Salinger avait flirté avec une fille toute la journée, via Tinder, rien de moins sérieux que cette merde. La blondasse qu’il avait appâté semblait plus qu’intéressée par le brun, alors, il lui avait filé un rencard le soir même à MacDo. Quoi de plus romantique ou torride qu’une dégustation de burger bien gras hein ? Salinger n’y connaissait rien aux femmes, il s’en moquait éperdument, il cherchait plutôt la fille qui le supporterait tel qu’il était et qui aurait surtout les mêmes délires que lui. Après plus d’une demie heure d’attente à tenter de recontacter sa proie, Salinger en avait malheureusement déduit qu’elle ne viendrait pas. Cette meuf s’était défilée, il avait trop de charme, elle avait dû flipper au dernier moment ! L’américain avait donc fini par rentrer dans le restaurant, bien prêt à s’enfiler son BigMac seul ou accompagné. Il se posta près d’une borne, composa sa commande et attendit à l’endroit voulu qu’on lui donne son plateau. Ouais, Salinger avait la flemme de traverser la circulation, le temps qu’il rentre chez lui, tout serait froid. Une fois qu’il fût enfin servi, le brun fit demi tour et chercha une place où s’asseoir sans qu’on ne puisse le faire chier. Il balaya longuement l’immense salle bondée et ses yeux s’arrêtèrent finalement sur une ravissante jeune femme bien seule. La demoiselle semblait perdue dans ses pensées, à regarder par la fenêtre recouverte de pluie. Un sourire machiavélique au coin des lèvres, Salinger s’avança fièrement vers elle et déposa son plateau recouvert de saloperies sur sa table « Je peux m’asseoir ici ? C’est plein de monde et j’suis tout seul comme un gland. Et comme tu es vraisemblablement aussi paumée que moi… » lui lança-t-il en abaissant déjà ses fesses pour prendre place sur le banc « À moins que tu attendes un rencard ? Parce qu'une aussi jolie fille toute seule, je trouve ça suspect » lui confia-t-il maladroitement, espérant qu’il arrive à capter son regard fuyant. Cette fille était vraiment bizarre, légèrement ailleurs.  

Non sans mal, Meadow était parvenue à se faire comprendre du serveur et à commander un menu big mac simple, avec potatoes. Un cheat meal en bonne et due forme qui ne pourrait lui faire que du bien, surtout qu'elle venait de se payer une note de merde dans une matière extrêmement importante de son cursus : le droit. L'esprit de la jolie blonde semblait aussi morne que la pluie, qui tombait en averse sur les toits de la ville de Boston. Hélas, à peine installée, tout en picorant quelques potatoes çà et là, la demoiselle se plu à imaginer ce à quoi ressemblait actuellement la ville, en proie à la pluie. C'était toujours moins difficile à imaginer que la neige, surtout pour une espagnole pure souche. Rien ne semblait pouvoir la sortir de sa rêverie... rien, exceptée une voix masculine qui la fit légèrement sursauter au passage. Heu... ouais assieds-toi si tu veux, mais qui te dis que je suis paumée ? arqua-t-elle un sourcil, trouvant son interlocuteur, parfaitement inconnu au bataillon, bien sûr de lui. Meadow ne reconnaissait ni sa voix ni son parfum, preuve qu'ils ne devaient sûrement pas connaître... pas même de vue, sans quoi son hypermnésie s'en souviendrait pour elle. Je ne vois pas en quoi c'est suspect... répondit-elle avec d'éclater de rire. Mais j'accepte le compliment, don juan... tu t'appelles ?

