Je crois qu'on se connaît, non?

feat. Read A. Priest & Lisbeth Larsson

Combien de temps s’était écoulé depuis qu’elle avait mis fin à la belle histoire qu’elle partageait avec Maverick ? Elle avait perdu le compte… Elle avait l’impression d’évoluer dans un monde brumeux, inconsciente de ce qui l’entourait. Des images repassaient en boucle dans son esprit : le canon de cette arme pointé directement sur elle puis Maverick qui s’interpose et dévie l’arme de sa trajectoire pour recevoir lui-même la balle qui était destinée à sa belle. Lisbeth avait eu le temps de se jeter au sol et de se faire bien mal : trois côtes fêlées et un poignet foulé. Les hématomes étaient toujours bien visibles et lui faisaient mal quand elle toussait ou riait ou encore quand elle s’activait trop longtemps sur son clavier d’ordinateur. A cause d’elle, l’homme qu’elle aimait aurait pu y laisser sa vie. Elle savait pertinemment qu’en restant avec elle, il courait un grave danger. La cinglée qui voulait la voir six pieds sous terre ne devait pas être contente, à l’heure actuelle. Un parfait inconnu, s’interposant entre son homme de main et sa cible ? Inconcevable ! Lisbeth était certaine qu’elle chercherait à se venger s’il restait auprès d’elle. C’est pourquoi elle avait parlé à Maverick pour mettre fin à leur relation. Elle lui avait brisé le cœur en mille morceaux, ne lui ayant même pas donné d’explication correcte. Il n’aurait jamais accepté de rompre en sachant qu’elle le faisait pour sa protection. Il aurait tout fait pour veiller sur elle, quitte à y perdre la vie s’il le fallait. Et la jeune suédoise n’était pas prête qu’on se sacrifiât pour elle. Elle avait toujours géré ses problèmes seule et ce n’est pas aujourd’hui que le contraire allait se produire. A part quelques texto échangés, elle n’avait plus eu de nouvelles de son ex.

Toujours traquée, Lisbeth avait sensiblement changé d’apparence pour compliquer la tâche à sa  tortionnaire. Elle se laissait pousser les cheveux et les avait légèrement teint en châtain plus clair. Son style vestimentaire était radicalement différent : adieu, les vêtements sombres, les piercings et le maquillage exagérément charbonneux. Elle arborait un short en jeans et un chemisier couleur crème. Aux pieds, de simples sandales. Lunettes de soleil au nez, sac en bandoulière toujours accroché à son épaule, elle évoluait dans les rues du centre de Boston. La seule chose qui restait la même était son arme à feu rangée dans son sac et son permis de port d’arme sur elle. Elle n’était pas à l’abri d’une nouvelle tentative d’assassinat en pleine rue. Après tout, le tueur à gage avait opéré en plein jour, la dernière fois… La jeune hackeuse, perdue dans ses pensées, ne fit pas attention à ce qui l’entourait. Grave erreur ! Premièrement, elle risquait de manquer un signe attestant de la présence d’un ennemi et deuxièmement… Elle percuta violemment un passant de plein fouet. Une exclamation de douleur lui échappa alors que ses lunettes lui échappaient. Son flanc gauche venait de morfler, une nouvelle fois. La respiration coupée, elle se pencha en avant sous le coup de la douleur lancinante. Bon sang, ça lui apprendra à ne pas faire attention !

Read marchait d'un pas rapide. Il allait récupérer ses enfants chez ses parents. Il avait fait pas mal d'heures supplémentaires, sans compter le temps personnel qu'il s'était octroyé récemment, notamment avec Remo, alors il était hors de question d'être encore en retard pour prendre les petits. Ses parents allaient commencer à se poser de nouveau des questions sur l'état psychologique de leur fils et s'il était capable de prendre soin de ses propres enfants. Et le secouriste ne voulait guère de cela. Pourtant, c'était si tentant de se laisser aller de nouveau... De profiter de la vie comme il l'avait fait autrefois... Mais il avait des responsabilités à présent et il n'avait aucun droit de les fuir. Ses responsabilités étaient au nombre de trois et elles étaient vivantes: c'était sa chair et son sang, des êtres fragiles qui avaient besoin de lui dans leur vie. Ils n'avaient plus leur mère, alors il était le seul qui restait.

