Soupirant mentalement contre ma propre bêtise, j'essaie de paraître normal au monde extérieur et ça se passe très bien avec le commentaire de Jax. Repensant aux méthodes de remboursement promis avant qu'on sorte, j'hoche légèrement la tête, acquiesçant pour celui-ci et sa demande de prendre Daeron avec moi quelques instant. Un peu surpris, je me retrouve avec la laisse et son café dans les mains et faisant quelques pas avec la peluche pour m'éloigner, mais je ne peux m'empêcher de suivre mon petit ami des yeux, plus par surprise que par inquiétude. Il a oublié un truc?

À sa démarche et la faible tension que je devine dans ses muscles, je réalise assez rapidement que ce n'est pas parce qu'il a laissé sa carte bancaire qu'il s'approche à nouveau du comptoir, mais plutôt parce qu'il n'a pas apprécié la drague ouverte. ...ou ma réaction face à la drague ouverte? Je ne sais pas si elle comprendra tout ce qu'il lui balance, mais moi, de loin, j'en déduis qu'il n'a que moyennement de se faire refiler un numéro.

Lorsqu'il revient, je ne l'ai toujours pas lâché des yeux. Je lui rends son breuvage et la laisse de Daeron et ne peut empêcher un léger sourire de se glisser sur mes lèvres quand il prend ma main pour m'entraîner plus loin. Il y va d'un commentaire, mais a retrouvé sa bonne humeur.

- Heum, je crois que y'a des gens comme ça partout, hommes ou femmes, commentais-je.

Le laissant prendre une gorgée, je baisse un instant la tête, mordillant le bord du couvercle du mien.

- C'était légèrement puéril ce que j'ai fait, navré, admis-je en relevant la tête vers lui, fronçant le nez légèrement avant de lui servir un petit sourire d'excuses.

C'était con, en fait. Et je sais pas vraiment pourquoi je l'ai fait. J'ai pas vraiment réfléchi, c'est l'égo qui a parler en premier. Je ne devrais pas avoir ce genre de réaction pourtant. Je n'ai pas peur que Jax me lâche pour aller vers une fille. Ou un autre mec. Je n'ai pas peur qu'il me tourne le dos. ...ou peut-être un peu, dans la partie irrationnelle de mon cerveau, qui prend comme exemple mes anciennes relations. Pourtant, y'a pas vraiment de trucs comparables et il me l'a fait lui-même remarquer assez souvent. Alors si cette partie pouvait arrêter de me faire faire des conneries, ça serait chouette!

M'ébrouant pour chasser mes pensées qui divaguent vers des sujets douteux, je me tourne vers mon petit ami pour lui parler à nouveau.

- Je peux récupérer mon porte-feuille seulement pour payer les cigarettes avec les billets canadiens qui sont dedans? Lui demandais-je comme si c'était une faveur. Ce sera juste moins compliqué, indiquais-je. Après, je te jure que je te le demande plus, promis-je.

M'excusant pour mon comportement que je ne m'explique pas moi-même, je secoue vaguement la tête lorsque Jax m'assure que je n'ai pas à le faire, que c'est même lui qui risque de passer pour le salaud de service auprès de la clientèle et des touristes ...et de la principale concernée. Honnêtement, je sais pas. Je n'étais pas assez près pour comprendre ce qu'il a dit, mais je peux me douter, à ses gestes que j'ai vu et à sa manière d'en parler qu'il n'a peut-être pas été très tendre.

- Je ne l'étais pas vraiment avant, je ne sais pas pourquoi j'ai agis comme ça maintenant, avouais-je. Pourtant c'est pas comme si j'avais eu peur que t'acceptes son invitation et que je tu passes la nuit avec elle ou un truc du genre, expliquais-je. Je ne sais pas… fis-je en haussant les épaules avec un léger sourire, pour expliquer que je ne comprends pas trop ce qui s'est passé, mais que c'est passé justement et que normalement, je ne devrais pas refaire un épisode du genre.

Avançant un peu plus sur la rue, je vois un dépanneur et mon envie de nicotine se fait à nouveau sentir, demandant à Jax la permission d'utiliser les billets canadiens qui traînent dans mes tiroirs depuis un moment déjà, j'ai un rire lorsqu'il me fait promettre de n'acheter que ça.

- Juré! Fis-je ajoutant un signe de croix sur le coeur pour plaisanter.

Récupérant mon portefeuille, je lui laisse un léger baiser sur les lèvres pour sa compréhension et son côté adorable à vouloir prendre soin de moi pour le weekend. La course s'effectuant rapidement, je reviens vers mon petit ami, lui remettant à nouveau mon porte-feuille pour lui montrer ma bonne foi. L'emballage du paquet retiré, je l'ouvre et le lui tends ainsi que mon zippo, lui permettant de se servir en premier s'il le veut avant de faire de même.

