L’été arrivait enfin, le temps de la liberté dans tous les sens du terme. Libérée de ce froid, de l’animosité qui règne pendant la période d’examen, libérée pendant un temps de ce masque de la petite fille parfaite, l’été était synonyme de renouveau. C’était comme si j’asphyxiais depuis trop longtemps et que j’arrivais enfin à respirer sans me poser de question.

Aujourd’hui j’avais décidé de profiter de cette belle journée pour m’occuper de ma dernière petite cabot. Il s’agissait de mettre à l’épreuve sa détermination, de la connaitre un petit peu mieux et de faire d’elle officiellement une rose prête à intégrer la maison avec toute les autres dès la rentrée qui n’arriverait que trop vite.

Je lui donnais rendez-vous au centre commerciale, il fallait que je fasse un peu de shopping, et puis là-bas c’était l’endroit idéal pour jouer avec ma nouvelle apprentie. Je lui donnais rendez-vous à 14h, histoire de me rendre compte de sa ponctualité. Il y a trois type de fille dans la vie, les stressées qui arrivent toujours en avance. Celle qui s’en foutent et qui arrive à l’heure, ou les princesses qui s’arrangent pour se faire désirer.

J’arrivais un peu avant 14h histoire de voir de qu’elle genre était ma nouvelle cabot. J’avais enfiler une robe mi longue d’un blanc peut être un peu trop propre pour une après-midi à courir. Des escarpins parce que je ne pouvais pas sortir sans et un sac de créateur qui ne servait à rien d’autre qu’à montrer que j’avais un certain gout.

Installée sur un petit fauteuil devant la fontaine du centre commercial, je regardais les allez et venue des gens qui s’affolaient à essayer de monter plus vite que ne le permettait les escalators. Sortant mon téléphone du sac, je regardais l’heure pour me rendre compte que j’avais encore un peu de temps, enfin, à moins qu’elle me pose un lapin ? Je lui envoyais un SMS pour lui dire que je l’attendais au pied de la fontaine.

Pour terminer mon bizutage, je devais retrouver @MINNA SCHÄFER dans la galerie marchande du centre commercial. Mais quelle idée allait-elle trouver ?
L'été pointait le bout de son nez, j'avais opté pour une tenue légère et décontractée. Nous avions rendez-vous pour 14h. J'arrivais sur les lieux pour 14h pile. Elle était déjà installée sur un fauteuil près de la fontaine. Maquillée et apprêtée comme jamais, elle avait mis la barre haute. Je me semblais ridicule à côte d'elle. J'avais donc fait le mauvais choix. Le sourire aux lèvres, je m'avance pour la saluer et lui dis-je « Je crois que je suis prête à en baver ».

Aujourd’hui c’était ma journée bizute, et j’attendais que ma dernière arrive avec une certaine impatience. J’ai eu plusieurs filles ces derniers temps qui c’étaient montrée plutôt décevante, mais je mettais beaucoup d’espoir en cette nouvelle qui me paraissait prometteuse. C’est d’ailleurs pour ça que je comptais m’occuper d’elle personnellement.

En lui donnant rendez vous à l’heure, je me rendais compte qu’elle était ponctuelle, une qualité rare de nos jours. Je lui offrais un sourire, pas le sourire pure et sincère qu’on donne à sa meilleure amie, mais un sourire qui montrait quand même que j’étais contente d’être là, pour de vrai. Je la saluait en la détaillant de la tête au pied avant de m’approcher pour lui faire la bise.

- Bonjour ma belle tu as l’air fin prête en effet !

Il y avait peut-être une légère once de sarcasme dans ma voix, mais ça se descellait à peine. Elle était habillée d’une tenue légère, mais pour ce que j’avais prévu aujourd’hui ça nous irait parfaitement. Avec ma main dans les airs je balayais l’espace pour lui donner une idée de toutes les boutiques qu’on pouvait trouver dans un centre aussi gros.

- Tu aimes le centre commercial dis-moi ? C’est pas une question piège, répond sincèrement, c’est quoi la première chose que tu fais en arrivant en général dans un centre commercial ?

Tapotant sur le fauteuil à côté de moi, je lui montrais d’un signe de la tête qu’elle pouvait venir s’assoir, ce que je faisais par ailleurs, je me rasseyais en espérant que ma voisine vienne prendre ses aises le temps qu’on discute un peu d’elle. Après tout être une cabot c’était surtout une question d’éducation, il faut que je m’assure que mon Elina avait ce qu’il fallait pour être une des notres.

