« Échec. » Le bruit du fou qui bloque son roi le fait sourire. Duncan est joker, elle est sa Harley Quinn. Le feu crépite dans la cheminé, il neige dehors, pire qu'un mauvais film à Hollywood. « Grossière erreur. » Elle le dévisage, doucement, le souffle court, elle se fait tigre en embuscade, il adore ça. « Ah oui pourquoi ? » Elle se penche au dessus du plateau pour lui arracher un baisers brûlant. Il gémit, peu dupe. « Je ne sais pas... tu savais que j'avais croisé ta mère en allant m'acheter des clopes ? » Elle se recule d'un coup, presque sur la défensive, et détourne les yeux une seconde. Lui, il hésite entre jouer, tricher, et la regarder. Imperciblement, il décale sa tour. « Elle m'a pas vu je crois, j'ai pas vraiment vérifié si tu vois ce que je veux dire. » Jenna lâche un rire, discret, retenu et pourtant mauvais. « Elle te fuis comme la peste Duncan. » Son regard bleu glace vrille sur le jeu. Elle est perdue. Dommage... « Encore echec, Duncan, tu es fichu. » Elle est divine quand elle se croit invincible. « Si tu le dis Jen'... Ça fait combien de temps que tu lui as pas parlé ? » Son dernier cavalier happe l'écharde blanche du jeu de Jenna. Elle hausse les sourcils et sert les dents, poussant sa tour vers la gauche du plateau. « Pourquoi tu tiens tant à parler d'elle ? T'es bien le premier gars à vouloir une belle mère... » Duncan éclata de rire franchement cette fois. « Crois moi Jenna, je suis le plus heureux des hommes sans elle. Échec & mat, amour. » Diviser pour mieux régner. Distraire pour mieux gagner, au fond, c'est la même chose. Il est le maître incontesté, Jenna a perdu.  


C'est quand on perd quelque chose qu'on se rend véritablement compte de sa valeur. « Elle va se réveiller. Elle se réveillera un jour ? » Duncan est brûlant de rage, de haine, de culpabilité, de colère, brûlant de vengeance. Le médecin à l'air si... incompétent. Il hésite, fait craquer ses stylos, fuit son regard. « Écoutez monsieur, on ne peut pas se prononcer actuellement sur son état. Elle a eu un choc des plus graves. » Ah bien ça, dix ans d'études pour comprendre qu'un accident de voiture ça pouvait être grave. « Comment ça vous savez pas ? MERDE, J'VEUX SAVOIR SI ELLE VA S'EN SORTIR ! » Le service semble s'arrêter, de pétrifier, le bruit s'éteint comme lors d'une coupure de courant. « Monsieur, je vous prie de vous calmer. Mademoiselle Wheeler est dans le comas elle peut se réveiller à tout instant et une équipe la veille jours et nuits. Cela ne dépend plus de nous désormais. » Duncan se retourne, passant une main sur son visage tiré, torturé. Jenna est à l'hôpital, brisée comme une poupée cassée sous les coups d'une petite fille énervée. Elle semble dormir, paisible, même si les fils et les machines sortant de ses bras ou de sa bouche la rendent terrifiante. « Jenn'... » Sa vie ne dépendait plus d'eux désormais. Mais de quoi elle dépendait sa vie alors ? Y'a pas de dieu ici bas, juste des connards bourrés sur les routes le soir. « J'EN AI RIEN À FOUTRE DE VOTRE PUTAIN D'ÉQUIPE ! MEC, SI ELLE MEURT, J'TE TUE ! » Il a l'air fou Duncan, le visage décoloré. Ses poings tiennent le col de la cravate du médecin. Il le soulève presque, il se contient plus. Y'a une alarme rouge qui s'éclaire mais il ne la vois même pas Can, pas plus qu'il n'entend les portes du services qui claquent et trois immenses vigiles qui viennent lui prendre les bras et lui bloquent la tête. Les enfoirés ils ont appelés la sécurité. Duncan s'est fait jeté dehors comme un vulgaire déchet, les larmes restent bloquées dans sa gorge, prêtes à l'éttoufer...

Il a bu ce soir là, et on l'a vu perdu, dans les rues d'Anchorage, en tee shirt par moins vingt cinq degrés. Il a dormis dans la rues, adossé contre un mur, digne d'un moins que rien. Jenna était dans le comas, sa vie n'avait plus de sens, Harvard n'avait plus de sens. « Échec & mat. Again. »  


« Monsieur Harper, nous avons beau aimer profondément nos élèves ainsi que ce qu'ils peuvent apporter à cette université, nous avons un problème avec vous. Il va falloir remettre les choses. au. clair. » Son ton arctique claque comme un coup de fouet sur sa nuque biaisée par le regard froid. Il n'est rien ici Duncan, et il le sait. « Harvard est une université de l'excellence, et, comme vous le savez, seul les plus brillants et par conséquent méritants élèves peuvent prétendre à nos bourse. Vous faites partie de ces élèves Duncan, du moins, vous en faisiez partie... » Dans les prunelles du brun, c'est la panique. Pas l'argent, non, sans ces aides, il ne peut plus être à Harvard, et retourner a Anchorage est au dessus de ses forces. « Vous avez bien évidement de solides arguments à m'apporter quand au fait de vos absences répétées ainsi  qu'a vos derniers examens, les résultats montrent sept notes en dessous de la moyenne. Sept. » Duncan bégaye, perdu. Sept, c'était mauvais, pitoyable. Qu'aurai dit Jenn'... « Elle a été débranchée la semaine dernière, Jenna Wheeler est morte monsieur, les absences n'ont plus lieu d'être. » L'atmosphère à disparu dans ce bureau, c'est à peine si on pourrait respirer tant l'air est lourd, et tendu.« Toutes mes condoléances Mr Harper, nous perdons une merveilleuse élève ainsi qu'une merveilleuse jeune femme. » Sa soeur l'avait débranchée ce jeudi, banal jour de semaine devenu cauchemar. Son coma restait insuportable, son état se détériorant toujours plus. La voir sans ses machines, belle et pâle, ça lui avait fait un choc à Duncan. Plus encore que l'enterrement de hier, une cérémonie minuscule affrontée sous le regard noir des membres de la famille de Jenna. De sa Jenna... Et ce doyen, cet enfoir*** qui la pleurait sans la connaître. « Oui. Et j'suis désolé monsieur, mes notes remonteront. Je peux m'en aller ? » Il ne supportait plus la pièce, empreint d'une grosse crise de claustrophobie. Il ne savait pas si ses notes pourraient redevenir décentes, mais pour Jenna, pour le rêve d'une gosse d'Alaska, il se battrait. Un peu. D'un signe de tête du doyen, il se leva de sa chaise avant d'arriver à la porte close. Deverouilant la poignée, c'est la voix de vieil homme qui le paralysa une dernière fois. « Duncan, ne gâchez pas votre talent. C'est trop rare des gens comme vo... » La porte claqua violemment avant la fin de sa réplique, si prévisible. Duncan, danseur sans filet sur ce fil rouge qu'on appelle communément, l I m I t e.