Il poussa un large soupire, irrité, en observant sa montre. Il ne remarqua donc absolument pas la personne, aussi pressée que lui, qui venait de l'autre sens du trottoir. Et l'inévitable arriva: ils se percutèrent avec violence. Le trentenaire vacilla, tandis que la demoiselle en face se plia sous la douleur. Gêné, il porta une main à sa bouche, avant de reprendre contenance et de poser une main sur l'épaule de la jeune femme.
"Excusez-moi, je vous avais pas vue!" dit-il, sur un ton un peu paniqué, les joues rougis, parce qu'il semblait qu'il venait de lui faire du mal. Au fond, ce n'était pas sa faute, mais il ne pouvait s'empêcher de s'excuser. "Vous avez mal?" demanda-t-il. Question bête, évidemment qu'elle avait mal et cela se voyait plus que le nez au milieu de la figure. "Vous voulez que je regarde? Je suis secouriste et..." demanda-t-il ensuite, se coupant dans sa parole en remarquant le visage de la demoiselle. Il lui semblait l'avoir déjà vue quelque part. Read gardait toujours les visages en tête, même sans retenir les noms... Pourvu que ce ne soit pas encore une de ses anciennes conquêtes des années folles...

Je crois qu'on se connaît, non?

feat. Read A. Priest & Lisbeth Larsson

La douleur lui coupait littéralement le souffle. Pliée en deux, elle tentait de chasser la nausée qui montait lentement en elle. Les yeux fermés, elle inspirait et expirait lentement tout en massant avec douceur son flanc gauche. Elle eut le temps de se maudire intérieurement : ne pouvait-elle pas faire attention ? C’était bien la première fois qu’une telle chose lui arrivait. Une voix s’excusait, visiblement très mal à l’aise et elle fit un vague geste de la main pour lui signifiait que ce n’était rien. Déglutissant difficilement tout en reprenant son souffle, Lisbeth se redressa lentement mais sûrement. Une grimace de douleur lui échappa une fois bien droite. Si elle avait mal ? Sur une échelle de un à dix, elle n’était pas loin du chiffre maximal. Et puis son visage et sa posture parlaient d’eux-mêmes. Si elle voulait qu’il regarde ? Elle craignait un peu de relever son chemisier pour découvrir ce qui se cachait dessous. Certes, un gros hématome pas très beau imprimait sa peau mais est-ce qu’il avait changé d’apparence à cause de ce choc ? Et si elle s’était finalement cassée une de ses côtes fragilisées ? Avec la chance qu’elle avait, ces derniers temps, ça ne l’étonnerait même pas !

« Ce… Ce n’est pas grave. C’est moi qui ne regardais pas où j’allais. Je veux bien que vous regardiez car j’ai déjà une blessure à cet endroit… »

Et c’était lui-même qui l’avait pris en charge le jour où elle avait appelé les secours pour la jambe blessée de Maverick. Il s’était également occupé d’elle qui était en état de choc et blessée après s’être jetée au sol. Il avait examiné son flanc et son poignet gauches. Lisbeth prit une grande inspiration et releva légèrement le bas de son chemisier, dévoilant son flanc gauche qui n’avait pas belle allure. Son poignet, quant à lui, semblait être dans un meilleur état. Sans s’en rendre compte, elle s’était crispée et avait posé son regard sur le secouriste.

« Je sais, ce n’est pas beau à voir… »

Il devait en avoir vu d’autres, n’est-ce pas ? A ce moment-là, la jeune femme était loin de se douter qu’elle avait en face de lui son secouriste et l’ex de Remo, son confident, celui qu’elle détestait sans même le connaître.