Je m'asseyais donc à côté de Minna sur un fauteuil du centre commercial. Regardant les boutiques autour de moi, j'étais ravie de ce rendez-vous. Passionnée par la mode et souhaitant être styliste, être ici, était mon univers. Pour l'occasion, je n'avais pas mis ma plus belle de créateur car je ne savais pas comment Minna allait me cuisiner. En attendant, elle avait envie d'en savoir plus sur moi. J'appreçiais beaucoup l'approche amical. Elle n'avait pas l'air d'être fausse, ni d'être une peste, seulement gentille et à l'écoute de sa nouvelle recrue. « J'adore venir ici, c'est ma seconde maison. Je suis étudiante en design de mode et je suis passionnée. Je rêve d'aller à Paris pour apprendre mon métier dans de grandes maisons de hautes coutures. ». Quelques secondes plus tard, je pris la peine de répondre à sa seconde question. « En arrivant dans un centre commercial, je regarde le plan à l'entrée pour me diriger dans les boutiques qui m'intéressent. Et après, j'essaye de dénicher la pièce, la pépite qui me rendra spéciale. » Il faut comprendre spécial dans le sens unique. « Par contre, pour aujourd'hui, ne tient pas compte de mes fringues. Je n'ai pas eu envie de m'habiller avec de belles pièces. Ce que je porte c'est simple comme tu as pu le voir. » lui adressant un clin d'oeil amusé. J'avais bien vu comment elle avait pu me dévisager, me regardant de la tête aux pieds, dès que j'étais arrivée.

hj : désolée du retard

Quand la nouvelle cabot arrivait jusqu’à moi, je lui laissais le temps de venir trouver sa place à côté de moi. Elle avait l’air nerveuse, elle parlait beaucoup, comme pour masqué le fait que tout ça l’intimidait un peu. Je ne sais pas si je devais m’en délecter ou essayer d’être un peu moins strict sur mes questions.

- Paris c'est très surfait. On raconte partout que c’est la capitale de la mode, mais si t’es sage un jour je t’emmènerai avec moi à la maison, chez moi, à Berlin on a des boutiques qu’on ne trouve pas à Paris !

Quitte à partir en europe, autant commencer par LA ville qui serait la plus intéressante pour elle. Le berceau de l’empire de Karl Lagarfeld, le pays de Claudia Schiffer, enfin ma ville à moi quoi. Je plissais les yeux en observant les mimiques de ma voisine quand je parlais de l’Allemagne, si elle voulait qu’on reste copine, il ne faudrait pas se mettre en désaccord là-dessus.

A mesure qu’elle s’étendait un peu plus sur le centre commercial et ses fameuses investigations pour trouver LA boutique, la pièce comme elle disait, je souriais et continuait de l’écouter. Peut-être que j’arriverais à en faire quelque chose de cette nouvelle recrue finalement. C’était elle seule qui commençait à dénigrer sa tenue, m’expliquant qu’elle n’avait pas souhaité faire d’effort et j’en profitais pour rebondir dynamiquement sur sa phrase.

- Tu as raison, tu ferais bien de retirer ça tout de suite, si on te voit habillée comme ça je serai obligée de dire que je ne te connais pas !

J’avais pris un ton un peu moins enjoué qu’au début de notre conversation, pas sévère, mais plus strict quand même. J’avais envie de sourire, mais je réprimais ce sourire en prenant mon air de pimbêche aigrie. Je voulais voir pendant quelques secondes ce que ma bizute aurait à répondre à ça avant de lui proposer quoi que ce soit d’autre.

Je la détaillais du regard un instant en prenant un air insistant et sérieux. Elle n’était pas si mal habillée que ça, et même si ça n’était pas signé par un créateur Allemand, il faudra juste qu’elle comprenne que la confiance en soi restait primordiale pour affirmer son style quel qu’il soit devant n’importe qu’elle autre fille qui pourrait s’en moquer.

- Tu attends quoi ? Au pire cache toi dans la fontaine le temps que j’aille te chercher de quoi t’habiller.

Elle me propose d'aller à Berlin car Paris n'est pour elle, pas la capitale de la mode ? Même si je ne crois pas à son affirmation, je n'hésite pas une seconde pour lui répondre « Ca serait vraiment super d'aller à Berlin ! On part quand ? » lui dis-je en rigolant. Le sourire aux lèvres, je rêvais de voyager. Minna allait me sortir de ma zone de confort et être une Cabot, c'était ça aussi, se lâcher et profiter. Par contre, ôter mes vêtements pour en acheter d'autres, elle pouvait toujours rêver. Je n'étais pas du genre à me laisser faire. Je comprenais son agacement à ce que je sois habillée simplement, surtout que j'avais un peu lancé le sujet bêtement mais elle avait rebondi directement en me proposant de dérober des fringues et au pire de me cacher dans la fontaine. « Tu es sérieuse Minna ? Il est hors de question que je cède à ton caprice ! Je suis très bien comme ça. A prendre ou à laisser, tu as le choix. » C'était quoi ces nouvelles règles. Je m'ajoutais nerveusement sur mon fauteuil. J'étais agacée. J'étais à deux doigts de me lever et de quitter le centre commercial.

Mon pays natal me manquait affreusement parfois, j’avais trouvé mes marques en amérique, mais jamais aucune ville ne saurait remplacée celle où j’ai grandi. Quand je proposais à ma bizute de lui faire découvrir, j’étais contente de déceler un certain enthousiasme à l’idée de m’accompagner chez moi.

