À peine rentrée de ma journée avec Ash, que je faisais les 400 pas en voyant le message de Cole. Je bouillonnais, clairement. Il lui avait fallu un putain d'électrochoc sur les réseaux, l'enfonçant un peu publiquement pour qu'il daigne penser à moi et m'envoyer un message. Alors, c'était avec une distance qui ne me ressemblait pas que je répondais, exposant mon point de vue, exposant mes craintes et mes peines. Pour quoi ? Pour entendre encore une fois les mêmes conneries. Hippo par ci, Hippo par là. Bien que je l'appréciais réellement, là, j'avais qu'une envie, l'encastrer dans un mur et ne plus jamais entendre son prénom. Sur le lit, allongée, c'était la sonnerie de mon téléphone qui me sortait de mes pensées. Cole. Ouais, non mais je n'étais pas prête en fait. J'attrapais tant bien que mal mon téléphone d'une main tremblante d'énervement puis, je décrochais sans pour autant parler, laissant un blanc de quelques secondes avant de prendre une grande respiration et d'enfin prendre la parole. « J'ai rien à te dire. »

Sa voix résonna et aussitôt ma petite amie annonça la couleur : aucune envie de me parler.  Ok, elle était furax, c'était l'impression que j'avais eu déjà en lisant son commentaire ou ces jours textos, et aucune de mes explications ne semblait l'avoir apaisé. Je pouvais pas savoir que y'avait ses deux soeurs qui d'un autre côté s'amusaient lâchement à nourrir les doutes et la colère de Cléo à mon égard. Alors c'est avec mon ton taquin , détaché, que je répliquais : " Tu me tapes une crise parce que je ne t'ai écrit qu'une seule fois en une semaine..."     quand rappelons le, elle, elle ne m'avait pas écrit une seule fois d'elle même, juste une pauvre réponse froide et distante, un 'ça va' qui m'avait clairement freiné à poursuivre notre échange...   "...Et maintenant que je t'appelle, tu dis que t'as rien à dire. Tu m'exaspères Cléo." Et mes mots n'avaient pas la consonance énervée des siens, non. Perlaient dans mes paroles, des notes affectives qui me trahissaient sûrement.  Parce que si je l'avais avoué qu'à demi mot dans mes sms, c'était pourtant vrai : elle me manquait. J'étais juste pas me gars le plus expressif au monde.

Peut-être bien qu'un tout petit peu, cet appel m'apaisait déjà. Mais rien qu'un peu, parce que ce n'était pas suffisant pour justifier son absence. Sa place était à mes côtés, pas à l'autre bout du monde. Pas à côté de sa meilleure amie qui était enceinte et surement de lui d'ailleurs, parce que j'étais loin d'être idiote, annoncé Nicho comme père, c'était la facilité. La facilité qu'était en train de le détruire, réellement. Cette annonce consumait à petit feu sa vie, sa femme et son mariage. Alors qu'il commençait à répliquer, je voulais répondre, mais il reprenait aussitôt pour me taquiner. Un timide sourire s'emparait de mes lèvres, mais j'essayais de le cacher tant bien que mal, parce que non ça ne pouvait pas être aussi facile. « Ne fais pas l'étonné, tu savais dans quoi tu t'embarquais quand tu m'as demandé d'être ta petite amie. » Je n'avais pas besoin de lui rappeler à quel point nos disputes étaient houleuse, pour savoir que j'avais un caractère de merde. Capricieuse, il avait oublié ? « T'es pas attendu dans une grande soirée ou dans un restaurant gastronomique français ? » Soufflai-je avant d'ajouter, toujours détaché. « Parce que moi, j'ai des choses de prévu. » Genre m'occuper de son cousin, que sa meilleure amie venait de détruire, déclenchant un déclic chez sa femme, qui avait essayé de se donner la mort.

