Il y a de ces rencontres qui changent la vie. Rares, même miraculeux ; ils marquent l’esprit, deviennent des souvenirs chers aux cœurs. Et ces personnes, elles restent parfois plus longtemps que ce moment éphémère de la vie quotidienne. Et pourtant elle n'a jamais eu le courage de venir te parler petite Bae, mais tu ne restais pas moins un personnage qui l'a marqué. Un personnage intéressant, un personnage plaisant, un personnage qu'elle a souvent observé de loin ou admiré par la fenêtre. Elle aurait souhaité t'approcher, mais à chaque fois, elle se stoppait. Sa timidité l'empêchait de faire un pas vers toi. De toutes les façons, pour elle, tu ne traineras jamais avec une fille comme elle. Elle t'avait vu traîner avec différentes femmes et elles étaient loin d'appartenir au même monde. Enfin bref, ses pieds s’enfoncent dans le sable froid, ses cheveux volent au vent et le goût particulier de l’océan salé s’étend sur ses lèvres, une certaine sérénité s’empare de son corps lorsqu'elle voit la lune se refléter sublimement dans les vagues, vision qui lui coupe le souffle et l’apaise à chaque fois. Mais ce soir, c’est cette silhouette assise seule qui attire son regard, parce qu'elle sait que c’est toi. Elle s'arrête, hésitante à faire demi-tour lorsqu'elle t'entend renifler, lorsqu'elle te voit essuyer des larmes. C'est son cœur qui a mal, ses paumes qui se serrent, son pulse qui s'affole. Elle s'approche doucement et plonge sa main dans son sac pour en ressortir une petite serviette brodée de ses propres mains avec ses initiales B.K. Petite serviette qu'elle affectionne et qui la suit partout. Elle se poste à tes côtés et te tend précieusement son bien. « J'crois que tu en as plus besoin que moi... » Elle ose risquer un tendre petit sourire et lorsque tu prends sa serviette, elle tourne la tête pour plonger ses prunelles dans l'astre étoilée. « Si un jour on m'avait dit que je verrais un homme verser des larmes, j'y aurais jamais cru... » Sa voix s’élève et rapidement engouffrée par une rafale. Ses doigts se glissent derrière son oreille pour retenir des mèches et empêcher qu'elles lui cachent la vue. « Elliot. Elliot Maxwell. Que puis-je faire pour te voir sourire à nouveau ? » Parce que c'est la première chose qui l'a attiré vers toi. Ton sourire. Et depuis quelque temps, tu semblais fade. Pâle. Malheureux. Triste. T'avais perdu toutes les belles couleurs de ton visage. Et Bae ? Bae elle ne supportait pas de te voir dans cet état. Elle se demandait pourquoi d'ailleurs.

J’ai mal. Là, assis sur le sable, face à la mer, comme pour retrouver un semblant de chez moi, j’ai vraiment, réellement mal. Et j’sais pas pourquoi. Pourquoi t’as mal, Elliot Maxwell? Pourquoi t’es dans un tel état alors que t’as tout pour être heureux? T’as le fric, t’as retrouvé un semblant de famille, t’as des amis en or sur qui tu pourras toujours compter, les choses se sont à peu près arrangées avec ton ex qui t’avait dit ne jamais revenir avec toi, t’as su repiloter un hélicoptère malgré tes traumas, tu ne te drogues plus, tu dors un peu mieux, tu fais moins de crises de panique. Alors bordel, pourquoi est-ce que t’as mal? J’ai la rage de cette situation. Parce que y’a des tas de gens qui ont des problèmes bien plus gros que les miens. Y’a mon meilleur ami qui a tenté de se suicider y’a quelques jours. Alors pourquoi je m’apitoie sur mon sort? Et là, ce soir, face à l’océan, le bruit des vagues qui s’échouent sur la plage au creux des oreilles, la lune qui teinte l’eau d’argent, à l’abri des regards, je laisse les larmes couler. P’têtre qu’il faut que ça sorte. J’en sais rien. En tout cas, j’peux pas les retenir. J’souffre trop pour me battre là ce soir, j’ai juste envie de laisser tomber le masque pendant quelques instants, arrêter de faire semblant. Sauf que ta voix cristalline brise mon instant de paix solitaire et je passe rapidement mes mains sur mes joues pour effacer mes peines d’un revers. Je tourne la tête vers toi, jeune asiatique qui me tend un genre de mouchoir en tissu en s’asseyant à mes côtés. Je ne te réponds pas, non — je ne prends même pas ce que tu me tends. J’en ai pas besoin. Tu détournes le regard vers le ciel et moi aussi, je détourne mes yeux vairons que tu ne distingues pas dans la nuit presque noire. « Je pleure pas. » que je sache sèchement, peut-être un peu trop. Tu m’as prise de court aussi, j’pensais être tranquille en venant ici. Tu me déranges. Et je me raidis quand tu prononces mon nom. « Comment tu me connais? » Super, les choses ne faisaient qu’empirer. Moi qui essayais de faire en sorte de cacher mon état à tout le monde, qui n’avais mis que Serah au courant pour ne pas nuire à ma réputation, pour éviter les bruits de couloir, et éviter d’être perçu comme un fardeau pour mes proches. Voilà que je me faisais surprendre par une étudiante qui me connaissait parfaitement. Fais chier.

