A vrai dire, Jo' se surprenait elle-même d'avoir mis dans le mille à propos du mariage de Carter. Mais cela ne l'étonnait pas que son interlocutrice ait trouvé chaussure à son pied pour autant, car autant être honnête, elle demeurait magnifique et désirable, plus que jamais. Tant mieux, ça m'évitera d'être faux derche en te disant que je vais faire péter le champ'... reprit-elle, narquoise et mauvaise. Mais l'américaine n'était jamais à titiller de trop près à moins que la personne sache par avance dans quoi elle s'embarquait comme galère. Ce n'était pas pour rien que son supérieur l'envoyait régulièrement voir un psy histoire de gérer ses problèmes de colère et de virulence... sauf qu'aujourd'hui, la brunette allait éviter d'envoyer valser tout ce qui se trouvait sur la table qu'elle occupait, sous peine de devoir nettoyer du yaourt glacé après. Je les plains, les pauvres ne put-elle s'empêcher d'ajouter avant d'écouter d'une oreille plus qu'attentive le monologue dans lequel se lança Carter. Cela n'empêcha pas Jo' de continuer à déguster son yaourt glacé comme si de rien n'était, ne jetant que quelques œillades de temps en temps à son interlocutrice, comme pour faire acte de présence, et ce jusqu'à ce que cette dernière ait terminé. C'est pas parce que tu traites les gens comme de la merde en les fuyant comme la peste alors que tu prétends les aimer que tout le monde va faire comme toi... désolée de ne pas être comme toi ! Perso, j'ai pas l'intention de fuir, déjà parce que c'est pas du tout mon genre, que j'assume pleinement ce que je ressentais pour toi et même si t'avais peur, t'aurais juste dû avoir le cran de m'en parler. Tout aurait pu être différent. Mais si tu veux me balancer ton bonheur à la gueule vas-y, après tout, c'est plus simple de faire semblant avec un mecton et de faire style que t'es pleinement hétéro, pas vrai ? La capitaine ne pouvait pas s'empêcher d'être un brin sarcastique, mais seule sa douleur s'exprimait. En même temps, dire que tout allait bien dans sa vie alors que Carter cherchait à s'excuser c'était... maladroit. Surtout face à quelqu'un comme Jo'. Je t'aurais pas rejetée, c'est tout ce que j'ai à dit. Maintenant, sois heureuse avec ton mec, ton mari, ton je sais quoi, je pense qu'on s'est tout dit.

Elle lui parlait lui disant clairement les choses et bien sûr la métisse devait elle agissait comme une conne. Elle préférait garder ce commentaire pour elle, c’était déjà compliqué d’avoir une conversation assez convenable, elle n’avait pas besoin d’en rajouter une couche et d’énerver encore plus la jeune femme. Ce n’était pas vraiment une chose dont elle avait envie, surtout qu’elle n’arriverait pas à gérer sa colère. C’était pour ça que Jocelyn l’avait attiré dès le début, elle était aussi impulsive qu’elle, voir beaucoup plus, mais elle ne cachait rien et disait ce qu’elle pensait sans tourner autour du pot. C’était excitant dans un sens, elle avait l’impression de retrouver tout ça, sauf que plus rien ne serait comme avant. « J’ai jamais dis que tu étais comme moi, je sais que tout le monde n’est pas comme ça. Je suis désolée de pas être la femme parfaite, celle qui serait venue te dire qu’elle commençait à ressentir quelque chose de fort pour toi, que ça lui faisait peur comme pas possible car tout ce qu’elle est capable de toucher, elle le brise. Et c’est pas du tout parce que tu es une femme que j’ai décidé de prendre la fuite, j’assume pleinement ma bisexualité. » Elle