Depuis le départ de Louve, j’avais trouvé un certain réconfort à venir prendre un verre au Royale et où je pouvais facilement me changer les idées. J’étais un peu retombé dans mes anciennes habitudes en fait et alors que je venais tout juste de terminer mon verre j’en recommandais aussitôt un deuxième. Mon attention se porta alors sur une jeune femme qui se laissait aller sur la piste dance, certes elle était jolie et elle se déhanchait bien – même très bien – mais ce n’était pas la seule raison pour laquelle je l’avais remarqué. Elle était déjà venue à l’hôpital pour un suivi de troubles rénal et depuis j’avais eu l’occasion de la recroiser à quelques reprises – et à chaque fois l’alcool était bien trop omniprésente. Ce soir ne semblait pas faire exception au vue de la bière qu’elle tenait en main. Le serveur posa mon seconde verre devant moi et je le pris avec moi avant de me lancer vers la jeune femme. Elle risquait probablement de me trouver chiant, mais j’aurais au moins bonne conscience d’avoir essayé de lui rappeler de faire attention.  « Hey… tu te souviens de moi? » demandais-je en parlant suffisamment fort pour qu’elle m’entende puisque la musique résonnait très fort dans la pièce.  « T’es sur que c’est une bonne idée de boire comme ça… ?» demandais-je ensuite en désignant la bière qu’elle tenait toujours. C’était clair qu’elle allait me trouver chiant, mais si personne ne lui rappelait de faire attention les conséquences pouvaient être plutôt terribles.

Il n’était que mercredi soir et j’étais déjà de sortie. C’était une petite soirée d’adieu entre coloc avant mon déménagement. Si certains se disaient qu’on devait attendre jusqu’au weekend, nous avions décidé de faire autrement. Pourquoi attendre alors qu’on pouvait s’amuser et fêter ce soir ? Les cours et le travail du lendemain n’étaient qu’une formalité. Nous étions d’humeur à sortir et profiter des derniers moments qu’on avait ensemble. Sans hésiter, nous étions sorties au Royale. Nous avions bu, nous avions ri, nous avions dansé, nous avions bu encore et encore. A combien de verre j’en étais ? Aucune idée mais assez pour oublier mes soucis et pas me rendre compte que mes colocs n’étaient plus avec moi sur la piste de danse. Soudain, j’entends quelqu’un qui m’appelle. Je me retourne et bordel je voyais déjà trouble. Les yeux froncés, je m’approchais du visage de ce mec qui ne m’était malheureusement pas inconnu. Quel troubleur de fête, je levais les yeux au ciel pour montrer mon agacement. – Comment oublier un si beau visage. Criais-je par-dessus la musique avec sarcasme. C’était encore lui… Pourquoi toujours lui. Depuis que je l’avais rencontré à l’hôpital, il me lâchait plus. Il était toujours là à me rappeler ce que je ne devais pas faire, me rappelant que j’étais malade… N’avais-je plus le droit de vivre normalement ? Alors qu’il me demandait si c’était raisonnable de boire, je fais mine de rien entendre. Je secoue ma tête et lui fais des gestes lui faisant comprendre que je n’entendais rien et que la musique était trop forte. Finalement, je m’éloigne vers le bar en espérant qu’il n'allait pas me suivre. Je m’accoude au bar mais le voilà qui se ramène. – Tu ne travailles pas demain, il est pas un peu tard ? Lui dis-je sans prendre la peine de le regarder.

