Les yeux fermés, Sloan avait fini par s'endormir dans ce fauteuil d'hôpital. Il avait succombé aux bras de Morphée sur les coups des six heures du matin. Suzy était revenue dans la chambre plus tôt dans la nuit et semblait dormir à poings fermés. L'Eliot avait vu une infirmière qui lui avait expliqué toute la situation. Elle l'avait perdue. Le silence régnait en maître dans cette chambre d'hôpital. Prit dans un énième cauchemar, Sloan se réveilla en sursaut. Ses yeux vinrent s'ouvrir brusquement, il revint à lui et se replaça dans le contexte. Il leva les yeux vers l'horloge qui indiquait sept heures. Il avait donc dormi à peine une heure. Son regard se reporta ensuite sur la belle brune allongée sur ce lit froid et morose. Il posa ses mains sur son visage et se frotta les yeux en essayant de ne pas songer à toute cette histoire. Il inspira longuement et se leva pour s'approcher de Suzy. Il vint déglutir en voyant la perfusion branchée à son bras, il n'aimait pas ça du tout. Sloan était en peine, les traits de son visage étaient comme figés. La nuit fut rude en émotion pour lui, il fit deux crises de bipolarité et avait cru perdre la femme qu'il aimait. Il posa sa main bouillante dans les cheveux de la brunette qu'il vint caresser délicatement. Il inspira longuement. Cette histoire de grossesse avait été beaucoup trop loin, à cause de lui. L'Eliot avait passé la nuit à réfléchir dans ce putain de fauteuil, il s'était rendu compte de la pression qu'il lui avait mis. Qui pourrait comprendre sa décision de vouloir de cette grossesse pour ensuite lui demander d'abandonner le bébé. Personne ne pouvait admettre une telle chose. Il s'était montré égoïste et odieux avec Suzy et malheureusement, il s'en était rendu compte bien trop tard.

Beaucoup de sang a été perdu. Ton corps a brutalement rejeté l'embryon, cette petite crevette qui ne grandissait maintenant plus dans ton ventre depuis moins de 24 heures. Tu n'as rien pu entendre, de l'échange entre les médecins qui te prenaient en charge. Après avoir perdue connaissance dans la salle d'attente, tu ne te rappelles que des lumières phosphorescentes dans tes rétines, de ton inconfort sur la civière et de la voix de Lily en pleurs. Plusieurs heures s'est écoulé entre ton dernier souvenir et maintenant. Tu dors, jusqu'à 7:26. En sursaut, t'ouvres finalement les yeux et la douleur redeviens vive. Ça te prends quelques minutes avant de comprendre où tu es, à te replonger dans le bain. Dans le putain de bain. Lorsque tu reprends pleinement tes esprits, tu te mets tout simplement à pleurer. Mais lorsque tu remarques la présence de Sloan, ton souffle coupe net, ton regard se remplis de peur. Lily a dû le mettre au courant et c'est pour ça qu'il est là... Tu avales difficilement ta salive et remonte un peu les couvertures en ne le quittant pas des yeux. Il doit tellement t'en vouloir, il doit penser que t'es la pire des mères qui puisse exister. D'abord t'essaie de lui enlever son enfant et maintenant, tu n'arrives même pas à le garder saint et sauf jusqu'à l'avortement ? Comment pourrait-il te pardonner ? Ou pire, vouloir des enfants un jour ? Tu ne sais même pas où commencer tes excuses, t'as l'impression que rien que tu puisses dire, ne puisse t'excuser. Toi qui a sauvée la vie de Camila hier soir, maintenant, tu as plutôt l'impression d'avoir fait un sacrifice.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, Sloan semblait être calme et paisible. Il stressait toujours autant à l'intérieur de lui mais arborait un comportement des plus serein. Il resta là, quelques minutes, à caresser les cheveux de sa belle et à veiller sur elle. Suzy dormait à poings fermés, il ne voulait surtout pas la réveiller, elle avait besoin de se reposer et de reprendre des forces. En voyant qu'elle n'ouvrait pas les yeux, il sortit de la chambre pour aller se chercher un café à l'autre bout du couloir. Le visage fermé et meurtris, il se traîna jusqu'à la machine où il prit un café court et serré, histoire de reprendre ses esprits. Une fois la boisson bouillante dans les mains, il retourna dans la chambre et entra dans la plus grande des discrétions. Suzy n'avait pas bougé d'un centimètre. L'Eliot s'approcha de la fenêtre et regarda dehors pour déguster son café qui avait un goût amère. Il avait consommé beaucoup de drogue la vieille et il peinait à reprendre ses esprits. Il pencha sa tête vers l'arrière pour terminer son café avant de se retourner pour aller le jeter. Mais à ce moment-là, il croisa avec stupeur le regard de sa belle. Sloan s'approcha d'elle et posa son gobelet vide sur la table de chevet. Il lui afficha un mince sourire malgré la lourdeur soudaine de l'atmosphère. « Salut mon coeur. » murmura-t-il pour ne pas la brusquer. Sloan vint jusqu'au lit où il prit sa main pour déposer un chaste baiser sur la paume. « Comment tu te sens ? Est ce que ... tu te souviens de ce qu'il s'est passé hier soir ? » lui demanda-t-il d'une voix douce et extrêmement calme. Il avait vidé son stock de rage hier soir.

