Mon portable vibre, je viens de recevoir un mail de Nate le capitaine de l’équipe de basketball. Il organise une fête dans la villa de ses parents ce week-end et des invités peuvent y être conviés. Il annonce même qu’une équipe féminine de basketball est sur le point d’être formée. Je  souris car l’idée est excellente. Mêlé des hormones mâles à la douceur d’une femme ; et vous obtiendrez un sac remplit de pervers. Ils auront comme seul objectif de se jeter sur ces créatures en short court et maillot moulant. Mas le contraire vous aura surpris. Ni une, ni deux ; je lui réponds que je serai de la partie. Je ne suis pas le genre à venir les mains de vide lorsque l’on m’invite. J’ai donc envie d’apporter une bonne bouteille de vin. Et pourquoi ne pas allez en acheter une chez mon caviste préféré. Je descends les marches de mon immeuble et passe par le parc ‘Tercentenary Theatre’. D’un pas dynamique, je regarde à peine l’herbe fraichement coupé et les fleurs qui commencent à bourgeonner. Puis, une voix féminine m’interpelle. Je m’arrête, me retourne et qui vois-je ? « Anna ? » m’exclamais-je. Ce n’est pas possible, que faisait-elle à Boston ? J’avais envie de me cacher dans le trou d’une petite souris. D’un seul instant, tout me revenait… Notre rencontre, notre histoire puis cette lettre. Celle que j’avais écrite en prenant la fuite lâchement sans lui donner d’explication. Aujourd’hui, je le regrettai mais le passé reste au passé et je ne peux pas revenir en arrière.
Mettant la main dans mes cheveux, à la fois gêné et ne désirant pas ressassé le passé avec Anna ; je préférais écourter la rencontre : « Je suis ravi de te revoir mais j’ai un rendez-vous important que je ne dois pas manquer, excuse-moi mais j’y vais. A bientôt Anna ». Ce n’était pas un comportement digne d’un jeune homme mature. Je fuyais encore le présent mais putain, mais qu’est ce qu’il m’arrivait ? Deux rencontres d’ex en l’espace de quinze jours et me voilà perturbé. Détournant les talons, baissant la tête et avançant à mon ‘rendez-vous’ fantôme. Je réfléchis puis trois mètres plus loin m’arrêtèrent. Un instant, je pris conscience de la connerie que je venais de dire.  Je n’allais pas encore revivre ce passé une seconde fois. Mon regard se pencha sur une rose rouge. M’avance, la cueille et me pique. Je suce le doigt qui saigne et retourne auprès d’Anna. Je lui tends la rose, le sourire au coin : « Excuse-moi pour tout ce que je t’ai fait, je suis sincèrement désolé Anna… J’étais jeune et con ». A dix-huit ans, on n'a pas conscience de la vie. Je l'avais blessée et ça, j'en étais sur.

Je ne pensais pas le revoir genre jamais. Il avait disparu de la circulation trop rapidement et ça simple lettre m'avait laissée seule, tellement seule. J'avais déprimée pendant plusieurs semaines, avais essayé de le retrouver sans aucune chance. Ca avait vraiment été une mauvaise passe et à cause de lui j'avais perdu toute confiance en l'amour. Je n'avais d'ailleurs pas eu de relations sérieuses depuis lui. Alors le revoir là, ici, à Harvard c'était juste insensé. J'aurais pu le laisser passer sans l'interpeler mais non ça avait été plus fort que moi, je l'avais appelé pour je ne sais quelle raison. Je m'étais levée lui courant limite après. J'sais pas vraiment ce que je cherchais ni comment j'allais réagir quand il ouvrirait la bouche. Je me trouve devant lui sans savoir quoi dire. Je voyais bien que ma présence le gênait, qu'il n'était pas du tout à l'aise face à moi. Il pouvait, franchement je n'avais pas d'empathie là. Et puis il prononce mon prénom avant d'en dire plus. Moi je l'observe de la tête au pied. Il est plus développé, plus fort c'est un homme, un vrai. Et il ouvre enfin sa bouche pour me dire qu'il est pressé. J'ouvre les yeux en grand, il est sérieux là ? Je le regarde partir, la colère me monte et colore mes joues d'un rouge vif. Je m'apprête à faire demi tour quand j'entends des pas rapides qui s'approchent de moi. Je tourne la tête et lui jette un regard noir. Une rose, vraiment ? J'écoute son baratin et croise mes bras. Une rose, sérieusement ? Tu peux te la foutre où je pense. Je secoue la tête pleine d'énervement. T'as pas changé hein, tu crois que d'un claquement de doigt tout est rentré dans l'ordre ? Je m'avance un peu vers lui pour lui faire face. Ca fait des années qu'on ne s'est pas vu, c'est du passé maintenant. J'sais même pas si j'ai envie d'entendre tes excuses. Je scrute sa rose qui m'exaspère et lui tourne le dos pour aller m'assoir sur le banc où je me trouvais avant qu'il ne fasse irruption dans ma vie. Je m'allume une clope et tire dessus comme si ça allait tout changer.

