Je ne pensais pas avoir à en venir là… et si vite en plus. Mais Suzy a raison. Elle a raison sur toute la ligne et c’est probablement ce qui m’a fait le plus mal. Elle me connait, probablement mieux que je ne me connais moi-même d’ailleurs et il faut que j’arrête de me leurrer. Tu es amoureux de moi depuis le premier jour et, même si j’essaie de tout mon cœur de te rendre tes sentiments, la vérité c’est qu’il n’y a rien qui vient. De l’affection profonde, certes, mais pas d’amour ni rien y ressemblant d’ailleurs. J’ai cru qu’avec le temps, à force de passer du temps ensemble, de se voir régulièrement, d’être exclusif… j’ai cru que ça changerait enfin. Mais je ne peux plus me voiler la face. Encore une fois, comme l’a dit Suzy, plus j’attends et pire ce sera. Je ne veux pas te faire de mal, mais la vérité, c’est que je t’en fais déjà sans même le vouloir. Le mieux, c’est de couper court avant de te blesser d’avantage. Je sais, je passerai encore pour la méchante dans l’histoire, mais je saurai au fond de moi que c’était pour le mieux. Parce que tu mérites d’être heureux Kale, vraiment. Et j’aurais peut-être du te laisser aller vers Adria sans interférer.

Emmitouflé dans mon manteau d’hiver, le foulard sur le nez, je m’arrête au pied de l’immeuble où tu habites. Je ne sais pas encore comme ça se passera, mais il faut que ça se fasse. Je monte et toque finalement à ta porte, frissonnant encore comme si le froid était bien ancré dans mes os. En réalité, ça n’a rien à voir avec le froid. J’ai les nerfs en boule, un truc dans la gorge qui m’empêche d’avaler et les larmes aux yeux alors que tu n’as même pas encore ouvert la porte.

@M. Kale Manning

A l'appartement tout seul en ce début d'années 2018, Aura n'est pas là et je ne me demande pas trop où elle est. Il faut dire qu'elle vagabonde un peu beaucoup à droite et à gauche alors bon. Il faut aussi ajouter que ces temps-ci, je ne suis pas souvent à l'appartement, je passe plus mon temps chez Lily que chez moi. D'ailleurs, en parlant du loup, je vois qu'elle ne réponds pas du tout à mes messages aujourd'hui. Dans mes pensées, j'en sors bien rapidement quand j'entends une personne qui toque à la porte d'entrée. Je me lève avec beaucoup de flemmardise de mon canapé pour ouvrir la porte et y découvrir ma petite amie, larmes aux yeux. Elle n'est pas bien, je le vois directement. Lily, qu'est ce qu'il se passe ? Que je lui dis, l'aidant à rentrer dans mon appartement et hâte de savoir ce qu'il se passe.

Il me semble qu’une éternité s’écoule avant que la porte ne s’ouvre enfin sur toi. Éternité durant laquelle mon esprit vagabonde et tourne en rond, me repassant en boucle le sms de Suzy. « Lily, qu'est-ce qu'il se passe ? » Tu m’aides à entrer à l’intérieur, mes jambes molles sous moi alors que je ne l’avais même pas réalisé. Je mets un moment à trouver mes esprits, à trouver la première chose que je devrais te dire, mais au fond, il n’y a rien d’autre que « Il faut qu’on parle. » Et je sais que tu risques de voir venir ma nouvelle à des kilomètres à la ronde, qu’il n’y a pas cinquante-six-mille raisons pour que je sois dans cet état, mais il faut que tu saches une chose Kale : ce n’est pas facile pour moi de te blesser une fois de plus, loin de là même. Je retire mon manteau et le pose sur une chaise à l’entrée avant de me diriger vers le salon, triturant mes mains nerveusement.

Je l'aide à entrer dans l'appartement, je m'attends à tout mais quand nos regards se croisent, qu'elle me dit ces quelques mots, je comprends toute de suite. Je suis loin d'être idiot, non, je comprends rapidement ce qu'elle est venue me dire. Je suis juste derrière elle, la suivant jusqu'au salon alors qu'elle ne prononce aucun mot. Mon regard se fait insistant sur elle. C'est fini, c'est ça ? Je soupire, finissant par m'asseoir sur le canapé et éviter le regarde de mon ex-petite amie. Je ne peux pas l'affronter, je dois garder la tête haute. C'est ça que tu as à me dire... ? Je continue d'éviter son regard, espérant encore que ce soit tout autre ce qu'elle a à m'annoncer.

