Les yeux fixés dans le vide malachite des pupilles de son reflet, elle passe ses dix doigts le long de sa nuque remontant ses blond cheveux d’un mouvement inquiet. Divisants les brins, entremêlant les mèches, elle se pare, se farde et s’apprête observant une fois le travail minutieux accompli, les tresses qui la nattent. Elle voulait être fière, lever la tête et le menton pour observer son monde d’un oeil convaincu. Pourtant la voilà soupirante et confuse, les cils baissés vers ses mains moite. Elle songe à sa vision idéalisée d’une imagination positive et débordante d’elle-même, marchant sur les pavés de ce bal auquel elle n’avait de bras à tenir. Vise la lune, dans le pire des cas, tu finiras dans les étoiles, disaient-ils. Mais le revers de la médaille de la connaissance qu’est l’étude de l’astronomie, c’est de savoir que finir dans une étoile n’est vraisemblablement pas une bonne idée non plus. L’espace est vaste, vide et cruel et elle s’y sent plus proche maintenant que l’échéance arrive. Un faux sourire forcé ne trompera pas son alter-égo placé de l’autre côté du miroir, dans ce monde inversé. Elle détourne alors son visage, finissant sa routine et apportant les dernières touches à son maquillage avec une application supérieure à la moyenne. Assumer c’est abandonner sur le bord de la route une partie de soi-même, c’est abandonner le remords pour n’en conserver que le regret. Observant sa tenue, posée sur le lit, représentant une petite fortune d’économie, elle assume le jugement futur pour profiter de la fierté présente.
La tenue n’a rien d’une robe habituelle. Désignée par Olivier Rousteing pour Balmain en 2017, elle représente aux yeux de la jeune femme ce que le Wakanda représente dans les comics Marvellien : la place centrale de la femme, en tant que guerrière et conseillère avisée du pouvoir. Si aucun cavalier ne veut lui donner son bras : qu’il en soit ainsi, elle donnera elle-même son bras à une cavalière.
Un ensemble cousu de la tête au pied met en avant la force, la droiture de la posture et rend hommage à la férocité à la porteuse. Les nuances d’ocres et de rouges des différents cuirs de haute qualité - siégeant sur sa silhouette - subliment sa sauvage coiffure. Amazone elle est, de part la richesse de cet artisanat aux matériaux singuliers. Des rouges crater brown ne seront pas sans rappeler la passion de Reagan pour l’astronomie. La rousseur de la matière se laisse en effet entourer par des reflets lunaires. Les teintes sont chaudes, sombres et mêlent sang, attirance, énergie et guerre. Des franges rouges cognac au noir de certaines lanières de cuir de toscane laissent apparaître à travers des fins tissus ; la peau blanche de la jeune femme.
Si Zendaya pouvait s’apprêter en Jeanne D’Arc sur les marches du Met Gala, Reagan sera la guerrière protectrice de cette soirée, près à emmener celle qui voudra de son bras.
Les yeux fixés dans l'étincelle malachite des pupilles de son reflet, elle serre les dix doigts de ses poings contre sa poitrine, souriant sincèrement en ce début de mois de mai.