Cela faisait deux ou trois jours que la blonde errait entre Boston et Cambridge. Au lieu de multiplier les connaissances, de voir du monde, elle préférait se restreindre à son petit cercle et son boulot. La jeune femme tenait à reprendre sa future carrière en main. Elle désirait devenir une autre. Elle voulait mettre au placard cette ancienne Louison qui s'était perdue en route pour l'amour. Si les cours n'avaient toujours pas repris à Harvard, la demoiselle potassait des heures, zieutant parfois son téléphone, espérant qu'il la joigne, qu'il lui demande au moins pardon. Rien, rien du tout. Il avait disparu, il était déjà loin. Louison avait le coeur brisé, elle se demandait bien si elle s'en remettrait un jour. Aux alentours de minuit, la française avait abandonné sa chambre exiguë au profit de l'immense pièce au rez-de-chaussée. Elle s'affala sur le canapé et fixa le plafond, songeant en boucle à ces derniers mois. Plongée dans la pénombre, la demoiselle regardait les photos de son ex, une à une. Fallait-elle les supprimer ? Se faisait-elle souffrir à les parcourir encore et encore ? Évidemment que oui. Tout à coup, dans une maladresse qui lui était propre, son mobile lui tomba sur le nez, ce qui lui provoqua un gémissement étrange. Elle entendit aussitôt une voix râler dans la langue de Molière. Elle ricana de plus belle en apercevant ce jeune homme qui luttait contre les ténèbres avec sa lampe torche d'iPhone. En fronçant un peu plus ses sourcils et aiguisant sa vision, Louison aperçut le visage de son ex qui l'avait aussi reconnu. " Je vis à moitié ici je te ferais dire... " lui répondit-elle en se redressant pour ne pas lui offrir ce spectacle miteux.  " En réalité... je broie du noir et dans le noir en plus. " osa-t-elle plaisanter en plongeant sa tête vers le bas, entre ses mains. " Je ne dors plus, j'y arrive plus. Je... je me suis séparée d'Ezio. Je... Je prétends aller bien, mais je suis au bord du gouffre " avoua-t-elle, le coeur lourd et les larmes prêtes à déborder pour produire un raz-de-marée.  

La française perdait pieds. Son petit monde parfait, son cocon d’antan s’était envolé pour des conneries. Elle avait beau travailler pour occuper son esprit, il existait toujours plusieurs fenêtres par lesquelles Ezio s’infiltrait quotidiennement. Ce soir, elle avait déserté sa chambre chez sa meilleure amie Zelda afin de lui laisser un peu d’air. Elle s’était donc réfugiée à la Mather House, là où la majorité de ses proches vivaient et passaient souvent. Cependant, elle ne s’était pas attendue à rencontrer son ex dans le coin. Quelque chose s’était débloqué entre eux depuis leur discussion précédente, avant que Florence ne parte pour la France. Raphaël avait mûri et les anciens amants étaient vraisemblablement devenus amis. Louison n'arrivait toujours pas à entrevoir que ce type de relation puisse un jour exister avec l'italien. Encore moins si elle décidait de garder l’enfant. Bref, dans une volonté de bien faire, le Mather avait ramené un verre à l’étudiante, cette dernière l’avait attrapé en plongeant son petit nez à l’intérieur. De l’alcool, bien évidemment. Raphaël ou le gros alcoolo. « T’oublie que je suis enceinte… Je bois au moins un verre chaque jour. Un verre de trop. Ce gamin doit être foutu… » balança-t-elle tout en appuyant un peu plus fort son crâne sur l’épaule de son ex. Raphaël se montrait très ouvert ce soir, la blondinette en était presque choquée. Il avait sûrement raison, néanmoins, Louison restait persuadée que cette blessure ne cicatriserait jamais quoiqu’elle dise ou fasse. Elle tenta quand même d’essayer, du moins pour expliquer son état critique « Tu sais que je peux être spéciale… Tu en as fait les frais à l’époque… Parfois, je disparaissais plusieurs jours et je revenais comme si rien ne s’était passé… J’ai fait la même chose avec Ezio. Mais là, c’était encore pire. Je suis enceinte, je venais de me marier et ses parents m’ont cherché des noises. Alors j’ai psychoté… Certains ont profité de mon égarement pour raconter des bêtises à mon sujet et Ezio y a cru… Il a cru parce que j’étais bizarre. Alors il m’a trompé. Par impulsivité j’imagine. J’y crois toujours pas qu’il ait pu faire un truc pareil. Le lendemain de notre rupture, il réactive son compte Tinder… Ça m'a énervé et je crois que... que j'ai dérapé avec mon meilleur ami à cause de ça » expliqua-t-elle en sirotant son verre. Elle le posa ensuite sur la table basse et vola la cigarette du brun « Du coup… j’sais pas quoi faire. Je me suis énervée et j’ai forcément dit que je souhaitais divorcer. Je me sens trahie, humiliée, c’est normal non ? Pis… ce gosse, c’est le fruit de quoi ? D’un mariage basé sur des fondations en carton… Bref, t’as pas à m’écouter chialer, au moins, j’ai pris dans la gueule à mon tour comme j’ai pu te faire à l’époque.» confia-t-elle tristement tout en tirant longuement sur la cigarette du brun.  