« Si tu le dis. » Ses iris sont de nouveau apercevable. Elles prennent le temps d'admirer discrètement le chaos que possédait tes pupilles. Tu auras beau prétendre le contraire, elle voit bien tes yeux briller de larmes. Tu avais refusé son mouchoir, mais elle ne s'avouait pas vaincu. Têtue, elle posa délicatement le tissu sur ton visage pour effacer les gouttelettes encore présentes. Elle te fixait dans les yeux, repousse la mainte et mainte fois, mais elle ne rebroussera pas chemin. Pas cette fois. Pas devant ton état. Ton mal être. Ta tristesse. Elle n'était pas insensible. Elle rangea son mouchoir dans son sac et fut prise d'une brise de vent qui l'arracha un frisson. La jeune asiatique se frotta les bras avant de reprendre place à tes côtés et replonger ses prunelles vers l'horizon. Tu lui posais une question piège. Elle bug, parce que répondre à cette question reviendrait à se dévoiler un peu trop. « Est-ce que c'est si important de savoir comment je te connais ? » Lui demanda-t-elle en se mordant la lèvre. Heureusement qu'il faisait sombre, car si tu avais pu, tu aurais vu ses joues rougir. Elle ne pouvait pas te dire qu'elle te trouvait beau, qu'elle n'a cessé de t'observer de loin, qu'elle a souvent jalousé certaines femmes à ton bras. Bae ne peut pas se dévoiler autant. Elle ne pourrait plus te regarder dans les yeux. Déjà qu'elle prend énormément sur elle ce soir. « Bae-Kim. Je m'appelle Bae-Kim. Maintenant on est quitte. » Prononce timidement la demoiselle. Elle connait ton prénom et maintenant tu connais le sien. « Qu'est-ce qui te met dans cet état ? » Ose-t-elle te questionner. Elle t'est inconnue au bataillon et pourtant, c'est peut-être la seule qui voit que tu ne vas pas bien. La seule qui voit le masque de tes faux sourires, forcés. « S'il te plaît, ne soit pas si sec avec moi... » Sourcils froncés, inquiétude dessinée. Elle relève son visage vers toi, penche cette dernière d'un côté. Tendre. Ses paroles, son regard. Un sourire creuse ses fossettes et fait briller ses yeux. « Tu veux en parler ? » Quatre mots. Une proposition à t'ouvrir, te défouler. Ou juste lui voler une étreinte réconfortant si tu le souhaitais.

J’suis un gars fier, oui. Qui n’aime pas montrer ses faiblesses. Alors non, j’te dis que je ne pleure pas, même si clairement, mes joues sont trempées et mes yeux brillants. Je refuse ton mouchoir mais tu t’avances de toi-même pour essuyer mon visage, comme si tu tentais d’en essuyer les peines en même temps que l’eau salée. Pas possible. « Oui, c’est important. » Je détourne le regard de toi, le replongeant durement dans l’horizon de l’océan. J’hausse ensuite les épaules. Ok, tu me donnes ton nom, mais… « Ça répond pas à ma question. » Ouais, j’peux paraitre froid et dur. Mais c’est mon état. C’est ma carapace. Ma méfiance qui reprend le dessus. Les genoux pliés vers mon torse, les bras qui entourent mes jambes, ta question puis ta remarque me font grincer des dents. T’as l’air douce, t’as l’air presque réellement inquiète. Pourtant, tu ne me connais pas. Pourquoi le serais-tu? « Y’a pas grand chose à dire, en fait. » J’suis pas heureux, c’est tout. J’ai comme un trou béant dans la poitrine qui me tord les entrailles dès que je suis seul, dès que j’ai le malheur de penser un peu trop. Et puis t’façon, tu penses vraiment que je vais me confier à une inconnue? Dis-moi comment tu me connais déjà, et on verra pour le reste après.