- Est-ce que déambuler un peu sur les espaces verts avec Daeron te convient pour le restant de l'après-midi? Après on pourrait retourner à l'hôtel, prendre une bonne douche, se changer et tester ce resto dont ils nous ont laissé le carton? Proposais-je avec un petit sourire, tirant une bouffée.

C'est à mon tour de pencher légèrement la tête lorsqu'il me dit qu'il me pardonne aisément, que je n'ai pas à m'excuser en fait, puisqu'il est lui-même du type jaloux et qu'il espère que je ne lui en voudrai pas pour ça. Une petite voix à l'arrière de mon crâne s'anime, me mettant en garde de ne pas m'engager sur le même chemin qu'auparavant, mais je la fais taire rapidement en me rappelant que ma relation avec Jax ne ressemble pas à mes anciennes relations. Qui plus est, si je suis constamment sur la défensive, réagissant seulement en fonction d'inquiétudes qui n'ont peut-être pas lieu d'être, ce n'est pas plutôt là que je vais tout bousiller? Me secouant mentalement, j'en reviens à l'un de mes motos habituels, soit de vivre dans le présent. Le passé forge qui l'ont est, le futur est à découvrir avec les pas qu'on fait aujourd'hui. Et c'est pourquoi, je croise mes doigts avec ceux de Jax pour lui répondre.

- On gueulera un coup, on vrillera, on rachètera une table et on mangera des burgers assis sur le plancher, fis-je avec un sourire doux en rappelant la soirée ou lui-même a vriller et qui s'est finalement terminé tout en douceur.

Je ne dis pas que je réagirais bien s'il me piquait une grosse crise de jalousie et j'appréhende peut-être un peu, mais j'essaie de le prendre à la légère. Après tout, ça ne sert à rien de paniquer pour un truc qui n'est pas arrivé n'est-ce pas?

Ayant été chercher des cigarettes et que ça, je remet mon portefeuille à Jax pour qu'il le range avant de lui tendre le paquet et mon zippo afin qu'il se serve en premier. Étonné, je le vois prendre une cigarette, mais utilisé son propre briquet. Allumant la mienne, je propose un plan pour le reste de la journée qu'il acquiesce, proposant que je lui serve de coussin pour une sieste lorsqu'on sera au parc. Riant doucement, ma cigarette temporairement coincé entre mes doigts tenant mon verre de café, je glisse ceux de ma main libre entre ses mèches pour une caresse.

- Sans problème, soufflais-je en venant quérir un baiser tendre.

Il sait qu'il peut le faire et que je n'y vois pas d'inconvénient. Au contraire, j'apprécie si, en plus, ça l'aide à dormir parce que, le plus souvent, je ne me gène pas pour jouer dans ses cheveux, sachant que ça le détend.

Alors qu'on reprend tous les trois notre marche en direction du bord de l'eau pour y atteindre les espaces verts, je ne peux m'empêcher une simple curiosité :

- Pourquoi tu ne t'es pas servi de mon briquet? Demandais-je.

Le rire de Jax élargi mon sourire alors qu'il acquiesce à ma vision de la chose s'il fallait qu'on aie l'un ou l'autre une crise de jalousie. Et oui, je m'inclus puisque, apparement, je ne contrôle pas totalement mes réactions.

- Jusqu'à présent, j'ai rien vu qui me fasse fuir, lapinou,indiquais-je, usant d'un surnom pour répondre à son "chéri" qu'il m'a lancé. Et je ne suis pas tout blanc non plus. Tu m'as vu avec les nerfs à vif quand je glissais doucement dans un puit et t'es resté pour me relever, lui rappelais-je. On peut s'en payer encore souvent des burgers, assis par terre dans la chambre si ça veut dire qu'après, on remonte la pente, fis-je avec un léger sourire.

Je n'ai pas peur de lui quand il vrille, mais je m'inquiète pour lui quand il en est rendu à ce point. Je n'ai pas non plus peur de me prendre un coup de sa part, je ne crois pas qu'il le ferait. Si j'en viens à en prendre un, c'est qu'il n'aura pas fait exprès, qu'il n'aura pas vu que je me trouvais sur la trajectoire et je sais qu'il s'en voudra longuement si c'est le cas. Beaucoup plus longtemps que je pourrais lui en tenir rigueur. De son côté, il m'a vu alors que je perdais pieds et n'a pas vu mes côtés les plus noirs, mais il est resté et a voulu m'aider. De la même façon qu'il continue de veiller régulièrement à ce que je m'alimente correctement ou s'enquiert si j'ai dormi. Je serais incapable de le duper : il se réveille tôt et il sait très bien que si j'ai les yeux ouverts avant lui, c'est que je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit. Il sait que je n'y peux pas grand chose, mais fait quand même ce qu'il peut pour que j'aille bien. Et je fais de même. On veille chacun sur l'autre.