Louison connaissait Raphaël parfaitement. C’était un bon gars malgré le côté badboy qui laissait entrevoir à la majorité des gens. Elle ne fut donc pas surprise de son sermon. Elle resta néanmoins figée sur le canapé, privée de sa cigarette et de sa boisson. Aux derniers mots de son ex, la blonde fondit en larmes en nichant sa tête entre ses mains. Il avait peut être raison, mais pour l’instant, c’était trop tôt à imaginer. Louison était brisée en deux. « J’ai perdu le gamin y a quelques jours Raphaël…  J’ai honte de t'avoir menti. Je l’ai pas assez bien protégé, j’suis plus enceinte, j’serais jamais mère, j’en suis sûre » tenta-t-elle de prononcer entre les sanglots « J’aurais jamais dû partir et balancer tout ce que l’on avait. Regarde ce destin de merde. » s’énerva-t-elle en se relevant pour se diriger vers une baie vitrée. Elle observa le ciel noir à l’extérieur et fronça ses sourcils. « J’ai envie de tout casser bordel ! » Elle fit alors marche arrière et fonça dans sa chambre à toute vitesse. À l’intérieur, elle retrouva dans sa penderie une robe offerte par Ezio. Elle la sortit de son cintre, la jeta sur le lit et s’arma d’un ciseau pour la découper en morceaux. Toujours hors d’elle, elle termina par envoyer son poing dans le mur et sentit ses os craquelaient dans sa main « Sa race, la pute ! » grommela-t-elle en français tout en secouant sa paluche en compote. Ça faisait du mal et du bien à la fois. L’empreinte de ses phalanges était dorénavant dans le plâtre, elle allait devoir expliquer ça plus tard… À bout de souffle, entre rire et larmes, elle s'effondra sur le plancher et fixa ensuite le plafond tout en se sentant observée par le Mather. « J’sais, c’est pitoyable, t’as pas filmé j’espère ? »

Louison se déchaînait et cela lui faisait un bien fou. Tout s’était cassé la gueule en un rien de temps. Elle ne croyait tout à coup plus en cette histoire qu’elle avait pourtant traversé durant 4 mois, foutaises ! Le fantôme d’Ezio la poursuivrait sûrement encore longtemps, mais plus elle se débarrassait de quelques souvenirs de lui, plus elle pourrait avancer. Une robe de son ex avait ainsi reçu toute sa colère ainsi qu’un mur qui n’avait rien demandé à personne. Allongée au beau milieu de sa chambre, Louison s’adressa ensuite à son ex qui était venu la rejoindre pour assister à ce spectacle pitoyable. Elle le regarda jeter sa clope dans sa poubelle pour mettre le feu au bout de tissus. La Mather esquissa un sourire et laissa le jeune homme s’asseoir à ses côtés. Elle explosa ensuite de rire face à son commentaire « Ouais, sûrement… » Louison n’en était pas aussi certaine, Ezio avait beaucoup de goût pour les vêtements, mais cela ne ressemblait pas tellement à la blondinette « Je te remercie de m’avoir soutenu dans cette histoire alors que tu n’aurais sûrement pas dû. Bah voilà, j’suis de nouveau libre, célibataire et peut être plus en mesure de porter la vie avec ma fausse couche, c’est la joie » déballa-t-elle en roulant des yeux. Elle se leva ensuite et tendit sa main au français pour l’aider à se relever. Elle tira si fortement dessus qu’elle l’apporta contre elle et fixa ardemment ses prunelles ténébreuses « Je peux goûter à tes lèvres, comme au bon vieux temps ? » lui demanda-t-elle en faisant courir sa main derrière son oreille pour arranger une de ses mèches de cheveux rebelle « Je peux faire ce que je veux maintenant et tu n’es pas maqué non ? » 

Tous les hommes qu’avaient croisés la vie de Louison resteraient à tout jamais gravés dans son coeur. Raphaël en faisait partie, c’était un élément marquant de sa vie, un homme qui ne l’avait pas fait souffert, ce qui était bien rare. Elle lui faisait aveuglément confiance, et elle savait qu’elle pouvait retrouver du réconfort dans ses bras. Ce soir, elle se contrefichait aussi de ce que pouvait bien penser les autres en se rapprochant de lui. Elle avait besoin de douceur et se sentir encore aimé. Elle quémanda alors un baiser à son ex, curieuse de revivre un contact pareil après des années d’éloignement. Des étoiles pleins les yeux, Raphaël avait exaucé son voeux en capturant sa bouche. Louison empoigna son visage et dévora ses lèvres tout en jouant avec sa langue. Son coeur s’emballait et elle savait très bien ce que cette fièvre soudaine signifiait. Elle avait envie de lui et elle n’avait jamais franchi ce pas à l’époque. Elle avait préféré conserver sa virginité pour un homme qui n’était déjà plus là. Les sacrifices aussi cons, c’était terminé. Se décrochant de ses lèvres, le souffle saccadé, elle balança un coup de pied violent dans la porte et fonça de nouveau vers le brun. Ses doigts délicats attrapèrent le col de sa chemise et le tirèrent vers son visage pour renouveler un baiser encore plus langoureux. « L’envie ne m’avait pas manqué à l’époque… » chuchota-t-elle en le déshabillant de son haut pour découvrir son torse. Il avait bien changé. Ce n’était plus le même adolescent en passe de devenir adulte. Non là, il était radicalement un homme. « Ne me dis pas que tu n’as jamais eu envie de me faire l’amour…? Tu sais, quand tu t'infiltrais chez moi pendant que mes parents se disputaient le soir… » lui rappela-t-elle en envoyant ses ballerines au coin de la pièce. « Castelli… » La blondinette passa son pull par son cou et offrit par conséquent sa poitrine nichée dans son soutien gorge « Tu sais comment on fait au moins ? » lui demanda-t-elle pour le taquiner tout en se balançant de droite à gauche dans la pénombre.