Un soulagement. C'est vraiment agréable qu'il accepte de vouloir risquer son image pour moi. Parce qu'il risque de se faire prendre, il risque gros en réalisant mon idiote d'idée. Et pourtant, il accepte. Il aurait pu rester rancunier, venir sur ce bateau, accepter ma demande de nous retrouver pour se foutre encore plus de ma gueule et me balancer un "non" en pleine tronche. Il aurait pu, mais il ne l'a pas fait. Je lui suis déjà redevable, même s'il appuie sur le fait que je devrais plutôt le remercier quand l'action aura été menée. Mais j'explose, trop heureuse qu'il me dise oui. Et je fonce dans ses bras, pleine de joie et de reconnaissance. Sa chaleur me fait du bien, peut être autant que sa réponse. Et je sens ses bras entourer de nouveau mon corps froid. On dirait une morte, la peau marbrée par la morsure de l'eau gelée, mes veines préférant alimenter mes organes nobles. Mon nez cherche le réconfort de la peau de son cou alors que j'inspire cette odeur déjà connue. Sa voix brise le silence de la mer. Je ne sais pas s'il y a de la nourriture en bas. Sans avoir le temps de répondre, je me retrouve soulevée, princesse fragile entre ses bras. Je me rends juste compte que je ne sens absolument plus mes orteils, et que mes doigts semblent se brûler au contact de la peau de sa nuque. La douleur me fait descendre les mains sur le col de son pull : éviter la brûlure à tout prix. Ma joue rouge reste contre le cou, appréciant bien trop son contact. Je ne sais pas ce qu'il me prend. Je devrais couper tout rapprochement mais je le laisse faire et me déplacer à sa guise. J'ai bien trop froid pour réfléchir correctement. Il descend dans la cabine, je le sens juste aux tressautements de mon corps quand il prend les marches. "Fais comme chez toi." Dis je en claquant des dents et sans ouvrir les yeux. Je te laisse le contrôle.

C'est une espèce de vengeance, qui s'est exprimée. Ou juste ce sentiment malsain de la provocation, en réponse à la blessure que tu avais infligée à l'égo. Il est fragile, il se brise facilement cet ego. Il est flamboyant à la lumière du jour, mais bien moins brillant quand on le regarde de plus près. Maintenant, c'est la culpabilité qui gagne. Elle n'est pas bien plus agréable. Je te sens tremblante, et le vent extérieur n'a pas du aider,  soufflant sur le reste d'eau de ta peau, recouvrant cette dernière d'une fine couverture de glace. Je t'enlève de cette nuit qui tombe, pour nous confronter à la lumière de la cabine. Descend les marches, arrive dans cet espèce de petit salon. Dépose délicatement la belle aux yeux clos sur une banquette. « T'auras le droit de dire que je suis toujours aussi con. » Qu'il souligne sa bouche d'un sourire fin, la voix chuchotée quand il est encore penchée sur elle. Je t'assure, j't'en voudrais pas. J'me doute que c'est déjà un peu ce qui devait se conter, quand on te parlait de moi. Un con, pas si méchant que ça. Mon pull s'ôte, la peau toujours couverte d'un tee-shirt blanc. « Tu vas me faire le plaisir d'enfiler ça. » Lui tend le tissu. « J'te conseillerai d'enlever tout ce qui est encore trempé.. enfin, c'que tu peux. » C'qui est caché par mon pull, quoi, remercie mon mètre 80, c'est pas du XS. Promis, c'est même pas pour finir de te déshabiller. Et l'homme se tourne et ouvre tous les placards, à la recherche d'un truc qui pourrait les nourrir, et, si possible, un truc chaud pour la frigorifiée.

