Vivre de ses passions, vivre pour soi-même. C'est tout ce qu'on peut faire. Si on décide de vivre pour les autres ou encore de dépendre des autres, on se retrouve dans le merde jusqu'au cou. Y'a qu'à regarder nos parents. Si on peut appeler ça des parents. Plutôt deux personnes qui mettent des gosses au monde pour ensuite se barrer dans un tour du monde. Dans un sens, j'ai eu de la chance. Ouais, j'ose dire de la chance parce que j'ai eu un grand frère pour veiller sur moi, pour me montrer la vie. C'était pas facile tout les jours. Oh non, loin de là. Mais on s'en et sorti, tous ensemble. L'absence de nos parents nous a rapproché, mes deux frères et moi. J'dirais d'ailleurs que j'ai probablement plus d'affection pour eux que pour mes parents. Partez pas en peur. J'aime mes parents, malgré tout. Je peux comprendre leur besoin de liberté, de s'évader. Ce que je ne peux pas comprendre, c'est qu'on abandonne ce qu'on a mis au monde pour ça. Ils auraient pas pu attendre quelques années qu'on ait tous quitté la maison? Non! Pas le temps d'attendre, il fait voyager pendant qu'on est jeune et qu'on a encore l'énergie de la faire.
Qu'est-ce que ça donne quand on a des parents qui pensent comme ça? Trois jeunes qui se retrouvent seuls pour se débrouiller. Et crois-moi, si tu le veux, ça donne pas des jeunes qui ont envie de devenir président de classe ou de faire parti du club d'échec. Jaxon s'est débrouillé pour mettre de quoi sur la table. J'ai aidé du mieux que je pouvais quand j'en ai eu l'âge de le faire. J'ai quand même essayé de me concentrer sur mes études. J'avais aucune envie de finir comme mes parents, d'enchaîner les petits boulots sans importance. J'avais quand même envie de faire quelque chose de ma vie. Puis, c'est étrange comment un seul événement peut changer ce qu'on envisageait pour le reste de nos jours. Je me suis rendue à l'école, comme tous les jours - ou presque - et on avait un atelier spécial. Un atelier sur les différents métiers qu'on pourrait faire plus tard. Comme une foire au marché finalement. J'suis tombée sur un kiosque de photographie. Sur le coup, je regardais les clichés pris par l'homme derrière la table et j'étais fascinée. Il parcourait le monde pour prendre des photos magnifiques. D'ailleurs, il n'y avait pas que ces photos donnaient envie. Il était pas mal lui aussi. Je me suis cours du soir qu'il offrait, j'ai dû ramasser toutes mes économies pour me les offrir d'ailleurs. Après tout ses cours et le lycée, j'ai travaillé un an pour sa compagnie. Une compagnie indépendante du nom de Behind the eyes inc. Durant cette année, la relation entre Shane et moi est devenue plus... intime si on peut dire. Bon, on peut le dire. On a commencé à sortir ensemble. C'était d'ailleurs la première fois de ma vie que j'étais amoureuse. Pour de vrai. J'aurais donné n'importe quoi à cet homme. Absolument n'importe quoi! Et c'est quelque chose quand on est une fille comme moi, une fille qui ne compte que sur elle-même, qui ne fait confiance à personne si ce n'est que de ses frères. Quand j'y repense, j'aurais pas dû. J'aurais pas dû m'amouracher de lui comme ça. Il a fini par m'offrir de partir avec lui pour un contrat, un contrat de trois ans. On allait traverser le monde, sac à dos sur l'épaule, pour prendre des photos des coins les plus reculés de cette planète. Tout ça pour un magazine qui l'avait engagé pour prendre ses clichés. La première année fut tout simplement merveilleuse. On voyageait ensemble tels des tourtereaux dans leur lune de miel. La deuxième année a été différente. Shane rentrait de temps en temps à la Nouvelle-Orléans et y passait quelques semaines avant de me retrouver là où j'étais rendue. Pourtant, chaque fois qu'il revenait, il était de plus en plus distrait, de plus en plus distant. J'avais beau essayé de comprendre ce qu'il lui arrivait, j'ai jamais pu lui tirer les vers du nez à ce moment-là. C'est d’ailleurs à ce moment-là que j'ai tout découvert, alors que j'étais rentrée pour quelques jours, pour lui faire une surprise. Quelle surprise d'arriver chez lui pour tomber sur une jeune femme et un gosse. Un gamin de trois ans. C'est là que j'ai compris. Il m'a trompé pendant nos premières années ensemble. Souvent, une seule fois? J'en ai rien à faire. Il m'a menti, il m'a trompé et il a mit cette fille enceinte. Ces disparitions, ces retours étaient simplement pour bâtir sa vie avec elle, pour élever leur enfant ensemble. Autant j'avais le coeur brisé, autant j'étais en colère. Il m'avait clairement joué dans le dos tout ce temps là. Puis, la troisième année? Je l'ai passé complètement seule. J'ai continué à prendre ses photos à travers le monde. J'ai même eu la chance de passer un peu de temps avec mes parents qui étaient toujours dans leur folie des voyages. Sur le coup, je ne pouvais pas dire si je leur en voulais d'être parti ou si j'étais simplement soulagée de les voir alors que je me sentais perdue dans ma colère contre Shane. Au final, j'avais suivi les conseils de mes parents et j'avais fait une demande d'admission à Harvard. Étant acceptée en journalisme pour l'année prochaine, je quitta la Nouvelle-Orléans pour rejoindre Cambridge et, par la même occasion, mes frères et ma soeur qui viennent de s'y installer.