La reprise des cours pesait sur mes épaules, j'en regrettait presque déjà mon séjour au Laos et le nombre incalculables de soirées alcoolisées auxquelles j'avais eu le droit tout au long de l'été. A mon retour, tout un tas de mauvaises nouvelles s'étaient enchaînées, me plombant le moral au plus haut point. Lentement, la dépression repointait le bout de son nez et mes démons en faisaient de même. Cette journée commençait mal, avec comme point de départ une panne de réveil qui m'avait coûté de rater les quelques cours auxquels j'aurais du assister aujourd’hui. Sans doute le changement d'habitat en était la cause. A mon retour du Laos, les problèmes financiers m'avaient coûtés mon logement et je me retrouvais pour le moment bloqué dans une petite chambre de la Winthrop House en attendant de trouver un appart pas cher, même si j'avais déjà un plan en préparation à ce sujet. Il était temps pour moi de sortir un peu et de me changer les idées, et le Winthrop Square était le lieu le plus reposant et le plus proche de la maison de ma confrérie.

J'entamais ma ballade, profitant des quelques rayons de soleil présents et du calme absolu marqué par la quasi-absence d'étudiants dans les environs. Malgré tout, mes mains tremblaient plus que jamais, probablement le mélange entre le stress et le manque. Depuis mon retour du Summer Camp, je n'avais même plus de quoi me rouler un joint, et je n'avais pas non plus eu l'occasion de recroiser mon seul fournisseur sur ce campus. C'est à cet instant que mon regard et mon odorat répondent à l'appel, repérant un étudiant qui s'en fumait un à l'ombre d'un arbre. Merde, pas le choix faut absolument que je lui demande si je peux tirer quelques lattes avant de devenir dingue! M'approchant de lui, je l'observe avec envie recracher la fumée et je respire ce délicieux parfum qui me manque tant. Celui-ci m'interpelle alors avec un commentaire se voulant assez ironique, avant de finalement me demander ce que je lui voulais. "T'a du cran de venir fumer ici à la vue de tout le monde, c'est sans doute le meilleur moyen de se faire chopper.

Mais je suis pas là pour te faire la leçon, je consomme aussi. D'ailleurs..." Une certaine hésitation se faisait sentir dans ma voix, après tout demander ce genre de chose à un mec qui lui était totalement inconnu pouvait sembler déplacé, mais le manque était bien trop fort pour ne pas tenter le coup. "Ca te dérangerai de me laisser tirer un peu avec toi? Je te revaudrais ça si il le faut". Aussi, ajoutais-je en m’avançant pour lui serrer la main: "Je m'appelle James, et toi?"

Ce mec semblait être du genre à rejeter toute autorité, et d'une certaine manière ce me plaisait. J'en étais presque même intimidé. Ce sentiment se confirma d'autant plus quand celui-ci m'informa gentillement des propos qu'il n'aurait pas hésité à me sortir au cas où j'aurais essayé d'interrompre ce qu'il faisait. Le sourire qui accompagnait ses mots suffit à me faire comprendre qu'il se payait ma tête et tentait probablement de m'impressionner. D'ailleurs, partager ce joint avec lui n'allait pas être une mince affaire, le jeune homme exigeant une contrepartie en me demandant ce que j'étais capable de lui offrir. J'étais fortement dans la merde, car financièrement, impossible de lui proposer quoi que ce soit! Je me limitais déjà assez comme ça, au point de me nourrir quasi-exclusivement de pâtes tous les soir, mais petit à petit j'arriverai à joindre les deux bouts. En tout cas, ce "Raul" savait comment négocier.

"J'ai même pas de quoi te lâcher un petit billet en contrepartie, si c'est ce que tu souhaitais..." lui répondis-je, fixant avec envie l'objet que je convoitais.
Le manque que je ressentais était trop important, et la tentation beaucoup trop grande. J'étais vraiment prêt à n'importe quoi pour avoir de quoi fumer.

"Mais si tu le souhaite, je te propose de me lancer un défi. Vas-y, demande moi n'importe quoi et j'essaierai de le faire. Si je réussis on se partage ce joint. Ca te tente?"ajoutais-je avec un regard de défi.

Tenter de convaincre Raul allait s’avérer plus difficile que prévu, celui-ci me faisant rapidement savoir que sans compensation financière je n'aurai pas mon dû. Ce type était sadique et prenait manifestement un malin plaisir à jouer avec mes envies, voir même à me provoquer. Je commençais à perdre patience, préférant abandonner mes efforts et tracer mon chemin.
Une faible lueur d'espoir me força à rester, quand Raul aborda la possibilité de négocier, en me demandant si j'appartenais à une confrérie. Ma fierté de Winthrop allait refaire surface en un rien de temps! "Oaip, je suis un Winthrop, la confrérie la plus sympa du campus, pas comme ces abrutis d'Eliot" rétorquais-je. Ma haine pour cette confrérie datait de mon entrée chez les Winthrop, à l'époque j'avais eu l'occasion de sympathiser avec un membre des Eliot avec qui j'avais fini par rapidement couper les ponts. La raison? Une histoire assez compliquée avec l'ancien président des Winthrop, et bien évidemment je m'étais mis à éviter les membres de cette confrérie, d'autant plus que les relations entre nos deux confréries n'étaient pas spécialement stables à l'origine. Toutes mes autres rencontres avec des Eliot s'étaient ensuite soldés par des confrontations, a l'exception d'une seule. Depuis, j'évitai au maximum de les approcher et de discuter avec eux, et par habitude j'avais la fâcheuse tendance à le faire savoir.