Sloan te sourit, mais ton regard est froid. T'as peur. T'as peur qu'il se fâche, qu'il te fasse une crise incontrôlable... et tu le sais, que t'auras pas la force de te défendre. C'est de ta faute, t'aurais dû rester à la maison ou du moins, dans un lieu plus calme qu'au bar. Salut mon cœur. Murmure-t-il. Tu avales ta salive et te redresse un peu dans ton lit. Tu ne lui réponds pas, tu ne peux pas. T'as pas envie de parler, t'as pas envie de l'affronter. Mais quand il s'approche de toi, il te prend la main et l'embrasse délicatement. Il est si... calme. C'est presque bizarre, tu ne comprends pas trop. Est-ce que tu l'as perdu ? Ou est-ce qu'ils ont réussis à le sauver ?
Comment tu te sens ? Est ce que ... tu te souviens de ce qu'il s'est passé hier soir ? Tu hoches la tête positivement, les yeux à nouveau plein d'eau. Tu serres un peu ta main dans la sienne, le cœur au bord des lèvres. En essayant de bouger ton autre bras, tu sens les perfusions t'empêcher de bouger trop. Tu le regarde donc rapidement avant de reporter ton attention vers ton homme. Tu voudrais lui demander, si le bébé est encore là, mais tu n'oses pas. Lily Tu passes ta langue entre tes dents. C'est Lily qui t'as... ? Tu le regardes, t'attends une réponse. Tu sais que Lily lui parle plus dernièrement, qu'elle te parle. Tu ne douterais pas qu'elle lui ait déjà tout dit.

Les yeux rivés sur elle, Sloan était content de la voir revenir à la vie. Ils devaient avoir beaucoup de choses à se dire. Il afficha un mince sourire en restant le plus calme possible. Suzy avait le regard vide, triste et douloureux. Elle semblait encore sous le choc et cela était amplement compréhensible. Il caressait la paume de sa main à l'aide de son pouce pour essayer de l'apaiser. L'Eliot voulait être son unique repère, il voulait que sa présence la rassure, ne serait-ce qu'un tout petit peu. La brunette prit faiblement la parole. Lorsque le nom de Lily sortit de sa bouche, il cru tout d'abord qu'elle voulait voir sa cousine. Mais quand elle termina sa phrase, il comprit où elle voulait en venir. « Oui c'est Lily qui m'a prévenu, j'ai passé la nuit à veiller sur toi. » répondit-il, toujours très calmement. Sloan ne voulait pas la brusquer ou la bousculer, cela devait être assez dur comme ça. Il inspira longuement avant de reprendre la parole. « J'ai parlé avec l'infirmière tout à l'heure ... » Son coeur battait à la chamade dans sa poitrine. Il ne savait pas comment lui dire, si elle était au courant ou si elle le ressentait. « C'est fini bébé. » finit-il par dire. Sloan prit la main de Suzy dans ses deux mains et les rapprocha de son torse.

Y'a rien de clair, là. Tu te réveilles après la panique d'hier... et t'as tellement de questions. Comment est-ce que t'es censée de te sentir ? Est-ce que le bébé est encore là ? Camila ? Est-ce qu'elle a survécu ? Tu ne sais pas, tu te sens à l'ouest, comme si tu t'étais endormie pendant un film en fait. Le pouce de Sloan qui te caresse le creux de la main te ramène à tes esprits, tu lui demandes si c'est Lily qui l'a contacté. Oui c'est Lily qui m'a prévenu, j'ai passé la nuit à veiller sur toi. Donc... naturellement, il est au courant de tout. Voilà la vague d'émotions qui arrive. Tu lèves les yeux pour les retenir. Tu ne dois pas pleurer, ce serait hypocrite. T'allais avorter, t'allais le perdre de toute façon. T'es pas en droit de pleurer, t'as pas l'droit de lui faire ça après qu'il se soit autant battu pour que tu ne le tues pas. J'ai parlé avec l'infirmière tout à l'heure ... Dit-il, après un long soupir. Tu sens ta lèvre inférieure trembler, mais tu réussis à te retenir.
C'est fini bébé. T'as pas besoin de l'entendre, tu le sais... Tu l'as deviné. C'est pas vraiment le fait de l'avoir senti, mais le fait que t'avais le sentiment que c'était trop tard, après avoir autant saignée. Il attrape ta main et l'approche plus près de lui, de son torse. Tu te pinces les lèvres, inspire et expire longuement. Je sais .. Tu n'étais pas prête, il faut que tu te rendes à l'évidence. Tu avais encore quelques jours pour te préparer à l'avortement, quelques jours pour changer d'avis si tu le voulais. On t'a retiré ce choix et le mot "désagréable" est juste pas assez fort pour décrire la situation. Sauf que tu te sens coupable de te sentir comme ça. Je .. je suis désolée .. j'aurais dû faire plus attention, je .. Tu ne sais pas quoi lui dire, tu veux te faire pardonner mais tu ne sais même pas comment. Parce que tu ne te pardonneras pas toi-même.