Je me doutais que la jeune femme n’avait probablement pas envie d’entendre mes recommandation ce soir, ni même les autres soirs où je l’avais croisé. Sauf qu’au rythme où elle allait… ses reins ne tiendrait plus bien longtemps considérant qu’elle était déjà en insuffisance rénale chronique. Rendu en insuffisance terminale, la personne se retrouve obligé d’effectué de la dialyse pour nettoyer son sang et ce, 3 jours semaines pendant environ 4 heures. Je doutais qu’elle réalise tous les changements que ce genre de traitement impliquait. Elle leva les yeux au ciel, me répondant par sarcasme avant de s’éloigner au bar – pour être tranquille probablement. Je regardais un peu autour de moi et la jeune femme avait l’air seule… ou alors ses amis étaient partis je n’en savais rien.  « Je travaille, mais en après-midi alors je peux veiller comme je veux. » répondis-je en sachant pertinemment qu’elle en avait rien à faire de mes horaires.  « Et toi? T’as pas besoin de te lever tôt demain? Et puis… t’as décidé de venir te bourrer la gueule tute seule? » Si c’était le cas je doutais qu’elle arrive à se rendre indemne chez elle, juste pour se rendre jusqu’au bar, sa démarche m’avait prouvée qu’il ne s’agissait pas de sa première bière. Je terminais d’ailleurs mon verre d’une traite avant de le déposer au bar, de toute façon j’avais pas l’intention d’en reprendre. Je connaissais très peu cette jeune femme assise à mes côtés, mais c’était plus fort que moi, quelque chose en moi tenait fermement à ce que je tente de la raisonner.

Maintenant que j’étais posée au bar, je commençais vraiment à avoir mal à la tête et cet imbécile d’infirmier ne m’aidait pas vraiment à aller mieux. Il me tapait sur les nerfs et pour aller mieux, je continuais à boire… Oais mauvaise idée en fin de compte, l’alcool commençait à me rendre malade. Je tire une sale gueule et je décide finalement de laisser ma bière. Je pousse mon verre vers le barman qui comprit de suite que je ne comptais pas le finir. L’air de rien, même si je buvais beaucoup, je connaissais mes limites et j’essayais toujours de m’arrêter avant le moment critique... en principe. Si j’essayais de faire comprendre à mon voisin qu’il n’était pas vraiment la bienvenue, il m’expliquait qu’il ne travaillait que l’après-midi. Genial, il allait donc rester ici et avec moi ? Sans engager le moindre contact visuel avec lui, je lui réponds d’un ton détaché. – Nope, demain, grâce mat’. J’avais certes les cours mais ce n’était pas comme si la présence était mon point fort. J’étudiais très bien seule. En parlant d’être seule, il me demandait si j’étais seule. – Qu’est-ce que ça peut te faire si je suis seule ? Et toi, où est ta belle ? tu es seul si je ne me trompe ? Finalement, je finis par le regarder. Je sors mon téléphone de mon sac et j’observe avec regret que mon téléphone n’avait plus de batterie. Chouette la vie. Je me retourne et balaie la salle des yeux. Personne en vue, mes colocataires étaient probablement en train de fumer dehors…  

Le ton de la jeune femme était nonchalant, elle en avait vraiment rien à faire de moi et je lui tombait clairement sur les nerfs. La preuve, elle ne prenait même pas la peine de lever les yeux vers moi lorsque je lui parlais. Comme il n’y avait personne autour de nous qui semblait accompagner la jeune brunette je lui demandais si elle était venue seule et sa réponse ne me surpris pas vraiment. « Non, non je suis venu seul c’est vrai. C’est juste que moi je suis encore capable de marcher droit. » Ce qui n’était clairement pas son cas. Bon, dans les faits j’étais peut-être pas le mieux placé pour parler en considérant qu’il y a de ça quelques semaines je m’étais retrouvé tellement bourré que j’avais été incapable de rentrer seul – sauf que ça elle n’avait pas besoin de le savoir. Elle posa son regard brièvement sur moi avant de porter son attention sur son téléphone puis sur le reste de la salle semblant chercher quelqu’un du regard. « Si t’as besoin d’aide… tu sais que ça me ferait plaisir de t’aider. » Je disais ça sans trop me faire d’attente, c’est déjà ce que j’essayais de faire en lui rappelant de faire attention avec l’alcool et pourtant le message ne semblait pas circuler comme il le devrait.