"Peut être que c'est pour ça aussi que je suis avec toi. "  Soufflai-je petit sourire en coin des lèvres, après sa répartie. Oui elle avait raison, j'avais eu un aperçu de ce qui m'attendait quand déjà, avant d'être un couple on s'était plusieurs fois bien pris la tête. Mais Cléo ne semblait vraiment pas d'humeur conciliante, attaquant ensuite sur les soirées ou restaus étoilés français dans lesquels j'étais très sûrement attendu. Ton pinçant qui trahissait combien ce petit voyage, elle ne le digerait pas. " J'allais aller découvrir un petit bar à vin histoire de goûter quelques grands crus en fait. Je profite pendant qu'hippo se repose ."   Parce que j'étais pas sadique, et que ma BFF enceinte était partie pour un abonnement de neuf mois aux jus d'orange. Exit les bons pinards pour miss Dunford. Et quand Cléolya ajoutait qu'elle avait des choses de prévu, naturellement, ça m'intrigua. " T'as prévu d'aller explorer les bidonvilles du Laos ?" Taquinai-je, n'imaginant pas véritablement pas la demoiselle un peu princesse s'adonner à ce genre de visite.

« Ouais avec moi... » Dis-je avant de reprendre en chuchotant, me parlant plus à moi-même plutôt qu'à lui. « C'est pour ça que t'es loin d'moi. » J'étais juste une femme blessée, se sentant abandonné, encore une fois et ouais j'perdais patience. C'était ça être en couple avec lui ? Devoir me battre à chaque instant face à toutes ses autres priorité ? Parce qu'entre nous, j'avais bien compris que j'passais après toutes les autres et je n'avais pas signé pour ça moi. Je tentais d'écourter l'appel lui demandant ce qu'il avait de prévu, parce que je ne voulais pas qu'il arrive à m'atteindre, à me faire flancher. « Mmmh. » Et donc par la même occasion, je restais froide et distante, ne réengageant pas la conversation, surtout qu'il ne marquait pas d'point en évoquant Hippo, qu'était clairement la raison pour laquelle j'étais mal, mais ça il ne l'avait toujours pas compris et mettait les deux pieds dans l'plat. « J'suis plus au Laos. J'suis rentrée cette nuit chez moi et la, je viens de rentrer d'une après-midi spa, j'comptais prendre une douche, puis me préparer pour rejoindre Nicho. » S'il était présent pour sa meilleure amie, moi, je l'étais pour le mien, pour la même raison : Cette grossesse à la con. Décidément, c'était tout qu'il était en train de détruire ce futur petit être, aussi inoffensif qu'il l'était. C'était aussi mon monde qui partait en vrille, c'était ma relation qu'il gâchait et le bien-être de Nicho.

"Cléo..." Soufflai-je alors qu'elle soulignait avec amertume le "avec toi" que j'avais prononcé, faisant au contraire remarqué combien j'étais loin d'elle. "Tu sais moi je pense que 'loin des yeux = près du coeur.' C'était sincère quand je t'ai dit que je pensais à toi. Je t'écris pas à chaque fois que c'est le cas parce que je vais saturer ton portable sinon..." avouai-je en faisant référence au sms envoyé la semaine passée... Mon interlocutrice ne sembla pas plus encline à discuter. Toujours sur la défensive, elle me confia quand même ses projets, me révélant au passage qu'elle n'était plus au Laos mais chez elle. Rentrée dans la nuit, elle avait fait un spa et comptait ensuite aller voir Nicho. Je serrai les dents, nourrissant une certaine amertume envers mon cousin, malgré notre lien familial, j'arrivais pas à me faire à l'idée qu'il avait mis Hippolyte enceinte. Je choisis donc de me concentrer sur l'autre info contenue dans les paroles de Cléo : là où elle se trouvait actuellement.   " Donc tu es chez toi ? T'as retrouvé ta suite ? " Info qui allait me servir puisque le téléphone coincé entre mon épaule et mon oreille, je tendis les bras pour attraper mon ordinateur, pianotant alors pour trouver un livreur de fleurs sur Boston, rédigeant quelques consignes avant de valider la livraison express d'un magnifique bouquet de roses rouges à l'intention de ma petite amie.

