Sur la route, j'étais passée dans une épicerie pour acheter des bières ainsi qu'une bouteille de tequila. Je n'avais pas Lilou, ce soir elle ne dormait pas à la maison. J'étais seule, terriblement seule et je préférais clairement sortir rendre visite à des amis. Je me connaissais, depuis ma fraîche rupture avec Osean, il ne valait mieux pas que je reste avec mes pensées obscures. J'étais dans un moment flou ces derniers jours. On pourrait croire que tout allait bien, que je surmontais l'épreuve avec un grand contrôle de mes émotions, mais en réalité, il n'en était rien. Je me connaissais aussi pour savoir que j'étais dans cette petite phase de transition où j'avais beaucoup de mal à assimiler les choses, à les comprendre. Est-ce que Osean m'avait vraiment quitté ? Je devais avouer que j’espérais encore le voir faire machine arrière et revenir en s'excusant. Bientôt, j'allais comprendre que tout était foutu, que j'allais devoir réapprendre à vivre seule. Il m'avait abandonné, il avait abandonné Lilou et en faisant cela, il avait réveillé ma colère. Je marchais de plus en plus vite, le cœur battant. Bordel, je me sentais terriblement mal et je faisais en sorte d'arriver chez Lisbeth le plus vite possible. J'avais le temps de me siffler deux bières et je commençais déjà à tapoter nerveusement mes poches comme autrefois quand je cherchais mon paquet de cigarettes. Je ne fumais plus, il ne fallait pas que je craque. Je montais les marches deux par deux et sur le pas de la porte de Declan, je trouvais Alysse. « Tu vas chez Lis toi aussi ? » demandais-je avant de toquer à la porte de leur amie. Je devais ressembler à une hystérique... Entre les bières et mon corps tremblant qui cédait peu à peu à la panique.

Un bond propulsa Alysse contre la porte. Les yeux ronds comme des billes se posèrent sur Alaska, puis la bière, puis Alaska puis les lèvres qui bougeaient sans que le son ne prenne sens.

"Hein?" Souffla un petit air prêt à la détente. Un battement de cil lui permit de reprendre contenance. Tout le monde paraissait être dans un sale état. Alaska, Lisbeth et... elle. Pauvre Declan, son entourage partait en vrille et ça, Alysse ne pouvait rien y changer. A part, de maigres tentatives pour se remettre sur pied rapidement, la brunette ne savait plus trop comment alléger le fardeau de son petit ami. Mais pour l'heure, quelqu'un d'autre avait besoin de voir son fardeau allégé.

"Non... j'allais chez toi. Je devais voir Lisbeth demain. Mais si je peux tout faire d'un coup..." Annonça simplement une voix plus douce et posée que le gémissement craintif précédent. Une main attrapa le pack de bière pour éviter tout accident lié aux tremblement de son interlocutrice. "Je t'accompagne alors."

Loin des potentielles inquiétudes et considérations sur Alaska et la bière qu'elle semblait trop apprécier, la brunette se concentrait plutôt sur son envie de se changer les idées. Si toutes avaient exactement le même désir, la soirée serait plus intéressante. Sans plus attendre, l'ex-détective frappa à la porte de la voisine.