Je me laisse faire. J'ai tout abandonné ce soir, j'ai obéis, j'ai sauté dans l'eau et voilà que maintenant je suis frigorifiée dans ses bras. Le vent ne frappe plus ma peau nu et encore humide. Je découvre la plus douce fraîcheur de la cabine et le confort de la banquette sur laquelle il me pose. Claque des dents. Je n'arrive plus à empêcher ma mâchoire de faire ce qu'elle décide. « Tu es toujours aussi con. » Dans un souffle court, entre le bruit des dents et le vent qui souffle dehors. J'ai le droit de le dire, c'est toi qui l'autorise. Ce n'est pas qu'il a été con dans le passé, ce sont surtout ses mensonges qui m'ont gênés. Je n'avais pas grand chose à lui reprocher en fait. Sauf ça. Et c'était déjà trop pour moi. Comme un poids trop lourd à porter. La perte de confiance en l'autre, c'est ce qu'il y a de pire. Je m'enroule autour de mes jambes alors que j'entends un bruit de tissus, puis le pull marin s'approche de moi. Je ne me fais pas prier, enfile le pull en vitesse avant de m'asseoir en tailleur. Les doigts gelés contre la peau de mon dos, je détache mon soutien gorge encore trempé. Les doigts bougent après sous une manche, retire une bretelle, puis l'autre avant de le poser au sol dans un bruit humide. Je garde ma culotte, me permettant d'humidifier le canapé alors que mes genoux se faufilent sous le pull, contre ma poitrine nue pour essayer de réchauffer une plus grande partie de mon corps. Mes bras s'enroulent autour de mes jambes, les doigts au fond dans les manches que je referme au bout de l'intérieur. Le nez enfouit dans le col, je respire encore son odeur, les yeux fermés. Je l'entends fouiner dans les placards. « Il ne doit pas y avoir grand chose... » J'ai envie de lui balancer qu'il est vraiment con de m'avoir demandé de sauter à l'eau, que sa vengeance était puérile et qu'on aurait pu régler ça autrement. Mais je suis celle qui demande de l'aide, accessoirement... « J'ai cru voir une bouilloire tout à l'heure en t'attendant, au fond à gauche. » Le bras levé pour indiquer le lieu, sans ouvrir les yeux, sans sortir les doigts des manches.

L'insulte me fait marrer, tout du moins, un large sourire sur mes lèvres. Y a pas de problème, je te l'ai servi sur un plateau, et, si ça peut te faire du bien, je peux supporter quelques insultes. Elles sont douces, dans cette situation. Puis, ça sera pas la première fois, surtout celle-là. Je sais qu'elle n'est pas tout à fait exact, dans ta bouche, que t'en utiliserais d'autres. Menteur, par exemple. J'omets la vérité, plutôt, mais c'était pour toi. Pour moi aussi, surement. Pour nous, principalement. Avec le recul, je serai incapable de te dire si je réitérai l'acte. Je regrette la rupture, la suite, mais s'excuser est bien trop simple. Je ne suis pas doué pour ça. J'ai toujours trouvé ça un brin lâche, comme si c'était la porte reine pour apaiser les dégâts. Je préfère les réparer, plutôt que les calmer. Tu vois, j'essaye de réparer ta peau, je la couvre de mes bras puis de tissu. Je cherche de quoi réchauffer ton corps gelé. Ce dernier qui se couvre de mon pull, et je peux entendre le bruit du soutien-gorge mouillé tomber sur le sol, derrière mon dos tourné. J'entends aussi ton conseil, le suivant jusqu'à mettre les mains sur cette bouilloire. Mets de l'eau, la mets à chauffer. Et tombe sur des espèces de sachets de soupe, qu'il verse dans deux tasses. Quand l'eau boue, la verse dans ces dernières. Finalise d'une cuillère dans chacune. « Je cuisine toujours aussi bien, tu vois. » Le sourire aux commissures, alors qu'il s'assoit en face d'elle, posant les deux superbes mets sur la table. Approche la tasse de la belle, du bout des doigts. « Boit ça, ça va te faire du bien. » T'étais bien trop belle, à ta proue, dans toute ta grandeur. Y a fallut que je gâche ça. Ca te rends pas moins belle, ainsi recroquevillée dans ce pull que tu fais tiens. J'te regarde un instant, la cuillère tournant dans la tasse. « J'peux te poser une question ? » Essuie le métal entre ses lèvres, sans laisser le temps de la réponse. « Pourquoi t'es revenue ? » On revient toujours pour quelqu'un.