Spoiler:

« Moi, je pense que cette phrase a été créée dans le seul but de se sauver dans ce genre de situation. T'es loin de moi et c'est tout, y'a rien d'autre à dire et si tu penses "tant" à moi, c'est que je suis censée te manquer non ? » Pourquoi il ne l'avait pas saturé mon téléphone ? J'aurais peut-être eu un peu moins de crainte, ou peut-être pas, mais dans tous les cas le mal était déjà fait. « T'aurais dû le saturé... » Avouais-je enfin, laissant la peine réchauffer légèrement ma voix. Un tout petit moment d'égarement puisque je reprenais vite le contrôle, ne voulant pas céder, n'étant pas prête à lui pardonner cette distance qu'il avait créé et que je n'avais pas cherché à rompre avant mon message sur instagram. Malgré mes tentatives pour écourter l'appel, il me posait des questions sur ma position. « Oui, mais je te l'ai dit, je vais par tarder à bouger, d'ailleurs, je te mets en haut-parleur le temps de me préparer. » Je retirais un à un les vêtements qui m'habillaient, sans faire trop de bruit et je posais le téléphone sur le rebord de la baignoire tout en glissant dans l'eau que j'avais préalablement fait couler. « Tu m'entends bien là ? »

"Je... Peut être... T'as raison... Oui..." hésitai-je, toujours le roi des frileux quand il s'agissait d'exposer mes sentiments, mes émotions. La preuve : malgré ma peine que ça faisait,  bien qu'il me manquait plus que tout,  j'avais encore pas eu le courage de lâcher les fameux trois mots à Abé, trois mots clé de notre réconciliation selon beaucoup.  Si seulement je réussissais à formuler ' je suis désolé' on avancerait un peu lui et moi. Est-ce que je voulais me retrouver dans le même genre d'impasse avec ma petite amie ?  Non aucune envie. Alors lâchant prise,  je finis par le reconnaître clairement :  "Tu me manques Cléo..." et elle aussi, elle  baissa les armes quelques instants. Juste le temps de souffler sa déception que je n'aie pas saturé son portable. "Je vais le faire alors... Et toi aussi, sature le mien." Mais les armes étaient vite reprises,  Cléo reprenant un ton détaché et annonçant sa douche qu'elle devait prendre avant de sortir. J'appris qu'elle était de retour dans sa suite, info intéressante qui me permit de lui faire livrer un magnifique bouquet de roses rouges, gardant la demoiselle en ligne. Cette dernière m'avait mis en haut parleur et je sentis mon excitation monter alors que je l'imaginais en train d'ôter ses habits, se glisser sous l'eau... "J'aurais du appeler en visio..." soupirai-je d'envie...

« J'ai toujours raison... » Le taquinai-je le sourire aux lèvres. Et mine de rien ça faisait du bien d'entendre que j'avais raison, parce qu'ouais, c'était facile de faire ça, partir et ne plus donner de nouvelle, mais il s'était engagé. Si au début, c'était moi qui voulais l'exclusivité, c'était lui qui avait voulu officialiser notre relation, alors il avait intérêt à assurer et pour l'instant, ce n'était pas gagné. Un souffle, une parole, rien que quelques petits mots qui étaient susceptibles de me faire craquer. « Toi aussi, tu me manques... » Alors, on se mettait d'accord pour saturer le téléphone de l'un et l'autre, pour ce montré que malgré tout, on tenait à ce "nous". Je me déshabillais, je glissais dans l'eau et je m'apaisais encore un peu plus au contact de l'eau chaude. Un petit rire amusé filait entre mes lèvres à l'entente de la remarque de mon interlocuteur. Un sourire qui s'effaçait petit à petit, un regard qui se perdait dans l'eau, la gorge qui se nouait petit à petit. « Rentre. » Souffai-je alors. « Rentre et reviens moi. » C'était plus fort que moi, j'étais pas bien à l'idée de le savoir là-bas, j'étais pas bien à l'idée de penser qu'il pouvait ne serait-ce qu'un peu m'oublier ou se détacher. Les secondes me semblaient être des minutes. De très longues minutes interminables, alors que je scrutais mon téléphone, attendant une réponse que je redoutais, je venais mordiller ma lèvre d'angoisse.