S'enfiler les bières que l'on apporte pour une soirée ce n'était pas la meilleure des choses à faire. Pourtant, c'est ce que j'avais fait. En arrivant chez Lisbeth, il ne restait plus qu'une bouteille de tequila et deux bières. Surtout, il n'était pas utile après ça de me demander comment j'allais. Mal, bien sûr. Je gérais assez mal les conséquences du départ de mon fiancé et me retrouver seule pour Lilou, maman à plein temps avec mon travail d'assistante à côté, c'était le chaos dans ma vie. À deux c'était bien plus facile pour élever un enfant, ça permettait de souffler. Là, je galérais et ce soir, j'avais mis ma fille chez son grand père pour la nuit afin de souffler un peu. J'avais besoin de me retrouver seule et de faire... n'importe quoi. Enfin, je n'allais pas rester seule. Lisbeth m'avait invité à lui rendre visite et quand j'arrivais au pas de la porte, je tombais nez à nez avec Alysse qui sortait de la porte voisine, aka celle de Declan. La coquine. Un sourire en coin et je l'invitais à nous rejoindre Lis et moi pour une folle soirée. « Non... j'allais chez toi. Je devais voir Lisbeth demain. Mais si je peux tout faire d'un coup... » Mes tremblements étaient présents, c'était le mauvais effet du stress et de l'alcool. C'est pour cela qu'Alysse venait à me débarrasser ce que j'avais dans les mains, gardant tout de même ma bière entamée pour moi. « Je t'accompagne alors. » Et voilà qu'elles toquaient toutes les deux à la porte de Lis. Cette dernière ne perdit pas de temps à répondre et à ouvrir, nous faisant face. « Tu as trouvé Alysse sur ton chemin ? Allez, entrez ! » - « Elle sort de chez Declan » balançais-je en riant. La grande brune attrapait les bières pour les mettre au frigo et je gardais la bouteille de tequila près de moi tel un doudou. « Vous voulez autre chose à boire en attendant ou ça vous va ? » - « Non, la bière c'est bien.. sinon, j'ai de la tequila si vous êtes sages » Héhé. Il allait falloir le mériter. Je suivais Lis et je faisais comme elle, me laissant tomber lourdement sur le canapé. « Alors, quoi de neuf ? » - « Je me suis fait larguer et Alysse sort de chez Declan » affirmais-je avec un jeu de sourcils provocateurs.

Chacune se réjouissait de se retrouver mais aucune joie ne parvenait à exploser ou à imprégner l'air. D'un pas trainant, la brunette suivit les deux autres vers les sièges. Un coup d'oeil à la bière lui affirma que la chose ne la tentait en rien. Ce nectar lui demeurait inconnu et le tout lui convenait parfaitement. Au nom de Declan dans la bouche d'Alaska, Alysse se redressa en réalisant que le sujet la concernait.

"Bah ouais... c'est la guerre entre mes deux mâles, chez moi. Tout ca parce que Garou lui a apporté un rat mort...enfin presque mort dans ses pantoufles." Son index tapotait ses lèvres pour une intense réflexion. "Pire qu'un mafieux, ce chat." Une brève tentative d'imitation de mafieux digne du film "Le parrain" la pris alors qu'elle se tournait vers Alaska. "Tu veux que je lui envoie Garou à ton crétin d'Osean? Il apprendra ce que ça fait ... de s'en prendre à famiglia." Puis, reprenant son sérieux, la proposition se fit plus honnête. "Sinon on peut toujours déverser la litière sur son paillasson."

« Bah ouais... c'est la guerre entre mes deux mâles, chez moi. Tout ça parce que Garou lui a apporté un rat mort...enfin presque mort dans ses pantoufles. » Je riais en regardant Alysse. Mais de quoi elle parlait ? C'est qui Garou ? « Pire qu'un mafieux, ce chat. » Et voilà qu'elle se lançait dans une imitation. Je riais encore en la regardant. Mon dieu, cette fille est folle. Au moins, le point positif, c'est qu'on allait se marrer pendant les repas de famille. « Tu veux que je lui envoie Garou à ton crétin d'Osean? Il apprendra ce que ça fait ... de s'en prendre à famiglia. » Je souriais, mais clairement, entendre le prénom de mon ex ne me faisait plus rire. Osean me manquait et c'est pour ça que je picolais quand je le pouvais. Je n'étais pas alcoolique pour autant. « Sinon on peut toujours déverser la litière sur son paillasson. » Je tournais la tête pour regarder Alysse, m'apprêtant à parler avant que Lisbeth ne le fasse à ma place. « Je pense qu’il faudra plus qu’une litière sur son paillasson… Il est parti quand ? Il t’a donné une explication au moins ? » Je laissais échapper un soupir. « Quand je dis qu'il est parti... J'veux dire qu'il n'est plus à Boston. Il est définitivement parti. Il n'a pas dit où et il n'a pas dit pourquoi. Il ne compte pas revenir, même pas pour voir Lilou. Il n'a plus de paillasson... » confiais-je dans un haussement d'épaule. Je sentais les larmes me monter aux yeux et je préférais continuer à boire ma bière l'air de rien. « Je suis partie à Stockholm au mois d’août et j’ai découvert que j’avais une sœur jumelle. Elle cherchait à m’abattre depuis des mois sans que je sache qui était derrière ces tentatives d’assassinat. Puis je l’ai retrouvée et… Elle est morte. Par ma faute. Voilà pour les nouvelles de mon côté. » Wow. Je levais les sourcils sans trop savoir quoi dire, ni même réagir. Je venais même à regarder Alysse comme un appel au secours avant de me lancer. « Et... Comment tu digères la nouvelle ? » C'était débile comme question, mais vraiment j'étais prise au dépourvu, en fait, la seule chose que je trouvais à faire, c'était de lui tendre la bouteille de tequila.