Salinger n’avait pas vraiment attendu que cette inconnue l’invite à sa table, il s’était simplement auto-invité. Il s’était également montré sûr de lui, n’hésitant pas à utiliser une pointe de drague pour faire accepter sa présence. Le blondinet avait souri en entendant la répartie de cette jeune femme « Écoute, quand on est seule, on est paumée, puis t’avais l’air également perdue en regardant dehors » Salinger se jeta ensuite sur ses frites et les mâchouilla bouche ouverte parce qu’elles étaient tout bonnement bouillantes « Han, comment tu as trouvé ! Naon, je m’appelle Salinger, Salinger Walsh mademoiselle, enchanté » répondit-il en tendant sa main qu’il essuya au préalable pour ne pas recouvrir de sel celle de la blonde. Malheureusement, cette dernière n’avait pas attrapé sa paluche, Salinger venait de se manger un vent. Il abandonna alors les salutations et ricana « Okay meuf, c’est quoi ton nom à toi ? T’es du coin ? À tous les coups tu étudies à Harvard … Ou alors t’es une mannequin qui s’est égarée du club Victoria’s Secret… » Et un compliment de plus, un ! Salinger s’amusait de cette situation, c’était peu commun de manger en tête à tête avec une inconnue. Il ouvrit ensuite la boite de son hamburger et apporta son sandwich à sa bouche « Ce truc, c’est la meilleure invention du monde, c’est au dessus d’Internet, je te préviens, je risque de jouir en le bouffant » lança-t-il avant de croquer dedans et de pousser un long râle de plaisir qui avait attiré l’attention d’autres clients aux alentours. « Quoi ?? Me regardez pas comme ça ! C’est elle ! Elle a mis son pied sur mes couilles ! » s'indigna-t-il en fusillant de ses prunelles les curieux.  

Meadow ne put décemment s'empêcher d'éclater de rire face à ce culot monstrueux dont faisait preuve son interlocuteur et ce sans même se forcer. La jolie blonde ne pouvait hélas point se délecter de l'expression actuelle de son visage, mais elle devait certainement être à l'avenant. Mais je suis seule et non paumée, ça peut être par choix ! lança-t-elle avec conviction, même si d'un autre côté, cette solitude lui était tout de même un brin contrainte. Impossible en revanche que de savoir que le jeune homme venait de lui tendre la main pour la saluer dignement, puisqu'elle n'avait senti ni déplacement d'air significatif ni rien du tout susceptible de la mettre sur la voie. Du coin hmm... non. Mais je m'appelle Meadow Rojas. Pour le mannequin mystère, et par contre étudiante, là dessus t'as mis dans le mille répliqua-t-elle à l'aide de son accent espagnol à la fois prononcé et sexy en diable. Tout en picorant toujours une ou deux potatoes de son propre paquet, qu'elle cherchait toujours à tâtons une seconde avant de le trouver du bout de ses doigts, elle arqua un sourcil face aux propos suivants de ce presque parfait inconnu, qui énonçait une vérité sans gêne avant d'essayer de la gêner... sans résultat, puisqu'elle ôta son escarpin pour mieux le placer sur le genou de Salinger. Je leur fait mentir ou je te joue le coup de l'arroseur arrosé ? Ne jamais défier une espagnole sur son terrain, c'est une mauvaise idée si on est pas prêt à suivre... ou que l'on bluffe juste.