Les traits de Read marquaient l'inquiétude du jeune homme. Ce dernier s'inquiétait d'avoir vraiment blessé la demoiselle du fait de sa maladresse, voilà pourquoi il avait demandé de jeter un oeil. Elle semblait souffrir et il fit la moue lorsqu'elle lui avoua qu'elle avait déjà été blessé à cet endroit... Mince. Les joues rouges de honte, il finit par regarder doucement sous le chemisier de son interlocutrice après s'être assuré qu'elle lui en donnait le droit. Ce qu'elle fit en le soulevant elle-même.
Il observa l'hématome qui y résidait. Une chose était certaine, ce n'était pas lui le fautif. Même si le choc avait été violent, il n'était pas suffisant pour laisser ce genre de marque aussi rapidement. Cependant, cela avait l'air d'être une trace en voie de guérison.

Il se mordit la lèvre inférieure légèrement et prit une grande inspiration.
"Comment vous-êtes vous fait cela? Ca m'a l'air en voie de guérison, mais..." Cette jeune femme lui rappelait vraiment quelqu'un, mais il ne pouvait pas être certain, avec tous les blessés qu'il voyait chaque jour. De fait, il ne se souvenait pas d'avoir apporté les premiers secours à cette jeune femme.
"Les côtes sont fêlées ou cassées?" demanda-t-il en observant toujours avec beaucoup de respect. "Je pense qu'il vaudrait mieux voir un médecin pour passer un scanner... Avec le coup que je viens de vous donner et la douleur, on est jamais trop prudent.." déclara-t-il finalement.

"Je... Je vous emmène, si vous voulez, ma voiture n'est pas très loin..." A vrai dire, c'était celle de ses parents, puisqu'il était pas loin de leur maison, où il se rendait pour récupérer les enfants. "Ou peut-être que ce serait mieux que je vous appelle une ambulance..." Il ne pensait pas que cette blessure nécessitait une ambulance et qu'il serait même plus rapide qu'il l'emmène, puisque lui-même était secouriste et savait quoi faire en cas de problèmes... Mais, sa confiance en lui était amoindrie...

Je crois qu'on se connaît, non?

feat. Read A. Priest & Lisbeth Larsson

Oui, Lisbeth venait tout juste de lever son chemisier juste assez pour que le secouriste puisse examiner sa blessure. Elle savait que l’hématome n’était franchement pas beau à voir mais au moins, il était en voie de guérison. Son regard douloureux et devenu curieux s’était posé sur le jeune homme qui observait sa blessure. Avait-elle empiré ? Était-elle aussi affreuse à voir ? En tout cas, Lisbeth espérait qu’elle ne s’était pas étendue. Tout ça à cause d’un manque d’inattention…

« Je suis tombée… Ou plutôt, je me suis jetée au sol pour… Pour éviter une balle. »

Ce n’était plus un secret pour personne. C’était elle qui avait appelé la police et les secours après que Maverick eût été blessé par balle. Quant à elle, elle s’était mise dans un coin pour observer la scène de loin, sous le choc. Elle se rappelait vaguement que quelqu’un était venu vers elle pour s’assurer qu’elle n’était pas blessée mais tout restait très flou dans sa mémoire, chose extrêmement rare de sa part.

« Elles sont fêlées. Trois côtes. »

Lisbeth écarquilla les yeux quand il lui fit savoir que ce serait plus prudent de se rendre à l’hôpital pour contrôler que rien n’était cassé. Quand l’examen de son hématome fut terminé, elle laissa retomber le bas de son chemisier blanc, soudainement refroidie. Elle devait encore se rendre à l’hôpital ? Elle haïssait ce lieu et pourtant, il lui avait sauvé la vie par deux fois déjà. Mais pour la faire y aller, c’était une autre paire de manche.

« Vous êtes sûr que c’est nécessaire d’y aller ? »

Même si respirer lui était à nouveau aussi aisé qu’auparavant, la jeune suédoise essayait d’esquiver une petite visite de courtoisie dans cet établissement lugubre. Pourtant, tout au fond d’elle, elle savait qu’il serait plus prudent qu’elle y fasse un crochet pour s’assurer que rien n’était cassé ou déplacé.

« Une ambulance ? Non, je ne suis pas à l’article de la mort, quand même ! »

Et même si elle l’était, elle émettrait encore des réserves. Si Read insistait encore une fois, elle se résoudrait à y aller, n’ayant plus la force de résister bien longtemps, épuisée par les évènements passés et surtout par le fait de devoir constamment être vigilante.