en direction de la salle des professeurs, espérant discuter avec le professeur principal de son cursus multimédia. Il poussait la porte de la salle. « Professeur Mendez ? C'est Caleb Edelstein, je viens vous voir pour… » Mais de derrière une armoire, un visage familier apparaissait. Un grand bonhomme costaud, blond et rassurant apparaissait. Clarke… Son père spirituel, sa figure d'autorité, son épaule. Le compagnon de sa cousine disparut. Que faisait-il ici ? Cela ne faisait qu'un an que Caleb était à Harvard, et c'était peut-être pour cette raison qu'il ne l'avait jamais croisé. Ses cours n'étaient potentiellement pas en rapport avec les siens. « Clarke ? » Il fronçait les sourcils, espérant comprendre. Cela faisait tellement de temps qu'il ne l'avait pas vu. Comment allait Elinah ? Lui dirait-il ? Clarke avait coupé les ponts avec Caleb très rapidement après le départ d'Historia.

Pour une surprise, c’en était une. Clarke était présent en face de lui, et était d’une froideur qu’il n’aurait jamais pu soupçonner avant. Il était gêné Caleb, parce qu’il avait le même sang dans les veines qu’Historia, son ex-femme et même qu’Elinah, sa fille. Et ce regard similaire devait lui faire remonter des souvenirs à la surface qu’il tentait d’oublier. Quatre ans qu’ils ne s’étaient pas vu et les seuls mots de Clarke, c’était une information purement scolaire ? Caleb était triste que les choses aient aussi mal tournées, il n’avait pas voulu de cette situation et il avait tellement aimé Clarke pour ce qu’il lui apportait, et Elinah… N’en parlons même pas. Il aurait rêvé la revoir, la garder dans sa vie. Alors Caleb prit les devants, il n’avait pas envie de jouer les cachotiers, ni même les pudiques, il ne l’avait jamais été. Clarke connaissait Caleb, son franc-parler, sa franchise. « Elinah va bien ? Ça lui fait quel âge maintenant ? Six ans ? » Il s’en foutait maintenant du professeur Mendez. Rien n’avait plus d’importance que ces retrouvailles, que Clarke le veuille ou non.

Mais pourquoi mettre autant de distance d'un coup envers lui ? Peut-être par pudeur ? Caleb n'en savait rien et il était gêné de la situation. Il aurait voulu que son ancien ami (et le mot ancien le fit un peu souffrir) soit plus accueillant, mais ce n'était pas le cas. Caleb accueillit les nouvelles d'Elinah à cœur ouvert et était heureux de savoir qu'il allait bien. Finalement, Clarke l'invita à attendre son professeur sur la chaise et Caleb accepta. Il avait envie de prendre des nouvelles de Clarke mais ce dernier ne le laissait pas entrer dans son espace de confiance. Il lui demanda maladroitement ce qu'il devenait. « Et bien… euh… » La vérité ? La triste vérité qui bousille son cœur depuis des semaines et qui le flingue à longueur de journée ? Ou un mensonge pour ne pas inquiéter les personnes autour de lui ? Peu de personnes l'entendaient pleurer la nuit, alors ce n'était pas avec Clarke, qu'il ne connaissait désormais plus qu'il allait s'étaler. « Tout vas bien. Tu peux constater que j'ai intégré Harvard. J'ai pris majeur multimédia et mineur informatique. Je bosse à côté dans un centre océanographique à Boston. » Il haussait les épaules. Il pourrait rajouter quelques détails pour embellir le tableau. « Et je boxe toujours, et je fais même des championnats. Maman va du mieux qu'elle peut et les enfants aussi. » Quand il parlait d'enfant, il parlait surtout de ses frères et sœurs. S'il savait… Caleb posa son bras le long de la table en bois et soupira légèrement. « Et toi ? Quoi de neuf ? » Quelle question si nulle, si pitoyable.