Les insultes, ce n'est vraiment pas mon genre. Je n'ai jamais trop compris les gens qui insultaient à tout va. Ça n'arrange rien. Et je considère que l'ignorance est la meilleure des défenses. Quand on fuit les autres, ça a tendance à encore plus énerver. C'est comme un sourire lancé comme une insulte. Ça fait encore plus de mal. Alors je lui lance qu'il est con parce qu'il me tend la perche, parce que je ne veux pas analyser son geste, parce que je ne veux pas comprendre même si les pistes sont évidentes. Alors je lance ça, comme j'aurais pu dire autre chose. J'ouvre de nouveau les yeux quand il m'apporte une tasse devant le nez. Deux doigts sortent du pull pour attraper la hanse et approcher la chaleur du breuvage vers mon visage frigorifié. Jasp', je ne vais pas te dire que tu cuisines bien, mais je n'ai jamais eu à me plaindre de ça chez toi. Un léger sourire répondra à la place des mots. Les lèvres se brûlent au contact de la soupe alors qu'une grimace apparaît sur mon visage. Personne ne pourra dire si c'est sa question ou la brûlure sur ma bouche. Je souffle sur la soupe, laissant la douce fumée traverser mes joues et mon nez, la tête ailleurs. « Hayden. » Dans un souffle, comme un murmure. Son prénom lancé comme une bombe ou comme un drapeau de paix. Je me reprends rapidement, ouvre les yeux pour de bon, sort deux autres doigts du pull et touille dans la tasse. « Quand on apprécie trop quelqu'un, on fait parfois des erreurs. » Pour tout, pas que cette histoire de retour du pays. J'aurais peut-être du rester aux Pays-Bas, j'aurais sûrement du rester prêt de Tommy. Mais toute ma vie est ici maintenant, mes amis, mes études. Mon quotidien. Tommy avait compris que j'allais m'éteindre dans notre pays. Tommy comprend toujours tout. Il me connaît par cœur, il sait comment je fonctionne puisqu'il fonctionne de la même façon. « Tu me connais, tu sais à quel point je peux être naïve et romantique. Ça me jouera toujours des tours. » 

Il y a une sorte d'empathie, d'affection, dans ce regard bleuté qui se pose sur la belle aux cheveux mouillés. J'ai toujours aimé ta manière de réagir differement des autres, ton entêtement, t'es aussi bornée que l'idiot que je suis. J'ai juste une moins jolie manière de l'exprimer. J'ai jamais été bon pour m'exprimer, tout court. J'dis pas que je m'attache, je le montre, je le fais. J'dis pas grand chose, des choses qui comptent, je veux dire. J'aurai pu m'excuser, je l'ai jamais fais. Je sais pas faire. Mais je m’abîmerai pour toi. Et, l'homme s'intéresse, il interroge. Après tout, va savoir combien notre parenthèse va durer. Combien de temps avant que ce bateau ne fasse demi-tour, motivé par ma réponse positive donnée ? Ce sont des minutes supplémentaires que je grappille, profitant de ta peau glacée.  « Hayden. » Relève un peu, à peine, le visage. J'ai suivi de loin. Juste assez près pour savoir ce que tu devenais, écoutant quelques ragots. Pas trop, c'est bien trop facile d'éveiller la possessivité chez l'homme. L'Ellington n'est pas de ceux qui admettent avec facilité qu'on effleure des peaux qui ont acceuillit son souffle précédemment. « Quand on apprécie trop quelqu'un, on fait parfois des erreurs. » Un sourire se trace spontanément sur le visage masculin, franc, une pointe d'amertume. « Je suis parfaitement d'accord avec ça. » J'en ai cumulé, je me suis trop laissé berner par de jolis sourires, et des cheveux bruns. Des promesses qui s'évaporent, qui finissent dans d'autres oreillers. « Tu me connais, tu sais à quel point je peux être naïve et romantique. Ça me jouera toujours des tours. »  Hausse doucement les épaules. J'aimerai te dire que non. « J'aimais bien ta naïveté et ton romantisme. » Qu'il reprend, ses lèvres traçant un fin sourire, tendre. Coupé par cette cuillère tomatée, juste à point pour interrompre cette pointe de regard en arrière. « T'as cru que tout allait recommencer, et.. » Il est parti. Moi, elle est juste pas venue. Vois-tu, on est pas si différent l'un de l'autre.

