J’rentrais tard chez moi ce soir là, après la soirée passée au bar avec Willow. Trop tard pour rentrer à la Winthrop House, donc obligé de dormir à la villa familiale. Il était bien trois heures du mat’, et j’étais crevé. J’balançais nonchalamment mes clés sur le bureau, retirais mes fringues et me laissais direct tomber dans mon lit King Size, m’abandonnant aux bras de Morphée.

(…)

La bibliothèque, sérieux? Pourquoi tu voulais que j’aille là-bas, Willow? J’avais l’air d’être le gars à vouloir bouquiner ses cours d’éco à vingt-trois heures? Je traînais les pieds. Ok, j’étais ton pote, et j’t’aiderais à réviser si tu me demandais de le faire, mais franchement, t’avais pas pensé à quelqu’un de plus adéquat pour le job que moi? Veste en cuir sur le dos par dessus un simple t-shirt noir, j’entre donc dans la bibliothèque. Tiens, j’aurais pensé que c’était fermé à cette heure-ci. « Bonsoir Elliot. » Ta voix me fait l’effet d’un coup de jus, des frissons me traversent l’échine. C’était clairement pas approprié au contexte que je m’étais imaginé. Tu voulais savoir ce qui n’était pas approprié non plus? Ta tenue. Ta petite robe rouge qui faisait ressortir ton teint légèrement mat et tes longues boucles brunes. Et j’avais envie de faire demi-tour, de retourner me tasser dans un coin de ma chambre à la Winthrop House parce que je savais que c’était la bonne chose à faire, mais mes pieds s’en foutaient complètement de mon cerveau puisqu’ils m’amenaient jusqu’à toi, face au canapé. « Tu m’as pas amené là pour réviser… j’me trompe? » Non, j’me trompais pas. C’était clair et net. Mais c’était une situation totalement délirante, alors il y avait de quoi se poser des questions.

Non, tu ne m’avais pas amené à la bibliothèque pour étudier. Putain ce que je pouvais être naïf parfois. Mais c’était que je voulais pas croire en mon instinct. J’voulais pas me dire que tu m’avais appelé pour me séduire et me faire dévier du droit chemin. Et j’avais à peine eu le temps d’arriver que ton corps était déjà contre le mien. Je penchais la tête en arrière. Ça m’évitait de te regarder dans les yeux, d’avoir mon visage trop proche du tien, et de respirer de grandes bouffées d’air. « J’suis au courant que pendant cette soirée, tu mourrais d’envie de poser tes mains sur moi. » Je roulais des yeux. « Breaking news. » répliquais-je de façon ironique. En même temps, tu m’avais provoqué toute la soirée, t’avais joué avec mes nerfs et t’étais attirante, un autre que moi aurait réagi pareil, non? Tu posais tes mains sur mes joues, me forçant à redresser la tête, et tu m’offrais un baiser. Un baiser suave, charnel, et surtout défendu. Ok. Je posais mes mains sur tes épaules et te fis reculer d’un pas. « On touche avec les yeux. Comme dans un musée. » J’disais pas ça vraiment pour elle, plutôt comme un rappel à moi-même à voix haute. « C’est pas parce qu’on a envie de faire quelque chose qu’il faut forcément passer à l’acte hein ! » Je gardais mes mains bien fermes sur tes épaules nues de peur que tu t’approches à nouveau. S’il te plait, reste là, et arrête tout ça. Ouvre un bouquin, fous moi dehors, quoi que ce soit tant que ça ne nécessite pas de contact physique entre nous deux.

Je secouais la tête. Non, ton corps ne m’appartenait pas. Bien au contraire. Dans ma tête, il appartenait à Nath. Du moins, dit comme ça c’était bizarre. Il avait mis son droit de véto sur toi, et je ne pouvais pas le trahir. Je ne le ferai pas d’ailleurs. Parce que c’était juste impensable. Alors je te repoussais de mes mains sur tes épaules. Tu reculais donc, et Dieu merci, je croyais pas que ça marcherait, qu’il t’en faudrait aussi peu pour abandonner. « Alors, tu résisterais à… » À? À quoi? Hein? Qu’est-ce que tu fais là? Tu… « Oh bordel. » lâchais-je dans un souffle en me tournant dos à toi, une main sur les yeux comme un gosse pour me forcer à ne pas admirer le spectacle que tu m’offrais. J’aurais du me douter que tu n’avais pas dit ton dernier mot. Loin de là, puisque tu me contournais et venais glisser le bout de tes doigts sur mon torse, comme à ton habitude. Puis, tu allais t’assoir sur la table, bouteille de champagne à la main. Et moi je restais planté là, face à toi, à te détailler du regard. Un regard de braise, certes, mais pour l’instant, mes mains restaient innocentes. « T’as quelque chose à célébrer? » me contentais-je de questionner, en référence à la bouteille que t’avais apporté. Tu croyais quand même pas que j’étais un mec facile?

« Je célèbre notre toute première fois à tous les deux. » Mais…? C’est que t’étais déterminée. Bien plus insistante que notre soirée au bar. Et ton regard là, le regard que tu faisais glisser sur moi de haut en bas, il m’électrisait. Et si tu ne te gênais pas pour le faire, pourquoi pas moi, au final? Alors, je me plantais face à toi — pas trop près, quand même, distance de sécurité — et à mon tour te détaillais de mes yeux azurs. Chacune de tes courbes, tes boucles brunes qui tombaient en une élégante cascade sur ta poitrine, le tissu de tes sous-vêtements qui épousait parfaitement ta peau hâlée, ta taille creusée, tes cuisses galbées. Et le liquide luxueux qui coulait entre tes seins. Comme si j’étais dupe, comme si tu ne l’avais pas fait exprès. « Ouais, dommage… » répliquais-je, presque à voix basse, réduisant la distance que j’avais moi-même instaurée auparavant d’un pas feutré. Toi aussi, tu fis un pas vers moi. Et nous voilà nez à nez, le souffle s’abattant contre les lèvres de l’autre, mes yeux ancrés dans les tiens. Un silence, une tension charnelle balayant la pièce. Et ma main, qui rejoint ta joue, alors que mes lèvres se pressent de rejoindre les tiennes, comme une urgence, comme un besoin. Comme un aveu d’être vaincu, de déposer les armes. Je me rends, t’as gagné.