Salinger n’était absolument pas timide. Quand il avait une question en tête, il la posait, qu’il connaisse ou non la personne en face de lui. Cette petite blonde n’avait pas échappé à sa curiosité, d’ailleurs elle avait pas mal de répondant, il adorait ça. Le blondinet avait ainsi fait la connaissance de Meadow Rojas, une étudiante espagnole. Cette fille était charmante, mais aussi énigmatique. Elle paraissait déconnectée, légèrement maladroite pour bouffer de simples potatoes. Salinger qui lui avait décidé d’entamer son hamburger ne manqua pas de réveiller le restaurant avec ses gémissements de plaisir dû à la bouchée qu’il machouillait. Quand il se rendit compte qu’il avait effectivement attiré l’attention de certaines personnes, l’américain avait décidé de jouer en accusant Meadow en face de lui d’être à l’origine de sa réaction. Ce qu’il n’avait pas prévu ? Qu’elle puisse oser un tel geste alors qu’ils ne se connaissaient absolument pas. Sentant son pied sur son genou, Salinger se décomposa et avala péniblement sa salive, les yeux exorbités. « Bien joué. J’aime ça miss Rojas » prononça-t-il avec un accent qu’il maîtrisait aussi bien qu’elle, puisque sa mère était elle-même espagnole « T’es du genre à masturber les mecs avec tes voûtes plantaires ? Ça sort de l’ordinaire » blagua-t-il en restant pourtant sérieux. Salinger essuya ses mains dans sa serviette et laissa une de ses mains disparaître sous la table pour chopper la cheville de la blonde « T’es prisonnière maintenant ! » s’exclama-t-il en riant à gorge déployée. « Allez récupère ta jambe c’est bon » Salinger la lâcha et arrêta ponctuellement ses lourdeurs. Il piocha de nouveau dans ses frites et chercha à capter le regard fuyant de Meadow « Tu étudies quoi sinon ? Les gars parfaits dans mon genre ? Dis moi, t'as bu ? Je te vois galérer pour attraper tes patates là...   »

Apparemment, malgré tout le culot du monde, Meadow venait vraiment de faire mouche avec sa réplique et la présence de son pied sur le genou de Salinger. Non pas que la demoiselle ait particulièrement prémédité son geste, mais cela lui avait semblé être la meilleure chose à faire pour prouver à cette grande gueule que parfois, beaucoup en dire mais peu en faire, ça allait bien cinq minutes. Sympa l'accent... des origines ? s'intéressa-t-elle aussitôt face à ce nouveau compliment pourtant sorti sur un plateau. Mais pour une fois, la jolie blonde ne rougissait pas et demeurait parfaitement maîtresse de ses faits, gestes et pensées. A croire qu'elle ait répété cette scène toute sa vie pour un grand rôle... Tu ne sais pas tout ce que l'on peut faire quand on est douée avec ses petons... répliqua-t-elle en papillonnant des cils d'un air cabotin, n'ayant jamais utilisé ses pieds de façon sulfureuse mais Meadow restait une jeune femme d'imagination débordante, on ne pouvait guère le lui reprocher. Elle se mit à rire alors que son interlocuteur lui chopa la cheville, s'exclamant qu'elle était prisonnière avant de la relâcher à peine quelques secondes plus tard. Hélas, l'espagnole ne vit pas arriver la chute... ni la question de Salinger, plus lourde que toutes celles précédemment énoncées. Si l'envie de l'envoyer sur les roses était de plus en plus forte, la demoiselle se retint, bottant d'abord en touche avec l'utilisation de la toute première question... J'étudie le droit. Je souhaite être avocate d'affaires... fit-elle en se mordillant la lèvre, avant de relever fièrement le menton, refusant d'être honteuse face à ce qu'elle demeurait désormais. Et bu non... si je galère avec mes potatoes, c'est parce que je suis incapable de les voir... tout comme d'imaginer ton visage.