– Inca…pable de marcher droit ? Je répète après lui, fronçant les sourcils, probablement froissée par ce qu’il venait de dire. Pompette comme j’étais, je prenais ses paroles comme un défi et j’avais ce besoin débile de prouver qu’il avait tort. Sans attendre, je me lève de ma chaise, beaucoup trop vite que j’en perds l’équilibre. Je me rattrape alors en tenant le bras de mon voisin que je lâchais aussitôt comme si le contact de sa peau m’insupportait, comme une brûlure. Finalement, je me cramponne sur le dossier de la chaise sur laquelle j’étais assise. Je devais l’avouer, je ne tenais plus très bien. Et d’ailleurs, il me demande si j’avais besoin d’aide. Je le regarde du coin de l’œil. – Plaisir de m’aider ? Je répète avant de rire. – Désolé, tu peux aller jouer le beau héro avec quelqu’un d’autre, je ne suis pas intéressée. Je le remballais comme si j’avais affaire à dragueur lourd. D’ailleurs voilà un autre qui arrive. Je l’avais déjà envoyé paître plusieurs fois lorsque j’étais sur la piste de danse mais il était de retour. – C’est pas vrai. C’est la rencontre des abrutis ou quoi ? Je lève mes yeux au ciel, le regard désespéré. Finalement, j’attrape le bras de l’infirmier et je lui souffle à l’oreille. – Bon, je voudrai bien de ton aide, fais-moi sortir d’ici s’il te plait. Ce que je pouvais détester dépendre de quelqu’un… surtout DE LUI.

L’expression de la jolie brunette changea lorsque je soulignais le fait qu’elle n’était même pas capable de marcher droite. D’ailleurs je dû sincèrement l’offusquer, car elle se releva d’un coup pour tenter probablement tenter de me prouver le contraire. J’insiste sur le probablement parce que c’était loin d’être une réussite. « Woah.. » lâchais-je alors que je tentais un geste vers elle pour la retenir. Elle avait perdu l’équilibre et eut tout de même le réflexe de se rattraper à mon bras avant de me lâcher soudainement pour se tenir plutôt à sa chaise. Je lui proposais gentiment mon aide qu’elle déclina insistant qu’elle n’était pas intéressée. J’arquais un sourcils me demandant presque si elle avait bien compris ce que je venais de lui dire. Elle agissait comme si j’étais un de ses mecs dragueur qui ne lâchent pas même si ça fait cinquante fois que la fille le repousse. J’allais répliquer quelque chose, mais un autre mec débarqua tentant sa chance avec le brunette qui sembla encore plus désespérée. J’avais envie de rigoler lorsque je la vie relever les yeux au ciel, mais au final seul un petit sourire au coin de mes lèvres apparut, comme quoi j’avais encore un bon selfcontrol. La jeune femme m’attrapa le bras pour me murmurer qu’elle voulait bien de mon aide pour sortir d’ici et j’acquiesçais d’un signe de tête. « Je veux bien faire ça pour toi.. » finis-je par ajouter alors que je prenais la direction de la sortir. La jeune femme avait encore un peu de misère dans ses déplacements alors je m’arrêtais pour passer un bras autour de sa taille pour pouvoir la tenir plus facilement. « Tu vois… c’est pas si terrible d’accepter de l’aide! » lançais-je alors qu’on venait tout juste de mettre les pieds dehors. C’est à ce moment que je réalisais à quel point c’était bruyant à l’intérieur du bar. « Alors, tu me laisses te raccompagner maintenant? »

Je me détestais. Pourquoi avais-je décidé de me saouler au beau  milieu de la semaine ? Pourquoi avais-je décidé de sortir au Royale ? Pourquoi est-ce que je ne tenais plus sur mes jambes ? Pourquoi est-ce que j'attirais des mecs relous... Et par-dessus tout, je les détestais. Je maudissais mes amis de m’avoir abandonnée comme une vieille chaussette avec un téléphone qui n’avait plus du tout de batterie. Bon je l’avoue, c’était de ma faute. Ils ne m’avaient probablement pas abandonnée. Ils étaient juste introuvables. D’ailleurs, ils n’étaient même pas dehors. Aucune trace d’eux. Avec un mal de crâne pas possible, je décide de m’asseoir sur le bord du trottoir, la tête appuyée contre le lampadaire comme si j’étais au bout de ma vie. Pathétique… j’étais pathétique. Plus jamais je ne boirai autant. Du moins, j’essaierai. Lorsque l’infirmier me demande s’il pouvait me raccompagner, je lève ma tête dans sa direction. – Tu t’appelles déjà comment ? Je lui demande, sans répondre à sa question. Je plisse les yeux comme si ça pouvait m’aider à mieux le voir et à me rappeler de son nom. – Nicky Larson ? Non ce n’était pas ça… Moi et mes références de dessins animés... Il fallait que je grandisse. Mais c’était proche, j’en étais sûre. – Ah oui Monsieur Larsson!! Je crie, une main levée, victorieuse comme si je venais de répondre à une question pour un champion. – Alors volontiers… mais une main déplacée et je t’en colle une. Je le menace en le pointant du doigt. Bien évidemment, dans mon état, je faisais peur à personne.