L'atmosphère était lourde et l'air étouffant. Sloan ne savait pas trop comment appréhender cette annonce, cette nouvelle. Il ignorait si elle était au courant et comment elle vivait la perte du bébé. Certes les deux étudiants avaient décidés d'avorter mais la perte était soudaine et brutale. Il savait que Suzy était forte mais jusqu'à quel point ? Le corps de la brunette avait souffert par sa faute et ça, il avait énormément de mal à se le pardonner. Alors, pour amortir la bombe, il vint choisir soigneusement ses mots pour éviter d'être trop brutal. Même si la réalité était belle et bien présence. Elle l'avait perdue. Elle répondit un faible je sais, avant de s'excuser. « Eh Suzy, t'as pas à t'excuser ... » répondit-il faiblement. L'Eliot s'approcha encore un peu plus du lit et fit léger un mouvement de tête. « Décale un peu stp. » lui demanda-t-il avant de venir poser ses fesses sur le rebord du lit. Sloan se tourna vers elle, c'était nettement plus pratique pour discuter. « Ecoute, j'sais pas trop ce qu'il s'est passé avec ta copine mais tu n'as rien et c'est tout ce que je vois. Si le bébé n'a pas tenu c'est qu'il ne devait pas tenir. On était pas prêt, ce n'était pas le moment pour nous d'être parents ... C'est un mal pour un bien. » Il caressa sa joue et afficha un faible sourire. « J'veux pas que tu t'en veuilles ... Si y'a bien l'un de nous qui a mal agis, c'est moi. » Pour la première fois, il ne l'appelait plus le truc mais le bébé.

Oui, tu le sais. Tu as bien senti que tu l'avais perdu, en fait, t'aurais été vraiment étonnée qu'il ne soit pas partie. Eh Suzy, t'as pas à t'excuser ... Te répond-il, à voix basse. Tu n'ajoutes rien, t'es un peu perturbée en fait... Sloan est calme, trop calme. Il a prit de la médication ou quoi ? Décale un peu stp. Dit-il, en t'indiquant de te tasser avec un petit coup de menton. Tu te bouges comme tu le peux et il s'assoit près de toi. Vous êtes près l'un de l'autre comme ça et même s'il te fait peur, sa présence est réconfortante...
Ecoute, j'sais pas trop ce qu'il s'est passé avec ta copine mais tu n'as rien et c'est tout ce que je vois. Si le bébé n'a pas tenu c'est qu'il ne devait pas tenir. On était pas prêt, ce n'était pas le moment pour nous d'être parents ... C'est un mal pour un bien. Il te caresse la joue et tu te racles la gorge.
C'est pas ma copine... Tu ne connais pas Camila, vous étiez là toutes les deux, mais pas ensemble. J'veux pas que tu t'en veuilles ... Si y'a bien l'un de nous qui a mal agis, c'est moi. Tu hoches négativement la tête. En fait, tu comprends que Sloan culpabilise aussi et t'es peut-être un peu stupide de croire qu'il t'engueulerait. Alors tu penses que .. la raison qu'on l'a perdu .. c'est un signe ? Tu fixes vos mains enlacés, en fuyant son regard. Peut-être .. Tu hausses les épaules. Mais y'a rien qui est de ta faute. Tu voulais le garder .. Tu voulais nous donner une chance .. depuis le début Et ça te fait vraiment trop bizarre de te dire que c'est toi, qui n'était vraiment pas prête. Tu tournes la tête vers Sloan, les lèvres pincées. Tu te perds dans son regard, alors que quelques secondes plus tôt tu le niais. Et moi j'ai changé d'avis trop tard. Les rendez-vous étaient tous pris, les nuits d'insomnies à stresser étaient déjà toutes passées et tu étais assez stupide pour sortir dans les bars. Puis depuis combien de temps est-ce que t'es enceinte ? Depuis combien de temps est-ce que tu bois et fumes en ne sachant rien ? T'as l'impression d'avoir tout fait de travers, que même si tu aurais voulu le garder, tôt ou tard cet enfant aurait des problèmes... De génétique ou de santé. T'as comme l'impression que la tragédie était inévitable.