Repenser à lui me donne cette impression que mon cœur se serre. C'est douloureux, et ça m'empêche presque de respirer. J'ai pas besoin de ça. J'ai besoin de parler d'autre chose que de lui, de parler d'autres personnes, de parler d'un autre passé. Parce que c'est un passé, je dois m'y faire, je dois le comprendre et l'intégrer. Tommy me secouerait, me ferait réaliser que la terre ne s'est pas arrêtée de tourner pour ça, comme jamais elle ne s'est arrêtée après mes séparations difficiles. Comme avec Jasper. Sauf que mon jumeau était présent, physiquement, avec moi. Tu ne peux qu'être d'accord en ce qui concerne les erreurs. Mais c'est sa phrase au passé qui me touche le plus. Il aimait oui. Et on s'est séparés. Et on a laissé un fossé se former entre nous. Tous les deux, je n'accuse pas que toi. J'ai eu tord peut-être moi aussi. « Et il a quitté l'université, le pays, le continent peut-être. Tant pis. » Je dis tant pis, mais je ne le pense pas encore suffisamment pour être convaincante. Même si c'est moi que j'essaye de convaincre. Parce qu'il le faut, parce que je dois passer à autre chose. Autre que les plans culs, autre que ces mecs avec qui je peux coucher sans même connaître leurs prénoms. Coucher par tristesse, c'est devenu ma lumière, ma voie à suivre. Et pourtant, ça ne m'aide en rien. Décidément, je finis toujours par faire n'importe quoi. Comme la drogue pour oublier Milan. Je fais toujours des conneries. Je replonge le nez dans ma tasse, en bois la moitié. Le visage toujours baissé, je sors mes jambes de l'intérieur du pull avant de m'asseoir en tailleur sur la banquette. J'pourrais dire « et toi ? » mais je crois que je n'ai pas trop envie de savoir. Je n'ai pas envie de sentir son bonheur par jalousie, je ne veux pas savoir qu'il est triste parce que je ne suis pas rancunière à ce point. Alors je laisse le silence remplir la cabine du bateau, ce silence que j'utilise toujours quand je ne ressens plus le besoin de parler, quand il n'y a plus rien à dire. Et puis une question sort. Celle qui me brûle les lèvres depuis le début. « Pourquoi tu es venu ce soir ? » Et mes yeux se plantent dans les yeux, inquisiteurs, curieux.  