Je m’assois et tu me rejoins rapidement sur le canapé. Ton regard est insistant et j’ai l’impression qu’il me transperce l’âme. J’ai mal Kale… bon sang que j’ai mal. Mais jamais autant que toi, j’en suis certaine. « C'est fini, c'est ça ? » J’avale de travers et te fixe toujours en silence. J’arrive pas à parler. « C'est ça que tu as à me dire... ? » Je baisse la tête, cherchant la solution idéale qui n’existe malheureusement pas et la relève à nouveau, croisant ton regard alors que le miens est humecté de larme. « Laisse-moi m’expliquer… s’il te plait. » Parce que je ne veux pas que tu me détestes, que tu crois que j’ai joué avec toi, que j’ai profité de toi ou peu importe comment tu pourrais tourner l’information dans ton esprit et du fait même me détester pour mes choix difficiles. « J’ai essayé… j’ai vraiment essayé Kale. » Quelques larmes coulent sur mes joues, mais je les laisse tomber, poursuivant tandis que j’arrive encore à articuler. « J’ai adoré le temps passé avec toi et je ne le changerais pas si j’avais à recommencer. Le problème, c’est que j’aurai beau attendre maintenant, je sais que l’amour ne me tombera pas sur la tête par surprise. J’suis attaché à toi, suffisamment pour souffrir aujourd’hui, mais…. » je ne suis pas amoureuse et ne le serai jamais. Voilà ce que je n’arrive pas à dire à vive voix, un sanglot s’étouffant plutôt dans ma gorge.

C'est donc ça, elle me quitte. J'aurais peut-être dû m'y attendre, non ? Pourtant, elle ne m'a rien montré qui allait dans ce sens là, rien qui me disait qu'elle ne tombait pas amoureuse. Elle s'est encore jouée de moi, c'est tout ce que je peux retenir. Elle veut s'expliquer, qu'elle le fasse mais je pense déjà savoir ce qu'elle compte me dire. Alors, j'écoute à moitié. Le temps qu'elle parle, je me lève, m'en vais chercher les billets d'avions qu'elle m'a offert pour Noël. Tu n'es pas amoureuse de moi. Ouais, j'ai compris. Que je dis pour finir la phrase qu'elle n'a pas fini elle-même, je pose les billets d'avion sur la table à côte de la porte d'entrée. Pars. Prends les billets avec toi. Juste pas l'envie de l'insulter, de la pourrir. Je suis énervé, triste, dégoûté...

J’ai à peine terminé de parler que, déjà, tu te lèves pour aller chercher un truc. Lorsque tu reviens, c’est pour poser une enveloppe près de la porte d’entrée. Je te regarde et peine a contenir mes larmes. « Tu n'es pas amoureuse de moi. Ouais, j'ai compris. » Te voir aussi froid et stoïque me fait plus mal encore je crois que de t’entendre gueuler sur moi ou même pleurer. Je sais que ces émotions, tu les vies toutes a l’intérieur et je sais aussi à quel point c’est mauvais pour toi… « Pars. Prends les billets avec toi. » Je fronce les sourcils. « Kale.. c’est ton cadeau, ta famille. Tu pourras prendre une amie avec toi voyons.. garde-les. » Je suis debout à présent, ne voulant pas imposer ma présence plus longtemps si vraiment tu veux que je m’en aille. Je plonge toutefois la main dans la poche de mon manteau et en ressors le téléphone que tu m’as acheté pour noël, lequel je n’avais même pas encore eu le temps de toucher. « C’est trop pour moi, tu peux reprendre le téléphone…. » Même si j’ai adoré ce cadeau, je ne peux tout simplement pas le garder. J’enfile mon manteau en fixant le sol.

Ouais, au final, j'aurai du m'en douter dès le début. Jamais, ça ne marchera elle et moi, ça a été un amour à sens unique depuis le début et c'est tout. J'aurai du m'en douter, je n'aurais certainement pas souffert comme je souffre, mais je ne veux pas lui faire ce plaisir, je ne veux pas lui montrer que ça ne va pas. Alors je reste froid, distant avec elle, en posant juste les billets pour la Nouvelle-Zelande qu'elle m'a offert sur le meuble à côté de la porte. Je n'en veux pas. Elle veut que je les garde, mais à côté de cela, elle me tend le téléphone que je lui ai offert. Je le prends, en le posant à côté des billets. Prends les, je n'en veux pas, Lily. Au revoir. Que je dis seulement, je n'ai pas vraiment envie de la voir plus lontemps que ça. Je me dirige vers la cuisine pour me sortir une bouteille de Vodka que je bois au goulot directement. Juste envie de me poser, de ne penser à rien du tout.