De savoir que Malicia est de passage en ville, ça me fait vraiment plaisir. J'aurais aimé qu'elle continue sa vie, ici, à Boston ou Cambridge, comme avant, mais de ce que j'ai compris, l'appel du monde et de l'inconnu est trop grand encore pour qu'elle y renonce et s'ancre à un port. Pour le coup, je profiterai simplement de son escale.

Payant le chauffeur, je m'extirpe du taxi que j'ai pris pour faire plus rapide que le bus ou mon skatebord. Ce n'est pas si loin entre ici et la Lowell, mais quand même, ça fait longtemps et j'ai pas trop envie de la faire attendre. Passant les portes du Drink, je ne mets pas longtemps avant avant d'entendre cette voix que je connais bien. Un large sourire aux lèvres, je m'approche du bar derrière lequel elle s'affaire. M'y accoudant, je m'étire légèrement pour lui flanquer une bise.

- Merci de l'invitation! Souris-je. T'as l'air en pleine forme! Constatais-je. Tout ce passe bien ici pour toi?

Un instant, mon cerveau devient vide avant d'assimiler ce qu'elle vient de me dire et de poser les bons liens sur les bonnes personnes. Lison : la petite fille malade qu'elle espère soigner à Boston. Jenny : sa soeur. Ne pas inverser les deux. Moi et ma mémoire des noms au format poisson rouge!

- Le coeur sur la main, fis-je en souriant doucement. J'espère aussi qu'elle ira mieux. Les enfants, ça ne devrait pas souffrir, commentais-je tristement.

Après, je veux bien qu'être malade fait partie de l'évolution du corps et que c'est comme ça qu'on se bâtit un système immunitaire. Mais ça c'est pour les virus de faible envergure. Pas des trucs qui vous ravagent sans qu'on arrive exactement à définir ce qu'ils sont. J'espère que les médecins de Boston sauront quoi faire.

- Tu m'as dit pour Lison, mais de ton côté, ça donne quoi? Pas trop étrange d'être en ville à nouveau? La questionnais-je.

Après quelques mois loin d'ici pour se recentrer, qu'est-ce que ça lui fait? J'ai passé l'été à quelques états d'ici et j'ai l'impression que mon départ date de tellement loin. Alors, Malicia...?

Sans surprise, elle acquiesce à ma question, à savoir que ça fait étrange d’être à nouveau à Boston. Est-ce que ça le serait plus si elle était à nouveau sur le campus? Probablement. Très étonné, cependant, lorsqu’elle me dit que rien ne la retient ici, je ne peux retenir mon air surpris. Mon regard s’adoucissant ensuite, je l’observe quelques secondes tandis qu’elle ajoute avoir vu Brent. Et lui? Il n’est pas une raison pour rester?

- Tu sais ce qui est le mieux pour toi, hochais-je avec un sourire doux. Ça me fera toujours plaisir de te voir, mais si tu es mieux à parcourir le monde on a vu que les lettres se rendaient bien et le courriel c’est la même chose, accordais-je. Comment ça s’est passé avec Brent?

Ça fait un moment que je ne l’ai pas vu, je l’ai bien croiser à la soirée Halloween des Lowells, mais j’ai fini la soirée …avec quelqu’un d’autres, disons. Alors, notre dernière grosse conversation date de la rentrée peut-être. Mais c’est souvent ça entre nous et ça empêchent rien.

- Je crois pas me tromper en disant que, malgré que tu te lances dans un tour du monde, en quelque sorte, chaque fois que tu seras de retour, ça te fera étrange, Mali. Mais y’aurait probablement toujours des gens qui seront heureux de te voir et de pouvoir passer du temps avec toi, souris-je. Contempler le papillon pour voir si ses couleurs ont changées, fis-je de manière plus poétique.