Les ruptures, j'crois que je commence à m'y connaître. Je connais l'espoir, la déception, la colère. Surtout la colère. J'ai du mal avec les points, j'ai tendance à en faire des points virgules. J'accepte difficilement les fins. C'est pas que je m'accroche, encore moins que je m'abime les genoux à vous supplier, demoiselles, mais, tu vois, je suis là. J'ai même pas réfléchis. C'est un passe-droit sur ma vie, que tu as acquis, quand nos chemins se sont croisés. Qu'ils sont restés côté-à-côte, quelques temps. Un temps trop court, si tu veux mon avis. On avait mieux à faire que de se déchirer pour des futilitées. Je sais, que tu ne vois pas mes erreurs comme ça. Qu'elles étaient lourdes de sens pour toi. Mais, je conjugue au passé, je ne te connais plus aussi bien désormais. J'ai laissé la distance s'installer, prendre ses aises, nous poster, chacun d'un côté de la route. Ce n'est que de mon côté, de loin, que j'ai assisté à ton union avec Hayden, vaguement, comme un spectateur pas si objectif. « Et il a quitté l'université, le pays, le continent peut-être. Tant pis. » Tant pis. Je l'ai trop dis. « On s'en fout, hein ? » Qu'il souligne de ses lèvres malines. Je maitrise cette phrase, je l'ai sorti un nombre incalculable de fois, je l'ai pensé encore plus souvent, j'me la suis répétée, jusqu'à l'intégrer complètement à mes humeurs. Ca permet d'apaiser la douleur, de calmer la rage, d'embrouiller le cœur quand il veut saigner. « C'est pas grave. C'est souvent mieux quand ils sont loin. » Ceux qui nous abîment, qui nous brisent, c'est mieux de ne plus les croiser aux détours des rues, crois-moi. La distance aide le battant, quoiqu'en dise les romantiques. Le silence, aussi, quand il est nécessaire. Juste le bruit de ma cuillère dans la tasse. C'est le luxe des anciens amants, ils peuvent installer le silence sans gêne. « Pourquoi tu es venu ce soir ? » La question tardait, je t'imaginais la poser plus tôt. « Tu me l'as demandé. » Soutient le regard d'en face, le sourire s'appuie légèrement. « Y a besoin d'un autre raison ? » Pour moi, y avait pas besoin de plus. J'avais envie de te revoir, je suppose, aussi, y a jamais qu'une seule réponse.

Il est parti. On s'en fout hein ? Je ne suis pas certaine de m'en foutre, mais tu as sûrement raison. Ça doit être plus simple si on ne le croise pas tous les jours, si on ne le voit plus du tout. Et pourtant, mon inquiétude est toujours présente, de me dire s'il pense à moi, parfois. Et sa phrase sent tellement le vécu que c'est ce qui doit se passer avec lui. Qui est cette femme qu'il croise peut-être dans les couloirs d'Harvard, ou peut-être en ville, et qui lui fait chavirer le cœur à chaque fois sans qu'il ne puisse l'exprimer ? Est ce que le temps estompe la douleur. Bien sûr, comme d'habitude. On oublie. Ou au moins on tire un trait sur le passé. Hayden a tiré un trait sur moi, sur notre courte relation, sur nos engueulades et notre amour. Je déglutis. C'est encore difficile d'imaginer la peau de son torse tatoué sous les doigts d'une autre femme. Comme pour chaque personne que j'ai étreint un peu trop fortement. Mais je vais devoir m'y faire, c'est certain. Et ma question tombe enfin. Il aurait pu ne pas venir oui. Il aurait pu ne pas répondre. Mais il l'a fait quand même. Parce que je l'ai demandé ? Je crois qu'intérieurement, je m'attendais à entendre une autre raison. Je ne sais pas, peut-être avait-il envie de me voir ? Peut-être que j'avais eu envie de le voir et que cette histoire de hackage n'était qu'une raison inconsciemment trouvée pour que nous passions un moment ensemble, à l'abri des regards. Et c'est moi qui m'incline au jeu du regard, je me laisse perdre et tourne la tête. « Il n'y a pas besoin d'une autre raison non. » Je me réchauffe petit à petit, repose la tasse vide sur la table avant d'étirer mes jambes, bougeant mes orteils avec cette impression de les redécouvrir. Le pull est chaud, ma culotte toujours humide. Alors je me lève, marche avec quelques difficultés au début. Je monte les escaliers, à peine la tête sortie à l'air libre que je tends le bras pour juste récupérer mon short sec. En sautillant rapidement, je récupère ma place sur la banquette, plongeant mon visage dans le col du pull pour y insuffler de l'air chaud. J'y pense à notre échange, ne crois pas le contraire. Même quand je n'en ai pas l'air. « Tu ne crois pas qu'on aurait pu être plus intelligents... et se revoir plus tôt ? » Peut-être que j'avais eu peur de craquer, peut-être que c'est toujours pareil aujourd'hui, malgré tout. Je tire sur le pull pour cacher mes fesses, retire ma culotte dans un numéro de contorsionniste pour ne pas paraître exhibitionniste. Le pull glisse sur le haut de ma cuisse alors que je plante ma main entre mes jambes pour me cacher et enfiler le short sec. Une fois à moitié des cuisses, je me relève, tirant sur le pull d'une main et remontant le short de l'autre. Le sport est terminé pour ce soir, et je me sens enfin presque au sec.  