Ce n’est pas toujours évident de faire comprendre à la personne qu’elle vous plaît, on a peur d’être maladroit, d’en faire trop ou pas assez. Et plus tu insistais, plus Bae, elle paniquait. Tu voulais absolument savoir comment elle te connaissait et c'est dans ces moments-là, qu'elle avait besoin de celui qu'elle considérait comme son grand frère. Hae-Seong. Il aurait certainement su comment la pousser à cracher le morceau, mais il n'était pas là. Et elle allait devoir se débrouiller toute seule. Mais comment t'éloigner de ce sujet ? Comment te faire comprendre que son cœur s'emballait à chaque fois qu'elle posait les yeux sur toi ? Comment cracher tout ça alors qu'elle savait qu'elle ne possédait aucune chance avec un mec comme toi ? Comment y faire face et entendre la vérité ? Elle ne rêve pas Bae, elle sait qu'une fille comme elle n'aurait jamais la chance de pouvoir marcher aux bras d'un mec comme toi. Il ne faut pas se voiler la face. Elle soupire. Referme silencieusement ses traits de visage. Elle se lève et fait quelques pas avant. Elle croise ses bras dans son dos et lève les yeux vers le ciel. Bae perd son regard dans les étoiles. « Je t'ai souvent observé. De loin. Et t'étais beaucoup plus heureux avant. Beaucoup plus joyeux. » Elle stop avant d'en dire trop. Elle rougit et heureusement qu'elle te donne le dos. La jeune asiatique ne pouvait pas se dévoiler plus que ça. Alors, alors elle espérait que ce soit suffisant pour que tu ne pousses pas les questions un peu plus loin. Soudainement, elle fait volte face pour se retrouver face à toi. Ses fossettes creusent de nouveau un large sourire alors qu'elle s'approche de toi avec des enjambées de velours. Elle se penche vers toi, ses cheveux glissent et pendent de chaque côté de son visage. Elle te regarde dans les yeux. T'oblige à te perdre dans les siens, pétillants. Ses deux index se calent aux coins de tes lèvres qu'elle étire pour dessiner un sourire. « Ton sourire. Il a quelque chose de spécial. J'aime te voir sourire. » Elle se redresse et recule. C'est peut-être une inconnue pour toi, mais si tu ne te refermais pas dans cette coquille de défense ou de méfiance, tu t'apercevrais qu'elle ne te voulait aucun mal. Elle retire ses tongs plates et enfonce légèrement ses orteils dans le sable pour en balancer un peu sur ton jean. Elle te tire la langue avant de marcher à reculons vers la mer. « On pourrait peut-être en dire un peu plus sur l'un et sur l'autre en marchant un peu, non ? Allez viens, s'teuplait... » Que proposait la future dunster en laissant un tendre sourire mourir sur ses lèvres pulpeuses.

Oui, le fait que tu me connaisses me fait un peu paniquer. Si j’ai mis personne au courant de mon état actuel, c’est bien parce que je ne veux pas que ça tourne à Harvard. Les rumeurs font toujours bon train dans les couloirs, et j’voudrais éviter qu’on dise qu’Elliot Maxwell le Don Juan qui a perdu la mémoire suite à un crash d’accident, le gars ‘le plus cocu’, est en plus de tout ça dépressif. J’avais ce foutu besoin de plaire à tout le monde, d’être apprécié de tout le monde, alors j’voulais juste pas que ça se sache. Si on s’aime pas soi-même, faut essayer de faire en sorte que les autres nous aiment non? Tu te lèves, marche un peu avant de lever les yeux vers le ciel. Moi, les miens sont plantés dans ton dos. Je profite que tu ne me regardes pas pour le faire. Alors comme ça, tu m’as observé. Quoi, t’es le genre de meuf stalkeuse? Je reporte mon regard vers l’océan juste avant que tu ne te retournes vers moi. J’ai pas besoin d’en savoir plus, j’ai eu ma réponse. Tu me connais de ma réputation aussi, j’suppose. Comme tout le monde. Je soupire quelque peu, ne sachant pas trop quoi répondre. Ouais, j’étais beaucoup plus heureux et joyeux avant. Tu te penches vers moi, me force à capter ton regard même si j’le veux pas. Parce que j’veux pas que tu vois mes yeux encore brillants de larmes. Même Serah, Hae ou Meghan, j’voudrais pas qu’ils me voient comme ça. Alors une parfaite inconnue? Qui pourrait s’empresser d’aller texter les vipères de CS ? Encore moins. Tes index étirent le coin de mes lèvres pour former un sourire forcé. Je tourne la tête pour t’échapper et tu te redresses, me laissant tranquille. Ah non. Tu me balances un peu de sable et réclames que je me lève pour qu’on discute. Je fronce doucement les sourcils, retrousse quelque peu le nez. J’me lève pour retrouver un peu d’assurance. J’me sens en situation d’infériorité, assis par terre alors que toi t’es debout. « Pourquoi tu fais ça? Pourquoi tu veux parler? Tu sais déjà tout ce qu’il y a à savoir de moi. » Tu sais comment je m’appelle, tu sais que j’ai vécu un crash d’hélicoptère qui m’a fait perdre la mémoire, tu sais que j’ai une liste de conquêtes impressionnante, que j’me suis marié pour un pari avec une fille que je ne connaissais pas, que j’me suis mis en couple avant d’être élu ‘le plus cocu’ par CS. C’était tout ce qu’il y avait à savoir, en fait.