avait l’impression que ses excuses faisaient un peu plus de souci, elle grogna doucement en passant sa main sur son visage. « Je veux pas te foutre mon bonheur à la gueule, arrête de tout mélanger et de faire celle qui comprend rien. Tu peux pas juste écouter ce qu’on te dit au lieu de t’énerver directement ? D’habitude, j’adore ça chez toi, mais là ça me rend dingue. » Carter l’avait dis, elle serait honnête du début à la fin avec elle, sauf que ce n’était pas comme ça qu’elle voulait que les choses se passent entre elles, loin de là. Elle tenait toujours à elle, ce n’était pas comme ci elle avait été capable de l’oublier durant cette année. « Putain Jocelyn, j’ai jamais dis ça. Tu comprends pas que c’est moi le souci dans tout ça ? C’est pas par rapport à toi que j’ai fais ça. Et j’suis désolée si tu penses que je te fou mon bonheur en plein visage c’est pas le cas. » Elle finit par tendre sa main vers elle pour la poser sur la sienne ne sachant pas du tout comment elle allait réagir. « Je te veux dans ma vie, je prendrais pas la fuite cette fois-ci et si je dois passer dix ans à me racheter je le ferais. Je tiens encore à toi, c’est pas parce que je t’ai pas donnée de nouvelle que je t’ai oubliée… »

Tu me connais, je m'énerve pas j'explique répliqua-t-elle en haussant les épaules sans que son regard émeraude n'ait lâché Carter d'une semelle. Son tempérament flamboyant avait toujours fait partie intégrante de son être, mais c'était bien pire depuis tout ce qui lui était arrivé... surtout récemment, enchaîner les trahisons et les galères n'avaient fait que l'endurcir plus encore, si toutefois une telle chose pouvait s'avérer possible. Ceci dit, même si Jo' ne la coupa plus dans son élan, la laissant cette fois aller jusqu'au bout et même poser sa main sur la sienne, elle n'en demeurait pas moins sûre que lui balancer qu'être très heureuse n'était pas bien malin... surtout lorsque l'on constatait le ton glacial de la conversation jusqu'ici. Tu me flanques peut-être pas ton bonheur à la gueule, si tu veux... mais me dire que t'es hyper méga giga heureuse revient au même, nan ? Comprendre par là que plus misérable que l'américaine en se moment, on ne faisait pas. Les relations personnelles la désespéraient, elle parvenait de moins en moins à contrôler cette rage bouillonnante qui vivait en permanence en elle... si bien que la capitaine n'était pas venue se poser tranquillement devant un yaourt glacé pour entendre de telles banalités. Surtout maintenant. Le problème avec toi ma biche c'est que tu penses à la place des autres... j'entends par là - avant que tu me reprennes directos - que tu penses que tu aurais détruit ce qu'il y avait entre nous, que tu aurais forcément fait de la merde... mais hého, j'ai plus cinq ans, je sais me défendre ! Je te l'aurais dit si tu déconnais ! Le pire, c'est que tout aurait très bien pu être parfait mais on le saura jamais parce que pire que de ne pas me faire confiance, tu t'es pas fait confiance et tu NOUS a pas fait confiance reprit-elle d'une voix plus posée mais néanmoins des plus amères. Jo' se mordilla la lèvre inférieure en regardant la main de Carter sur la sienne, sans qu'elle n'ait bougé. L'étudiante Quincy oserait-elle la prendre carrément ? Difficile à dire, et Jo' était presque prête à parier que non. Pourquoi t'as besoin de moi dans ta vie alors que t'as l'autre mec ? Il devrait te suffire, pas vrai ? Je dis pas ça pour chipoter... je veux comprendre ta démarche.