Je suis pas persuadé par ce que je dis, j'essaye de te convaincre, avec autant de force que j'essaye de me convaincre moi-même. J'peux pas me dire que ma vie est finie, juste pour une erreur de route. Me dire que mon avenir est rayé, que je n'serais que cet homme qui se satisfait de soupires divers, qui se nourrit de sa réussite professionnelle, qui a oublié qu'un jour, il aspirait à plus profond. Que tout ce bon, toute cette capacité au sacrifice n'ai été gâché que par une femme. Il lutte, de toutes ses forces, contre cette fatalité qu'il s'était pourtant répété des mois durant. Le temps apaise, je te jure. Un jour, tu te rends compte du temps perdu. Un jour, tu respires mieux, tu ouvres les yeux plus grands. Un jour, tu revis. Tu te laisses d'autres chances. « Il n'y a pas besoin d'une autre raison non. » Je devine dans ces traits qui se baissent, ce regard qui regarde ailleurs, que ma réponse n'était pas vraiment la bonne. Habitue-toi, c'est une tendance chez moi. C'n'est pas que je ne le pense pas, c'est juste que les mots sont plus difficiles à sortir. Et, j'te regarde quitter la chaleur de l'endroit, pour te confronter au froid, le tout dans un sautillement qui m'amuse. T'as repris des forces, et tes traits sont moins livides désormais, ton corps semble avoir repris en dynamisme. Laisse-moi me rassurer comme je peux. « Tu ne crois pas qu'on aurait pu être plus intelligents... et se revoir plus tôt ? » Je suis facilement distrait par ton numéro d'effeuilleuse, que je fais mine d'à peine apercevoir, le nez plongé dans la fin de ma tasse. Je suis trahi par une moue rieuse, que je tente de camoufler en formulant enfin une réponse : « Surement, si. » Mais il aurait fallu qu'un de nous deux se lance, et fasse le premier pas, celui qui compte. « Mais.. l'essentiel, c'est que ça soit fait, non ? » Je suppose qu'il y a d'autres individus doués en informatique, sur ce campus. J'aurai pu facilement me défiler, comme tu aurais pu choisir quelqu'un d'autre. Se mord l'intérieur de la joue, la jaugeant de ses billes inquisitrices. « Il fallait le bon timing. » Je crois aux choses qui n'arrivent pas au hasard. Laisse planer quelques secondes, avant d'attraper les tasses, et les nettoyer rapidement. Quand il passe à côté de la belle, c'est pour glisser une main dans son cou, et ses lèvres sur sa joue. « Tu m'as manqué, Nienke. »Je crois qu'il est temps de lever le drapeau blanc, et de s'accorder une pause dans notre guerre d'ignorance. Il souffle :« Et, j'crois que j'ai besoin encore d'un cours de navigation pour nous ramener à bon port. » Croit-moi, c'est pas une bonne idée, toi et moi réconciliés dans un bateau, loin de tous. C'est pas bon pour ce qu'on a.