Je ne suis pas le seul contact qu’elle aie ici après tout, même si je ne les connais pas tous et loin de là. J’en connais aussi que je n’apprécie pas particulièrement, mais tant qu’elle n’a pas de problèmes avec, ça va. De l’autre côté, en amis communs, y’a Brent. M’enfin, ami dans mon cas, dans le sien… je ne sais pas trop comment ça va entre eux puisqu’elle est de passage. La questionnant sur sa rencontre avec lui d’ailleurs, j’en hausse un sourcil aux termes utilisés. « Personnes civilisés » ? Heu… À ce point?

- T’auras ça de mieux que moi, marmonnais-je avant de secouer imperceptiblement la tête et de sourire à nouveau. Tu me rassures pour la vaisselle et les cris, accordais-je sur le ton de la plaisanterie. Y’a toujours une part de votre complicité qui est resté, j’imagine, tentais-je. Ou c'est en partie pourquoi tu m'as écrit "y'en aura au moins un qui sera content de me voir"? Questionnais-je.

C’est un peu une façon de me rassurer sur la relation de mes amis, puisque, pour moi, « deux personnes civilisées » c’est très froid comme ambiance, alors je veux simplement m’assurer qu’ils vont bien, même si c’est chacun de leur côtés.

Surpris de son initiative, je ne bronche pas lorsque Malicia dépose un baiser sur ma joue. Je n’ai pas le souvenir d’une telle marque d’affection de sa part de par le passé, mais je n’ai rien contre. Elle s’est peut-être un peu plus ennuyé qu’elle ne veut réellement le dire ou qu’elle ne le ressent même réellement. Moi, ça me fait sourire.

Je perds cependant ce sourire et il se transforme même en une légère grimace de contrariété lorsqu’elle m’explique qui n’a pas démontrer un grand intérêt à son retour : les Eliots. J’en secoue la tête, découragé, à ses explications.

- Ils ne sont pas tous comme ça sans exception, je veux dire, t’as fait partie de leur maison et j’en connais quelques autres, mais je reconnais que je ne me risquerait pas à me blesser devant certains parce que je pourrais attendre longtemps avant d’avoir de l’aide, admis-je avec un triste sourire.

Ce ne sont pas tous les bleus qui sont comme ça, mais je suis obligé de dire que cette maison renferme plusieurs personnes que je n’aimerais pas côtoyer au quotidien, question d’éviter la friction de caractère. Alors encore heureux que ma filière n’en attire pas tant!

Le sujet dérivant sur Brent, je suis étonné et peiné aussi de savoir que c’est pas la joie entre lui et Malicia. Je les aimes bien tous les deux, ensemble ou séparément, mais ça me peine de savoir que la partie “ensemble” n’existera plus. Je sais pas, il avait l’air tellement heureux les derniers temps.

- Je ne sais pas ce que ça donnera et... je suis pas vraiment placé pour te donner des conseils là-dessus, fis-je en détournant le regard un instant pour ne pas capter le siens.

Après tout, j’évite Jaysaël depuis que je suis revenu : je ne passes pas par les départements ou je risque de le croiser, je n’ai plus mis les pieds sur la rue de son appartement depuis… que je suis parti et je passe rarement devant la Winthrop House, faisant parfois des détours pour rentrer. Alors est-ce que je peux vraiment donner le moindre conseil à Malicia sur comment elle pourrait agir avec Brent? Ma dernière conversation téléphonique avec Saël m’a bien fait comprendre que je l’avais démoli en partant sans crier gare et en mettant du temps à redonner des nouvelles, à peut-être moins grande échelle, c’est possiblement le cas de mes deux amis. Étouffant un soupir, je regarde à nouveau la brunette qui est de retour.

- Sauf que tu peux pas t’en vouloir ad vitam aeternam pour être partie Mali, ajoutais-je doucement. C’est pas bon, pour lui, mais pour toi aussi. On vit avec notre parcours, mais peut-être une possibilité pour que tout ne soit pas abandonné, malgré ce qui s'est passé.

Laissant un petit rire sortir, je secoue la tête.

- Pardon, je suis un peu amer, m’excusais-je en souriant à nouveau. Mais si y’a de quoi que je peux faire, hésite pas, lui assurais-je. Même si c’est seulement être là pour t’écouter.