Nico, ramène-toi ou on va être en retard ! La voix de ses amis la ramena à la réalité, alors qu'elle flottait doucement grâce au lent roulis des vagues italiennes. Porter par la fraicheur de l'eau, un sourire s'étira sur ses lèvres face à l'insistance qu'elle percevait venant de la plage. Dans un élégant mouvement, la blonde se retourna donc pour se mettre à nager aisément vers le rivage. Elle était dans son élément, le soleil sur sa peau, nageant dans ces courants si familiers. Enfant unique de la famille Borgia, monopolisant le commerce maritime romain ainsi que propriétaire d'une grande marque de yacht, Nicola a sut nager avant de savoir marcher, préférant souvent les balades en bateaux perchée sur les épaules de son père à ses poupées. Ayant grandit dans un environnement princier, sa vie était des plus paisibles, sans remous, sans complications. Et cet été précédent ses dix-huit ans était le dernier qu'elle passait dans son pays natal avant son entrée à l'université. Cette pensée étira un nouveau sourire sur ses lèvres alors qu'elle remontait sur la plage privée de ses parents (une parmi d'autres), saisissant son portable d'une main, sa serviette de l'autre. Avec l'agilité de sa génération, la future étudiante envoya son message avant de finir de ranger ses affaires. Vivement ce soir. s'afficha sur l'écran à la suite d'une conversation dans laquelle on ne comptait plus les nombreux messages. Ces derniers, ils appartenaient à Noah, son petit-ami qu'elle fréquentait depuis un an, celui pour lequel elle quittait son Italie bien aimée pour un autre continent à la fin du mois. Acceptée à Harvard à ses cotés, Nicola se laissait bercer par la facilité de ses moments et l'accélération de ses sentiments. Il abolissait ses doutes, complétait ses rêves, l'emplissant d'émotions qu'elle n'avait jamais ressenti pour quiconque que lui. Il était la dernière pièce du puzzle de sa vie, s'y ajustant avec une rare perfection. Le reste de sa vie semblait ainsi écrit, souple et sans embuches... jusqu'à ce mois de janvier 2013.
Les souvenirs de ce jour sont encore flous, éparpillés dans une mémoire écorchée. Vifs, saignants, malgré les années, les visualiser demeure toujours aussi suffoquant. Ce matin-là, comme souvent, elle était partie la première du logement qu'elle partageait avec Noah, embrassant ses lèvres une dernière fois avant de prendre le chemin de l'université. Ses écouteurs sur les oreilles, un ciel nuageux, un bus bondé, tout semblait identique à n'importe quel autre jour dans le Massachusetts. Le chemin vers l'amphithéâtre était toujours le même, la bibliothèque toujours aussi grande et remplie de ce silence presque religieux. C'est à partir de là que tout dérapa. Que les explosions arrivèrent. Une. Puis deux. Elles étaient trop nombreuses pour les compter, trop fortes, couvrant les cris de terreurs des étudiants enfermés dans les locaux. Nicola était de ceux-là alors que les vitres près desquelles elle se trouvait volaient en éclats, les étagères tremblant, s'effondrant. Un éclat de verre introduit dans la chair de son ventre, elle asphyxiait, paniquée face à la douleur et la peur qui s'insinuait dans chaque pore de sa peau. Je ne veux pas mourrir. Quoi qu'on dise, bien avant la famille, les proches, c'est à ça que l'on pense face à ce genre de situation. Pas aux autres, mais bien à cette vie qui semble s'envoler un peu plus à chaque seconde. C'est sur ces pensées qu'une étagère la heurta, lui faisant perdre connaissance. Si les secours arrivèrent à temps pour la sortir des décombres, le mal était fait, bien plus profondément qu'aucune plaie physique ne pourrait jamais aller. Il ne lui fallut que quelques jours. Quelques jours pourtant si insignifiants pour prendre une décision qui allait renverser les fondations qu'elle avait bâtie jusque là. Qu'on avait bâti pour elle. Nicola ne voulait plus de tout ça. Elle étouffait dans ce quotidien qu'elle remettait enfin en question et dont elle n'était plus sure de vouloir. Alors elle partit. Quittant Harvard, quittant l'Amérique. Quittant Noah. Noah, sa peau et la bague de fiançailles qu'il lui avait offerte quelques mois auparavant. Noah et les sentiments qu'elle éprouvait pourtant toujours à son égard. Noah et la douleur qu'elle avait lu dans son regard lorsqu'elle lui avait rendu le bijou, lorsqu'elle avait rompu leur promesse. Ce jour où elle a effleuré ses mains une dernière fois. Je suis vraiment désolée.. étaient les derniers mots qu'elle avait su lui dire avant de se retourner, de s'éloigner, étouffant d'une main les larmes qui dévastaient ses joues pâles.
Cinq ans ont passé. Cinq années où Nicola a vécut. Pleinement. Librement. Voyageant, découvrant, vivant, tout simplement. Alternant entre l'Italie et le reste du monde pendant les deux premières années, la jolie blonde tenta de mettre de l'ordre dans ses envies, ses espoirs. Cherchant à mettre de coté ce passé laissé derrière elle, l'héritière Borgia voulait profiter de tout ce qu'elle pouvait s'offrir. Faire ce dont elle rêvait, plus pour les autres mais pour elle, et uniquement pour elle. Mais le temps a fait son effet, calmant la tempête qui s'était éveillée en elle. Le départ d'Enzo pour Boston avait surement été la dernière étincelle nécessaire à sa décision. Nicola revenait à Harvard, choisissant de poursuivre les nouvelles études qu'elle suivait par correspondance depuis trois ans. Pour la première fois depuis son départ, elle se sentait prête à y retourner, pour les bonnes raisons cette fois-ci. Mais s'il y avait une chose qu'elle n'était pas du tout prête à affronter, c'était surement Lui. Lui et les appels innombrables qu'elle avait voulu lui adresser sans jamais se résoudre à appuyer sur cette fichue touche. Lui dont le visage la hantait encore bien trop souvent. Noah était toujours à Harvard, et même si elle le voulait, ce qui n'était pas réellement le cas malgré ce qu'elle lui avait fait, elle savait qu'elle ne pourrait pas l'éviter bien longtemps.