- Tu fais le voyage en Europe cet été ? On pourrait se trouver une journée où on passerait à côté pour y faire un crochet.

Le problème ça serait surement de se cantonner à une journée, une fois que je serais rentrée, je savais que j’aurais du mal à quitter une nouvelle fois le pays. Mais peut être qu’avec une cabot à mes côtés ça serait plus facile de faire la part des choses. Enfin tant soit elle une cabot, ce qui reste encore à prouver !

Je l’avais emmenée ici pour la tester un peu, et sans le savoir sa première épreuve commençait avec sa tenue qu’elle refusait de retirer. Je souriais en regardant ma future rose pestée et prendre un ton plus confiant que tout à l’heure. Je lui tendais la main en me relevant du fauteuil pour qu’elle fasse la même chose que moi.

- Une cabot doit toujours garder la tête froide. Elle a raison, même quand elle à tort, c’est le secret des filles populaires. On s’en fout de ce que tu portes, du moment que tu le portes fièrement.

D’accord, il y avait des limites vestimentaires à ne pas dépasser, mais en soit Elina restait tout à fait convenable. D’un mouvement de la tête je lui faisais comprendre qu’il fallait qu’elle se lève et qu’on se bouge d’ici pour chercher de quoi s’occuper dans les multiples boutiques du centre commercial.

- Boude pas chérie, t’es plutôt jolie, il faut juste que t’en prenne conscience.

Partir à Berlin, un rêve pour moi. Minna était très généreuse de m'offrir cette opportunité. Elle ne me connaissait pas et m'avait proposé de partir avec elle cet été ? Aussi vite ? Pourquoi pas. Après tout, c'était l'occasion de profiter des vacances avant la rentrée à Harvard. J'étais ravie et enjouée : « C'est une super idée ! Faut qu'on organise ce voyage alors... D'ailleurs c'est bientôt le départ, il va falloir que je prépare ma valise. Tu pars toi aussi ? » . Une journée à Berlin, ça allait être court pour visiter le pays. Entre le shopping, les monuments et les soirées, on devra faire des choix. Puis, elle vint par me lever du fauteuil et ajouta qu'une cabot doit être bien dans ses baskets et d'être fière de ce qu'elle est. Chose que j'avais du mal à accepter. Je n'avais pas conscience de mes atouts féminins. Je n'avais pas confiance en moi. Mais ce défaut n'allait pas s'en aller aussi rapidement. La moue boudeuse, je n'avais pas apprécié comment Minna m'avait parlé. D'une phrase magique, un compliment plus tard de sa part, mon sourire réapparut. « Alors apprend moi à l'être... J'ai pas l'impression de plaire et d'être jolie ! » . C'était un appel à l'aide. J'avais envie de sortir de ma zone de confort.

La nouvelle cabot avait l’air un peu perdue, je venais de lui dire qu’on profiterait du voyage en Europe pour aller en Allemagne, et elle me demandait si j’y allait ?  Je la dévisageais avec des yeux insistant, mais je ne relevais pas sa remarque, et me contentais de sourire comme la sœur la plus docile de la sororité.

- Si je pars en Europe, tu rigoles ? Je voudrais pas louper ça, et puis c’est chez moi là, plus que je ne me sentirai jamais chez moi ici.

Il y avait tellement de chose qui ne remplacerait jamais mes habitudes. Ça faisait un an maintenant, j’avais appris à me passer de certains petits plaisirs, à en trouver d’autres ici, mais ma vie d’avant me manquait. Je soupirais, sans vouloir m’étendre, je n’allais quand même pas raconter ma vie à une bizute ?

Je l’avais fait venir pour qu’on s’occupe de son initiation, alors autant se pencher là-dessus. Après lui avoir fait remarquer qu’elle avait encore un peu de chemin à faire, j’encourageais Elina à me rejoindre pour qu’on avance un peu dans le centre. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point la blonde pouvait se sentir mal dans son corps avant de l’attaquer plus personnellement, et sa réflexion me surprenait.

- C’est quoi une fille jolie pour toi ?

En se mettant à marcher à travers les couloirs du centre commercial, on flânait devant les galeries en s’arrêtant plus ou moins longtemps devant les vitrines en fonction de ce qu’on pouvait y trouver. Cette vitrine en particulier semblait particulièrement retenir l’attention de ma voisine, alors je m’arrêtais aussi pour me tourner vers elle.

- Il y a une femme connue, ou une inconnue, une copine à toi que tu trouves jolie ? Essaie de réfléchir à ça, si tu étais elle, que tu avais son corps, est ce que tu penses que tu te sentirais plus belle ?

La plus part des filles se complexaient par rapport à leur physique, mais je restais persuadée que même la plus belle des femmes sur terre se trouverait laide tant qu’elle n’aurait pas décidé d’accepté l’idée qu’elle puisse être jolie. Quand j’arriverais à faire comprendre ça à ma bizute on aurait fait un grand pas en avant.