La jeune femme n’avait plus tous ses esprits et plus elle tentait de s’expliquer et pire c’était. Elle finit tout de même par accepter mon aide pour l’amener à l’extérieur du bar où elle ne perdit pas de temps à s’installer assise sur le trottoir, la tête appuyer contre un lampadaire. Clairement, elle avait pas l’air à son top, mais j’étais loin de la juger pour ça. La seule raison pour laquelle j’étais autant insistant avec elle c’était à cause de son problème de rein, sinon je ne l’aurais probablement jamais abordé – sauf peut-être pour tenter ma chance, parce que ouais, ça reste une très jolie fille! Lorsque je lui proposais de lui venir en aide, elle me redemanda mon nom, sans même prendre le temps de répondre à ma question, avant de me demander si c’était Nicky Larson. Je ne pus m’empêcher de rire lorsqu’elle lança cette idée avant qu’elle ne reprenne tout joyeuse de s’être rappelé que mon nom de famille était Larsson. « Félicitation » glissais-je histoire de l’encourager dans cette petite victoire. Elle accepta finalement mon offre de la raccompagner tout en me menaçant de me taper si j’osais faire un geste déplacé. « C’est pas mon genre de profiter d’une fille saoule, je te rassure. » lançais-je tout en lui souriant avant de venir l’aider à se relever. Je passais une nouvelle fois mon bras autour de sa taille pour que ce soit plus facile de l’aider à avancer puis on se mit en route pour trouver ma voiture qui n’était pas bien loin – heureusement. « Alors, puisqu’on a encore un peu de temps devant nous. Qu’est-ce que tu célébrais ce soir ? » J’avais plutôt envie de lui demander pourquoi elle ne faisait pas plus attention à sa santé, mais je craignais qu’elle ne décide de rentrer seule dans cet état. « D’ailleurs c’est quoi ton adresse? »

Monsieur Larsson… J’avais ce sourire idiot sur mon visage, bien trop heureuse de m’être souvenu de son nom. Je le voyais comme une victoire personnelle et j’avais l’impression de m’être libérée d’un poids, comme soulagée. Je me donne quelques petites tapes sur mon épaule, comme pour me féliciter moi-même. Oais, j’étais pas bien dans ma tête. Beaucoup trop d’alcool. Il me rassure ensuite qu’il n’allait pas me toucher. Je lève ma tête pour croiser son regard. J’étais toujours sur mes gardes mais savoir son nom me rassurait un peu. Je lui donne donc le bénéfice du doute. Il se penche pour m’aider à me relever, un bras autour de ma taille. J’étais à moitié appuyé sur lui et je sentais ses muscles. Je l’observe.  – Bein dis donc, c’est que tu en as des muscles ! Je m’exclame soudainement, visiblement très impressionnée. Okay, ce genre de commentaire, je ne l’aurai jamais dit sobre. Nous avancions, je ne sais pas trop où. J’imagine qu’il me conduisait vers un taxi ou sa voiture. Il me demande ensuite ce que je célébrais. Je plisse les yeux et je regarde le ciel, pensive. Qu’est-ce que je célébrais déjà ? Bordel, l’alcool me montait vraiment à la têe. – Ah oui, mon déménagement ! Je n’avais d’ailleurs aucunement envie de partir… mais bon voilà, je n’avais pas trop le choix. Il me demande l’adresse. Je le regarde avant de rire doucement. – Tu me poses trop de question… Je réfléchis encore. Bordel l’adresse ne me venait pas. – Je te donnerai les indications. Je lui réponds simplement. Oais, j’espérais pouvoir lui donner de bonnes indications… – Elle est loin ta voiture ? Parce que oui, j'avais déjà l'impression de marcher 30 minutes alors que probablement pas...