Ce n'était pas toujours facile à assumer, une rupture. Surtout qu'avec Osean, on avait toujours été sur la même longueur d'onde. C'était facile avec lui et du jour au lendemain, c'était devenu de la cendre, à peine palpable, un vaste souvenir. « Oh le... » - « Connard » disais-je pour continuer les propos d'Alysse. Elle pouvait le dire sans peine, je commençais à être ivre de toute façon. Bientôt j'allais flotter. « Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là… On est là. » reprend Lisbeth en posant sa main sur mon genou. Un faible sourire apparaissait. « Ça va aller, merci ». Faut dire qu'en temps normalement, je n'aimais pas tellement parler de mes problèmes, aller demander de l'aide, je ne le faisais clairement pas et ça n'allait pas changer maintenant. Mais mon récit était bien ridicule à côté de celui de Lis. Elle avait apprit l’existence d'une sœur jumelle, me faisant écho avec ma propre découverte quant à Feldt. Sauf qu'elle, elle avait une sœur folle furieuse. Je ne savais pas tellement comment réagir à tout cela, j'étais surtout surprise. « Et bien… Je ne m’attendais pas à avoir une sœur jumelle, encore moins qu’elle soit folle à lier. Je n’ai pas eu le temps d’être surprise ou choquée, en fait… » Je pinçais mes lèvres en la regardant toujours. Ma question avait été stupide. « Ça peut paraître horrible à dire mais je ne regrette pas mon geste. C’était soit elle soit… moi. » Je fronçais les sourcils en ayant du mal à comprendre. C'était quoi le truc en fait ? Elle faisait partie d'un organisme ou quoi ? Comment c'est arrivé pour qu'elle meurt ? Je n'osais plus vraiment parler, préférant laisser les filles faire la conversation et les écouter attentivement. Néanmoins, j'acceptais la bouteille d'alcool qui arrivait au bon moment. « Tu es en sécurité à présent? » - « Je suis en sécurité à présent. Du moins, je ne me sens plus traquée et surveillée en permanence. Tout danger est écarté. » - « Elle faisait partie de quoi ? Un organisme.. ? Pourquoi elle t'en voulait ? » J'étais curieuse et je devais avouer que je ne pouvais pas me contenter de la forme de cette histoire. Est-ce que moi-même, je devais parler de ces types qui cherchaient Osean ? « Tu pouvais appeler plus tôt, tu sais. » Ça ne devait pas être aussi facile. Je bus quelques gorgées, attendant la suite, très prise par cette histoire improbable. « Désolée… J’avais besoin de vous mettre au courant… Vous allez devoir vous y faire : vous êtes amies avec une meurtrière. » Je fronçais les sourcils alors que les mots de Lis percutaient enfin dans mon cerveau. « C'est toi qui l'a tué ? » demandais-je des plus sérieuses en la regardant.