A dix-huit ans, on n’a pas conscience de la vie et de ses tourments. A présent, je regrette mais Anna n’en démord pas. Elle m’en veut terriblement. Furieuse, elle refuse ma rose. Les bras croisés, elle me répond sèchement d’aller me faire voir et cela me fit sourire. « Je vois que tu n’as pas changé, toujours ce tempérament de feu. Peux-tu te calmer un instant ? Puis-je en placer une ? » Droite dans ses chaussures, elle est devant moi. Sure d’elle et pleine de rancœur, elle me déteste. « Je sais bien que c’est difficile de revenir en arrière mais quand finiras-tu par m’écouter ? ». Elle me tourne le dos et s’assoie sur un banc. Les mains dans mes cheveux, je ne sais plus quoi faire. Cette situation tourne en ma défaveur. Elle a les raines et moi et m'en passe une, pour aller me pendre.
Nous sommes restés quelques minutes à s'éviter, sans se parler. Ces dernières m’ont paru être des heures. Elle sur son banc en train de fumer et moi, débout à la scruter. Je m’approche d’elle et m’assoie à ses côtés. « J’ai bien compris que tu ne veux pas de mes excuses et que tu me détestes mais aujourd’hui, je m’en veux terriblement ! Crois-moi s’il te plait ». Quoi dire ? Que faire ? Mon cœur se serre quand j’évoque le passé, notre histoire. « Je n’ai rien oublié, comment t’oublier ? Il n’y a pas une seule seconde où je n’pense pas à nous, à notre histoire et à cette putain de lettre ! » . Je quitte le banc furieux de mon comportement d’antan. Accroupi, les mains sur ma tête, je suis désarmé.

Vivre avec des regrets, ce n’était plus vivable. Je n’avançais plus, je pensais sans arrêt à cette histoire. Cela me rongeait de l’intérieur. Je devais tout lui raconter. Elle était là, à quelques centimètres de moi. Calme et apaisée, elle ne disait rien. Nous étions assis sur le banc. Sa main posait sur mon épaule. J’étais prêt à lui avouer ce que j’avais sur le cœur. L’ambiance était devenue plus  calme, moins pesante qu’au début. Elle était silencieuse et attendait que je lui confie les raisons de ce départ. Je pris mon courage à deux mains et commença par lui dire : « J’ai fui mes responsabilités, j’ai eu peur que cela devienne trop sérieux… Je nous voyais déjà mariés avec des enfants… Je sais… c’est ridicule mais je le regrette… ». Certes, je n’avais pas de raisons valables, ni d’excuses mais simplement ce que j’avais sur le cœur. « Ces raisons sont sans doute futiles mais pour éviter de te les dire en face, j’ai du laisser cette lettre… Je savais que tu n’allais pas comprendre… J’avais peur Anna. Je suis désolé… » Posa ma main sur la sienne. Me pardonnera-t-elle un jour ? J’en doute.