« Déjà je t’ai pas dis que j’étais super heureuse, je t’ai seulement dis que tout allais bien dans ma vie. Il y a une certaine nuance à mes yeux, mais je vais pas faire un débat sur ça. » C’était peut-être pour cela que cette histoire aurait pu marcher entre elles, elles étaient aussi bornées l’une que l’autre, elles se comprenaient assez bien. Puis la Quincy savait parfaitement que la brune aurait pu la mettre à sa place tellement rapidement, qu’avec elle peut-être que son côté destructeur aurait été moins présent. Enfin c’était tellement différent avec elle, ça l’avait été du moins et pourtant elle avait tout gâché en prenant la fuite. Puis il y a eu l’entrée d’une manière bien différente de Dimitri, tout avait changé encore une fois, mais au fond d’elle, elle était plus qu’heureuse de voir Jocelyn devant elle. Elle serait prête à se battre pour l’avoir encore dans sa vie, qu’elle reste cette femme qu’elle avait aimée dans le passé et qu’elle aimerait toujours un peu sauf que son choix était fait. Elle ne retournerait jamais en arrière quoi qu’il puisse se passer. Un grognement sortit de sa bouche, elle avait raison sur toute la ligne et c’était chiant. C’était juste horrible de voir comment elle avait pu la cerner aussi facilement et elle finit simplement par entrelacer ses doigts à ceux de la sœur de son meilleur ami. Qu’importe si ce n’était pas un geste réellement à faire, elle en avait envie. « Je sais… J’aurais pas dû agir comme ça, j’en ai parfaitement conscience. C’est ce que j’ai fais en partant d’Harvard pour rejoindre Max’. Mais je suis comme ça, je sais que je dois changer, mais bon. » Elle haussa simplement les épaules ne préférant pas faire de commentaire sur ce le fait que ça aurait pu être parfait entre eux, elle avait totalement raison et elle se rendait enfin compte. « Pourquoi il devrait me suffire ? Parce qu’on est marié ? » Elle laissait un petit rire sortir de sa bouche, Carter elle était incapable de se suffire simplement de ça. Elle n’était pas la femme d’un homme, qu’une pauvre femme qui devait sourire pour faire plaisir au reste. « Parce que je veux pas me suffire que de lui. Tu comptes pour moi, j’ai été amoureuse de toi pendant un moment donc forcément t’as une place spéciale dans ma vie. Je sais que ça sera pas comme avant, mais on était amies avant tout ça, non ? Je veux juste retrouver ça. » Même si il y aurait cette distance, un peu d’ambiguïté dans tout ça, elle voulait juste retrouver le lien qu’elles avaient eu avant. « Mais encore une fois, si tu le veux pas. Je comprendrais. »

Bah si tout va bien dans ta vie... qu'est-ce qui couille alors ? Comme auparavant, Jo' peinait à suivre la façon de penser de Carter mais ce n'était pas nécessairement pour lui déplaire. L'esprit retors de la capitaine avait besoin de son lot d'énigme pour se sentir utile, et bien dans ses bottes en cuir. Mais ça, l'étudiante Quincy le savait sûrement, lui donnant comme d'habitude du fil à retordre en se compliquant l'existence sans même que la brunette ne comprenne pourquoi. Son interlocutrice avait presque tout pour être heureuse mais cette envie de fuir, de briser les choses la rattrapait immanquablement une fois son bonheur un tant soit peu installé. De son côté, l'américaine pourchassait un bonheur insaisissable, s'épuisant à le chercher sans jamais trouver cette paix qu'elle méritait pourtant comme les autres... tu dois changer mais t'en ressens pas l'envie... pas vrai ? reprit-elle entre deux bouchées de son yaourt glacé, qu'elle dégustait malgré tout sans forcément perdre le contact visuel sur celle qu'elle avait serré délicieusement dans ses bras, un an plus tôt. Mais Carter parvint à lui faire manquer de s'étouffer avec ses propos, mots auxquels Jo' ne s'attendait pas du tout, il fallait l'admettre. Oula tu m'amènes sur un terrain dangereux là ! J'en sais rien, quand t'aime quelqu'un en théorie il te suffit, tu vas pas voir ailleurs nan ? Franchement j'ai l'impression d'être un ovni dans ce bas monde quand j'entends des trucs pareils... La piquante brune la regardait avec de grands yeux ronds, sans comprendre. Depuis quand se mariait-on sans être pleinement satisfait de son couple ? Autant ne pas s'engager, dans ce cas là... rester en couple libre et aller à droite et à gauche, voire même se la jouer club libertin si tel était son truc. Mais passer devant le maire ou à l'église pour un tel résultat, c'en était presque effrayant pour Jo', qui ne croyait définitivement plus ni au couple, ni à l'amour dans son intégralité. J'ai pas dit que je le voulais pas. Mais j'ai eu tellement de merdes à gérer en solo que je me suis habituée à compter que sur mon cul, tu vois. C'est pire qu'avant. Tu me le reprochais déjà alors qu'on était même pas vraiment ensemble au bout du compte, mais c'est pire. Je suis pas sûre de pouvoir te suffire mieux que ton mec. La franchise, toujours la franchise. Pourtant, si on lisait bien entre les lignes, Jo' ne fermait pas la porte, et serrait la main de Carter dans la sienne avec une simplicité flagrante. Certains réflexes ne pouvaient pas mourir...