Elle avait beau essayer de te faire sourire, mais tu te raidissais encore plus. Ce qu'elle pensait depuis toujours, se confirmait. Tu ne regarderas jamais une fille comme elle. T'avais même pas envie de faire un petit effort. Alors c'est un fait. Le fait qu'elle ne vienne pas du même monde que toi. Le fait qu'elle soit bridée peut-être ? Tu aurais été beaucoup moins grincheux face à une demoiselle de ton cadre. Et pourtant, Bae insistait. Elle insistait parce que pour le moment, aussi surprenant que cela puisse être, tu étais encore là. Parce que tu ne l'avais pas insulté pour la laisser en plan ensuite. Alors elle continuait. C'est une femme têtue Bae-Kim, et apparemment, toi aussi puisque que tu continuais de prétendre qu'elle savait absolument tout de toi. Qu'elle pouvait lire comme un livre ouvert en toi. Faux. Elle ne sait pas tout. Elle a beau t'observer, Bae ne t'épie pas. Tu te laisses enfin guider et tu te lèves pour la rejoindre dans cette marche à laquelle tu persistes encore à vouloir savoir si elle en sait plus qu'il ne faut sur toi. « Ok. Alors j'ai dit que je t'observais de loin, pas que je t'épiais ein !. » Elle voulait déjà clarifier ça, ensuite... « Je... Enfin j'ai envie d'apprendre à te connaître Elliot. Seulement, je n'ai jamais eu le courage de faire le pas. » Bah tu vois là, elle a le cœur qui s'emballe parce qu'elle se dévoile un peu trop. Parce qu'elle tremble comme une feuille à l'idée de se prendre un vent. Ce ne serait pas la première fois de toute façon. Bae n'a jamais eu de chance avec les hommes qui lui plaisent vraiment. « J'suis pas quelqu'un qui juge sans prendre le temps de connaître une personne. J'me fais ma propre opinion t'vois ? » Qu'avoue la coréano-japonaise en t'adressant un petit regard. « Mais si toi en revanche, tu ne veux pas me parler, alors je te laisserais tranquille... » Dixit la meuf qui continuait de marcher en te dépassant un petit peu pour se tremper les pieds dans l'eau. Elle était glacée, mais supportable quand même.

C’était facile de me connaitre, y’avait qu’à écouter ce qui se disait dans les couloirs, lire les articles CS, scroller les réseaux sociaux. Facile. Du moins, en surface. Après, j’étais pas un gars difficile. T’avais tort quand tu pensais que j’t’aurais snobée si t’étais venue me parler à l’université. J’étais sociable, toujours avide de nouvelles rencontres. J’mettais pas de vent, à personne. Sauf ceux sur ma liste noire, mais là encore, ils se comptent sur les doigts d’une seule main. Et ceux qui me connaissaient vraiment, j’voulais pas me confier à eux, parce qu’ils s’inquièteraient pour moi, ils se feraient du souci et me regarderaient avec un air triste et soucieux et j’voulais surtout pas ça. Alors j’parlais pas, moi qui parlais toujours, et c’est surement pour ça que ça me bouffait autant. Parce que j’gardais tout à l’intérieur alors que j’étais habitué à extérioriser. On commence à marcher, j’garde les pieds dans l’eau, c’est comme un goût de chez moi, en Australie, même si elle est froide. Les mains enfouies dans les poches de mon jean retroussé pour ne pas mouiller le bas, je t’écoute parler, regardant le sol. « J’vois. » Que tu juges une personne par toi-même et non pas par les on-dits. Et c’est tant mieux. « J’sais pas si… j’suis capable de parler. » De tout ça. De ce que je ressens. À une inconnue. De complètement m’ouvrir et me lâcher, me libérer de tous ces poids que je porte, au moins pendant une soirée. Parce que c’est dur, de se mettre à nu.