Salinger avait été carrément surpris par cette petite blonde qu’il ne connaissait que depuis une poignée de minutes. Le pieds de Meadow était déjà sur sa cuisse, elle n’avait pas froid aux yeux la petite. « Ouaip, mère est espagnole » répliqua-t-il avant de s’avancer vers des sous-entendus douteux sur les pieds de la belle. « Beurk, franchement, c’pas mon truc et j’veux pas savoir ce que tu as pu faire avec tes pieds » Il attrapa pourtant la cheville de la jeune femme pour la prendre à son propre piège. Il la délivra néanmoins très rapidement pour ne pas passer pour un sale pervers. De plus, bien qu'il n'était pas un as de l'observation, cette fois-ci, c'était immanquable. Meadow cachait quelque chose, la façon dont elle tâtonnait pour se nourrir était étrange. Et comme Salinger ne disposait pas de finesse pour aborder les autres, il l'interrogea maladroitement afin de gagner certaines réponses. « Avocate ? J’adore ! Ça t’irait bien, tu serais super sexy à la barre ! » avoua-t-il alors qu’il percevait une pointe de gêne se développait chez Meadow. Fronçant ses sourcils, il la laissa s’exprimer et manqua de s’étouffer avec son coca-cola. La boisson était effectivement passé à côté alors il tapa fortement plusieurs fois sa poitrine, histoire de remettre dans le bon tuyau le liquide, mais inutile. Il toussa ensuite plusieurs fois, en tapant des poings la table, les larmes aux yeux « On pourrait croire que j’suis en train de crever là, mais c’est une impression » dit-il avec une voix étranglée. Heureusement que Meadow ne voyait pas grand chose, elle aurait sinon assisté à un spectacle pitoyable. Reprenant son souffle, Salinger avala un morceau de son sandwich pour calmer la brûlure dans sa gorge « T’es juste en train de me dire que tu es aveugle c’est ça ? » demanda-t-il pour s’assurer qu’il ne s’était pas étouffé pour rien « C’est depuis toujours ? Enfin... Je comprendrais que tu ne veuilles pas en parler. » Salinger ne voulait surtout pas la mettre mal à l'aise, ni la prendre en pitié.

Sa mère était espagnole, et autant dire que plutôt que d'être hyper bavarde, Meadow s'imprégnait de chaque détail lâché çà et là par son interlocuteur... une fois qu'elle eut retiré son pied du genoux de ce dernier, bien évidemment. Le compliment de Salinger la fit un tantinet rougir, car c'était bien la première fois qu'on lui lâchait, comme ça, sans filtre aucun, qu'elle pourrait être sexy à la barre. Tu n'auras qu'à venir me voir plaider, tu te feras une idée... poursuivit-elle, toujours en mêlant culot et retenue. Un savant mélange dont elle seule avait le secret. Sa voix demeurait douce, posée, ne laissant aucunement présager la confession qui peuplerait bientôt l'atmosphère, l'alourdissant d'un coup d'un seul. D'ailleurs, le jeune homme manqua de s'étouffer devant les yeux perdus de la jolie espagnole, incapable de réagir autrement qu'en affichant un air désolé. Tu veux de l'eau ? tenta-t-elle en grimaçant, incapable de faire autre chose que de proposer cette solution inadaptée, avant que la question ne tombe tel un couperet. Oui je suis aveugle et non, c'est récent. La réponse avait été toute aussi brutale, preuve que Meadow n'avait pas du tout préparé son coup...

 « Tu plaides déjà ? J’ai peur de la justice, j’essaie de m’en tenir loin, je me déguiserais peut être un de ces jours pour te voir ! » répondit-il en grimaçant. Effectivement, avec son business de drogue, Salinger essayait de se tenir à l’écart de la police et autres lieux représentant la loi. Peu de temps après, Salinger avait maladroitement vanné la blonde sur sa vision défectueuse et la nouvelle qu’elle lui avait déballé à ce sujet l’avait totalement choqué. Salinger luttait pour ne pas crever étouffer avec sa frite. Comment une femme aussi mignonne avait pu être soudainement privé d’un de ses sens… ? « Ça va ça va… C’est tellement surprenant, tu le caches bien quand même » Salinger essuya sa bouche entourée de ketchup et la fixa sans savoir si elle sentait le poids de ses yeux sur elle « C’est arrivé comment ? Tu veux que je te ramène après notre festin ? Enfin, peut être qu’il y a des voitures pour aveugle de nos jours » Salinger s’arrêta subitement de parler et attrapa son hamburger pour le terminer. Cette nouvelle n’allait pas non plus lui gâcher son repas. La jolie Meadow semblait bien s’en sortir et ne désirait sûrement pas qu’on s’apitoie sur son sort « Tu le vis bien qu’on plaisante sur cet handicap ou pas du tout ? Parce que je suis un gros lourd et j’ai tendance à enchaîner les maladresses sur les sujets tabous… » déclara-t-il franchement en aspirant son coca dans sa paille.