Abbadon & Cassiopée

We value pain because it is the only thing left to us.

S'il y a bien une chose que j'adore dans la vie, ce sont les vendredis soirs. J'aime avoir ce sentiment de liberté, cette impression de ne rien devoir à personne et d'être entièrement libre pour deux jours entiers. Évidemment, ce que j'aime le mieux c'est de sortir faire la fête avec des amis. J'ai toujours été une fille de soirée et ce n'est pas sur le point de changer. Cependant, ce soir, il n'y a aucune soirée étudiante organisées par les confréries. Qui plus est, aucun de mes amis n'est réellement d'humeur à sortir, prétextant que la semaine a été trop éprouvante ou qu'ils ont mieux à faire. Qu'à cela ne tienne, je n'ai pas l'intention pour autant de rester squatter à la villa sans rien faire. J'ai la ferme intention de me rendre au seul endroit en ville qui risque de me divertir adéquatement : le Royale.

Après avoir pris une douche rapide, je sèche adéquatement mes cheveux. Certes, la saison automnale n'est pas encore très avancée, mais je préfère ne prendre aucun risque d'attraper la grippe. J'enfile une petite robe rouge moulante, me maquille très légèrement, puis quitte finalement la villa pour monter dans ma Ferrari rouge.

Le chemin jusqu'au Royale n'est pas très long. Dix minutes au maximum. Si tôt arrivé, je gare ma voiture puis me dirige vers l'entrée. Il y a du monde ce soir. La salle est bondée et je commence à me dire que je ne suis pas la seule qui a pensée à cet endroit pour chasser ses tracas de la semaine qui vient de se terminer. Me faufilant à travers les danseurs et les petits groupes qui sont occupés à discuter, je tente maladroitement de me rendre au bar afin de commander mon premier cocktail de la soirée. C'est alors que je fonce lourdement dans un homme qui était en train de prendre le même chemin que moi. Je m'apprête à m'excuser en affichant mon plus beau sourire, mais lorsque je découvre l'identité du jeune homme, mon expression change du tout au tout. Abbadon Jakerphill, celui qui m'a brisé le coeur en emportant avec lui tous mes espoirs de retomber amoureuse un jour. Instinctivement, je viens croiser mes bras contre ma poitrine, probablement inconsciemment pour me protéger. Me rendant compte du ridicule de la situation, je les relaisse tomber le long de mon corps. « Bouges. » soufflai-je sèchement en le bousculant de nouveau, mais de manière beaucoup moins poli. Je finis par me rendre au bar, reprenant une expression plus aimable face au barman à qui je commande un Gin Tonic. De toute évidence, cette soirée commence de manière très désagréable.

Abbadon & Cassiopée

We value pain because it is the only thing left to us.

Ce soir, j’ai besoin de faire la fête, de picoler et surtout de tout effacer. Depuis que Isabella a recroisé mon chemin et qu’elle est venue ma parler chez moi, je suis complètement paumée. Décidément, quand on parle d’ex- petit-amie, il serait bien que ça reste ainsi. Notre rupture ne date que de quelques mois, du coup, dire que c’est évident serait mentir. Mais bref, ce soir, je vais bien me bourrer la gueule et passer la soirée avec des amis. Pas d’histoire de femmes, d’ex, de copine. Juste nous, entre hommes et basta. Du moins, c’est ce que je pensais au début. Habillé d’une façon sobre et élégante, les cheveux plaqués en arrière dévoilant un regard océan, légèrement parfumé, c’est ainsi que je rentre au Royal. Mon cercle de fréquentation et moi-même, ayant largement les moyens, avons droit au carré VIP. Directement, l’alcool commence à couler à flot. Une bouteille, une deuxième…Je commence vite à voire de petites étoiles là où il ne devrait pas en avoir. La preuve, pour aller jusqu’au toilette c’est carrément la deuxième guerre mondiale. Bousculant plusieurs personnes sur le retour, je joue des coudes pour me frayer un chemin dans la foule des danseurs.

Du moins, jusqu’à ce que je fonce littéralement dans une jeune femme. Vacillant dangereusement, les pupilles dilatées, je m’apprête à m’excuser quand je reconnais la personne devant moi. Cassiopée. Putain ! Le bon dieu a décidé de me casser les couilles en me mettant ma deuxième ex dans les environs. Ça aurait été une ex à qui je ne tenais pas, que j’avais complètement oublié, ça n’aurait pas été trop grave. Sauf qu’il y a deux ex que je n’arrive pas à oublier. Cassiopée et Isabella, et voilà que je croise les deux. Bien sûr, vu notre rupture, je vois directement que la jolie blonde est sur la défensive. Face à ses paroles, je roule des yeux et vacille de nouveau quand elle me bouscule. « Cass…attend..rhooooo. » Passant une main dans mes cheveux, je fais demi-tour pour la suivre, bousculant plusieurs personnes. Arrivant à la rattraper, je pose ma main sur son bras pour la faire se stopper. La musique, elle m’oblige à gueuler comme un putois, chose que je ne supporte absolument pas. « Cassiopée, attends. Viens, on va parler. » Dis-je simplement, essayant de me faire entendre au-dessus de la musique. Les yeux explosés, il est évident que je suis complètement bourré…

Abbadon & Cassiopée

We value pain because it is the only thing left to us.

Moi qui m'attendais à une petite soirée relaxe où je pourrais m'amuser et décompresser de la semaine éprouvante que je viens de vivre, apparemment, ça ne risque pas d'être le cas. Évidemment, je m'attendais à croiser des têtes connues ce soir, mais qu'il s'agisse d'Abbadon, je ne l'aurais pas cru si on me l'avait dit. Si tôt que nos regards se croisent, je sens une boule me monter au ventre et ça, je déteste ça. J'ai l'impression de revenir à l'époque où j'étais encore cette petite fille de vingt ans au coeur brisé. Aussi, je m'empresse de m'échapper, non pas sans l'avoir bousculée lourdement au préalable. Je me dirige vers le bar où je m'installe et commande mon premier verre de la soirée. Le premier d'une longue liste à n'en point douter. Moi qui m'étais jurée de rester sage ce soir, là, j'en ai besoin. J'ai besoin de me noyer dans l'alcool, de danser et de ne plus penser au reste.

Mais je ne m'attends pas à ce qu'il me suive. D'une démarche titubante qui démontre parfaitement son taux d'alcoolémie, il atteint difficilement le bar. Il pose sa main sur mon bras, me criant qu'il veut que je le suive afin qu'on parle. Je ne peux m'empêcher de rouler les yeux tellement la situation est ridicule. « Et tu as attendu deux ans pour enfin vouloir t'expliquer !? » J'en ris légèrement au moment où le barman me donne mon verre. J'en prends une longue gorgée avant de reporter mon attention sur mon ex qui est toujours à mes côtés. « Écoutes, tu es complètement ivre et j'en ai absolument rien à foutre de tes explications. C'est avant qu'il aurait fallu venir me voir si tu voulais vraiment qu'on conserve un minimum de civilité. Fiche moi la paix. » Je détourne le regard pour me concentrer sur la piste de danse. Qui sait, peut-être que quand je retournerai la tête, il aura disparu, emportant avec lui le malaise que je ressens en ce moment.