Elle se stoppe dans sa marche parce qu'elle voit bien que tu es mal. Bae agrippe son collier et baisse la tête parce qu'elle a mal. Elle ne saurait l'expliquer, mais elle sentait sa poitrine se compresser sur tes paroles lourdes de sens. Ce n'était que des mots et pourtant, Bae voyait plus loin. Elle voyait la solitude, la peur, la colère, le vide, l'impatience, elle ressentait ton mal être et elle en était frustré de ne pas savoir comment t'aider. Elle ferme les yeux quelques secondes alors que tu continues de marcher, la laissant derrière toi. « Elliot ! » qu'elle hurle soudainement. Elle voulait que tu te stoppes et que tu te retournes vers elle. Elle s'est souvenue du conseil de sa mère. Celui qu'elle lui répétait tout le temps. "Une étreinte est capable de donner un peu de boum dans le cœur". Alors sans réfléchir, elle se précipite vers toi, elle s'élance sur la pointe des pieds et t'enlace tout naturellement. Ses bras s'enroulent hésitants autour de ton cou avec douceur. Sers-là dans tes bras Elliot. Un câlin peu importe le propriétaire, te fera le plus grand bien. « Parle Elliot ! De ce qui t’attriste et te chagrine. Tu es en colère ? Furieux ? Triste ? Malheureux ? Tu te sens impatient ? Tu te trouves ombrageux ? Changeant ? Tu te sens seul ? Perdu au milieu du monde ? Tu te sens fatigué ? Nerveux ? À cran ? Vide ?... Libère-toi. Confie ta colère au vent. Il est puissant, parfois terrifiant, mais il saura mieux que personne aller cracher tes maux dans son souffle violent pour finir en une brise légère comme une délicieuse caresse sur la joue. » Elle resta contre toi. Attendant et espérant que tu te laisses aller à cette simple étreinte qu'elle t'offre. Si tu veux être seul, elle le comprendra. Si tu veux qu'elle s'en aille, tu as juste à lui dire. Mais elle n'aurait pas pu se pardonner de te laisser seul dans cet état sans avoir essayé de t'aider.

Je marche, un pas las, tête baissée, regardant mes pieds dans l’eau froide de Boston, mes poings au fin fond de mes poches. Et c’est ton cri qui me fait relever la tête et voir que tu ne me suis pas. T’es un peu plus loin, tu t’es stoppée, t’as arrêté de marcher à côté de moi. Je me tourne vers la provenance de ta voix, regard fixé sur ta silhouette. Quoi? Qu’est-ce qu’il y a? Tu t’élances vers moi, ton corps heurte le mien qui reste stoïque et tes bras s’enroulent autour de ma nuque. J’m’y attends pas, c’est vraiment soudain comme geste et je reste un peu bouche bée sur le coup. C’est seulement après de très longues secondes que mes mains quittent mes poches pour venir dans ton dos te rendre ton étreinte. J’savais pas si tu faisais ça pour moi ou pour toi, mais qu’importe. Si t’avais besoin d’un câlin pour je-ne-sais quelle raison, j’allais pas te le refuser. Mais tu ouvres la bouche, je te laisse déblatérer tes pensées et une fois fini, je soupire en te faisant reculer d’un pas. Je fixe tes yeux, t’as l’air en attente. En attente d’une réponse, qu’elle soit positive ou négative. Que j’te raconte ma vie ou que j’te dise d’aller voir ailleurs si j’y suis. Un nouveau soupire, plus profond cette fois, plus calme aussi. J’regarde un instant l’océan, l’horizon, comme si j’pouvais y voir mon chez moi. Comme si ça allait me donner un peu de courage. « Ouais. J’me sens… vide. Triste. Malheureux. Comme si j’portais des poids trop lourds pour moi. J’me sens coincé aussi. J’dois choisir, j’dois prendre une décision, mais peu importe ce que je choisirai, je passerai toujours pour le connard, pour le mauvais gars. Et j’parle pas parce que mon meilleur ami, il a… il est pas dans une bonne passe en ce moment, il a déjà ses propres problèmes. Et j’ai pas envie que les autres s’inquiètent. Ils s’inquiètent déjà, certains voient bien déjà qu’il y a quelque chose qui va pas mais… J’sais pas. C’est pas leur fardeau, je veux pas être leur fardeau. » Je croisais les bras sur mon torse, signe de repli sur moi-même, de mise à nu que j’vis pas forcément bien.