Ce n'était pas sa copine ? Sloan haussa les épaules, ne comprenant pas trop où elle voulait en venir. Suzy lui avait dit qu'elle allait voir des amies. Si ça se trouve, elle faisait carrément autre chose. Non. Ce n'était pas le moment de se poser des questions sur ce genre de chose. « Peu importe qui elle est. » Finalement, cela n'avait aucune importance. Le principal était l'état de santé de sa copine et le fait qu'elle lui pardonne son comportement odieux avec lui. Suzy lui demanda alors s'il pensait que c'était un signe ou non. « Je pense que si on l'a perdu c'est qu'il y a une raison oui, pas toi ? » lui retourna-t-il la question. Mais contre toute attente, la brunette vint rejeter la faute sur elle-même, comme si elle était la seule fautive dans l'histoire. Il la regarda en fronçant les sourcils, ne comprenant pas vraiment ce qu'il se passait. Suzy lui faisait de la peine, elle semblait dévastée par toute cette histoire. « Non bébé, j'peux pas te laisser dire ça, ce n'est pas vrai. Je voulais que tu vive ta grossesse à terme pour qu'après on puisse confier le petit ou la petite, à une vraie famille. Il n'a jamais été question de garder le bébé, donc tu vois, c'est pire qu'un avortement finalement. Surtout avec le passé que tu as eu, j'suis personne pour vouloir te faire endurer ça. Nous n'étions pas prêt, c'est un mal pour un bien. On a encore quelques années pour le vouloir tous les deux. Et quand on sera prêt, on prendra notre revanche sur ce raté. » Il posa son autre main libre au niveau de son ventre, au dessus du fin drap. « T'as mal ? Tu veux boire quelque chose peut-être ? » lui demanda-t-il afin de s'assurer qu'elle allait bien.

C'est vrai qu'au final, on s'en fou. On s'en fou de qui elle est, si c'est ta pote ou pas. Mais tu ne sais pas pourquoi, tu as ressenti le besoin de nier qu'elle était ton amie. Peut-être cette histoire avec Lenny, bref... Tu lui demandes s'il pense vraiment que c'est un signe, ce à quoi il te répond : Je pense que si on l'a perdu c'est qu'il y a une raison oui, pas toi ? Tu fixes vos mains, hausses les épaules. Peut-être. Vous ne l'étiez pas, cet enfant vous détruisait, émiettait votre relation entre tout petit morceau... et ça devenait difficile de les ramasser sans se couper. Il a peut-être raison, mais tu refuses quand même de lui rejeter la faute dessus. Non bébé, j'peux pas te laisser dire ça, ce n'est pas vrai. Je voulais que tu vive ta grossesse à terme qu'après on puisse confier le petit ou la petite, à une vraie famille. Il n'a jamais été question de garder le bébé, donc tu vois, c'est pire qu'un avortement finalement. Tu déglutis, rabaisse ton regard à vos mains de nouveau. Surtout avec le passé que tu as eu, j'suis personne pour vouloir te faire endurer ça. Nous n'étions pas prêt, c'est un mal pour un bien. On a encore quelques années pour le vouloir tous les deux. Et quand on sera prêt, on prendra notre revanche sur ce raté. Sloan parle de ta vie comme s'il était un enfer... sauf que non. Ton adoption est, sera toujours, l'un des meilleurs moments de ta vie. Tu adores être adoptée, tu adores les Underwood... Tu as mal parce que justement, tu n'en est pas une vrai... C'est bien ça le problème. Le regard mouillé, tu relèves tes yeux vers Sloan en hochant la tête. Il a raison. Vaut mieux vivre ça maintenant, pour reprendre une grossesse normal plus tard, quand vous serez prêt. Mais tu tenais quand même à rectifier un peu ce qu'il pense de toi : J'suis pas contre l'adoption, tu sais .. Tu replaces l'une de tes mèches de cheveux derrière ton oreille. T'étais juste pas à l'aise à l'idée que ton enfant puisse être mieux ailleurs, qu'avec vous deux... C'est égoïste, non ? T'as mal ? Tu veux boire quelque chose peut-être ? Dit-il, la main sur ton ventre. Tu hoches négativement la tête. Non, ça va... Mais je ne dirais pas non à sortir d'ici. Est-ce que je sors aujourd'hui ? Tu serres un peu ta main contre la sienne et finalement, tu te laisses défroisser. Ton pouce caresse le dos de sa main à ton tour, tu as besoin de le sentir près de toi.