Il a une façon de voir les choses différente de la mienne et remarque parfois certaine chose que je ne capte pas, et si, ma question était - selon moi - toute simple alors qu'on s'installe au parc, je me rends compte que c'est peut-être plus compliqué qu'il n'y paraît. D'abord étonné du malaise que je vois apparaître chez mon petit ami, je suis carrément surpris de sa réponse, mais la réaction qu'il a tout de suite après me tire un léger rire. Comme s'il voulait arrêter le flot de ses paroles et regrettait déjà celles qui se sont échappées. Retrouvant mon sérieux, je penche la tête et fouille dans mes poches pour en extirper mon zippo et le regarder. C'est vrai qu'il me l'avait offert. Pour Noël ou mon anniversaire, je ne me souviens plus très bien. Les deux sont assez proches de toute façon. Tirant une nouvelle bouffée de cigarette, je fais tourner le briquet dans mes mains, observant, mon pouce passant distraitement sur l'inscription gravée dans le métal. Deux séries d'initiales, un plus, un coeur. Je m'en sers depuis que je l'ai et j'en suis honnêtement venu à ne plus voir ce qui est gravé dessus. Il a perdu sa signification, mais est encore fonctionnel, alors je m'en sers machinalement.

Tirant une nouvelle fois sur ma cigarette, je le pose dans le gazon à côté de moi, du côté opposé à Jax. Je ne le remettrai pas dans ma poche. Sortant de ma contemplation et de mon silence, j'expire la fumée en tournant mon regard vers Jax. Je comprends pourquoi il a refusé de s'en servir. Après tout, c'est lui qui paie quand j'ai des réactions défensives.

- Je vais avoir besoin de mon porte-feuille encore ce weekend, lui dis-je simplement. Je dois m'acheter un nouveau briquet, l'informais-je avec un léger sourire.

Le briquet posé à mes côtés, j'indique à Jax que j'aurai à nouveau besoin de mon portefeuille, revenant un peu sur ma parole de ne pas m'en servir du weekend puisque je n'avais pas prévu cette dépense. Elle n'est pas énorme et à la limite, je peux bien me servir d'un briquet jetable pendant un temps, je m'en fou un peu. J'avais juste l'habitude de me servir de ce zippo.

Ma remarque tire mon petit ami de sa position et il s'installe face à moi, son regard se posant sur l'objet métallique à mes côtés, je le vois se pencher pour le saisir, chose qui me surprends. Il l'observe un instant avant de venir chercher ma main et l'y déposer. Je l'écoute, calmement tandis qu'il m'explique que ce zippo a une signification pour moi et que je ne devrais pas renier les souvenirs qui y sont rattachés, qu'il ne veut pas me voir le faire parce qu'il en a parlé et qu'il n'aimerait pas me voir faire la même chose avec les cadeaux qu'il m'a offert si on se sépare un jour.

Mes yeux passent sur ses traits alors que sa voix s'éteint doucement. Je profite de la caresse de sa main sur ma joue, l'y collant un peu plus, avant d'ouvrir la bouche pour lui expliquer quelques petites choses. Je n'ai pas envie qu'il se sente mal pour quoi que ce soit ou qu'il croit que c'est une faute impardonnable qu'il ne veuille pas vraiment voir ou utiliser ce briquet.

- Jax, il n'y a pas tellement de souvenirs rattachés à ça, fis-je en lui indiquant l'objet. Dans la dernière année, je m'en suis servi simplement par habitude, parce que ça fait ...probablement deux ans que je l'ai, évaluais-je après une brève hésitation. Les souvenirs, ils sont là, expliquais-je en posant un doigt contre ma tempe. ...et en quelques cicatrices, sous la forme d'un tatouage ou en une large pile de photos. Je ne fais pas comme s'il n'avait jamais été une partie de ma vie ou que je ne l'ai jamais aimé, ce n'est pas ça du tout : on s'est aimé, on s'est blessés et c'est pourquoi ça ne fonctionnera probablement jamais plus. Ce n'est pas mauvais en soit, ça fait de la vie. Ça défini qui je suis aujourd'hui et comment je réagis. Je n'ai simplement pas besoin d'un briquet pour me rappeler ce que j'ai vécu avec mon ex, alors s'il t'embête ce zippo, je ne vois pas d'inconvénient à m'en débarrasser, expliquais-je. Si tu voulais que je fasse un cover up sur mon tatouage ou que je brûle mes photos, ce serait une autre histoire, indiquais-je avec un sourire doux.

Des photos, j'en ai plusieurs boîtes. Beaucoup sont stockés chez Jason. Des boites à chaussures surtout, avec des tonnes de polaroid ou de clichés de mauvaise qualité. J'ai également plusieurs carnet de notes ou agenda ou j'ai écrit x ou y évènements, en plus de plusieurs carnets de croquis. Il m'en manque puisque je n'ai pas pu tout envoyé chez Jason avant de faire foutre à la porte de la maison familiale et certains ont été bousillé quand le sous-sol s'est rempli d'eau lors des dernières inondations à Boston, mais c'est là, et j'y retourne parfois m'y mettre le nez.