Stockholm, 15 mars 1990 :
La naissance d’un enfant devrait être un jour béni et heureux dans la vie de parents. Mais rien ne se passe normalement dans la vie de Lisbeth. Pas même sa conception fut normale. Sa mère, Anja, qui avait alors 19 ans, avait eu le malheur de croiser le chemin d’un dénommé Jan, originaire d’Europe de l’Est. Elle tomba sous le charme de ce beau blond aux yeux clairs qui contrastait avec les cheveux noirs et les yeux marron de la jeune femme. Ce qu’elle ignorait, c’est qu’il n’avait rien d’un enfant de cœur. Jan sut la mettre faussement en confiance et lui promit monts et merveilles pour que la pauvre Suédoise cède à ses avances. Malheureusement, la patience de Jan avait ses limites. Ne pouvant obtenir ce qu’il voulait, c’est-à-dire la virginité et le corps de cette pauvre fille, il se l’appropria simplement sans vergogne un soir de juin 1989. Le beau blond, qui n’avait alors plus rien d’attirant et tout de monstrueux, abandonna le corps meurtri d’Anja dans le parc où il lui avait donné rendez-vous. La jeune femme reprit connaissance quelques heures plus tard, aux premières lueurs de l’aube et, craignant les jugements, n’osa se rendre ni à la police ni à l’hôpital. Elle rentra simplement chez elle, toute claudicante et morte de honte.

Neuf mois plus tard, Lisbeth vit le jour. Au lieu de faire le bonheur d’Anja, cette dernière craignait pour la sécurité de sa fille. Jan lui avait rendu visite à plusieurs reprises durant sa grossesse et il ne s’était pas gêné pour la gratifier de coups et de sévices tous plus humiliants les uns que les autres. Le jour de la naissance de sa fille, Jan rendit visite à la maman. Il affirma sa paternité et reconnut Lisbeth pour le plus grand malheur d’Anja. La jeune maman se promit alors une chose : elle protègerait sa fille de cette brute, coûte que coûte.

Enfance de Lisbeth, Stockholm :
On ne peut pas dire que Lisbeth soit une enfant particulière. Ce n’est certainement pas la plus belle des fillettes non plus : cheveux longs et châtain, regard noir en permanence froid. Son style vestimentaire n’était pas entraînant non plus : jeans un peu trop grands pour elle, vieux pulls en laine et survêtements, rien de transcendant. A l’école, elle était plutôt réservée et restait dans son coin. La fillette n’avait pour ainsi dire aucun ami. De toute façon, tout le monde la fuyait comme la peste. Elle ne se distinguait pas non plus par des notes fulgurantes. En réalité, elle se trouvait invisible et c’était bien ainsi. A la maison, tout n’était pas rose non plus. Elle vivait en permanence dans la crainte que son père rentre et s’acharne sur sa pauvre mère. Mais jamais Jan n’avait levé la main sur sa fille. Par contre, les insultes fusaient souvent à son égard : idiote, débile, bonne à rien, petite chienne, et j’en passe. Lisbeth restait indifférente face à ces injures. Ce qui la mettait en colère c’était quand son père battait sa mère, sans relâche, jusqu’à ce que cette dernière s’effondre au sol. Puis l’homme blond repartait comme il était venu. Dans ces moment-là, la fillette savait rester à sa place. Sa mère lui avait ordonné à maintes reprises de ne pas intervenir et de rester dans sa chambre quand son père rentrait. Elle avait su obéir, jusqu’à ce jour où Jan, ivre comme toujours, s’acharnait plus longtemps que d’habitude.

Lisbeth entra dans une colère noire quand elle constata qu’elle n’arrivait pas à réveiller sa mère. Elle se remit sur ses pieds après avoir secoué Anja par les épaules. Son regard perçant balaya la cuisine et s’arrêta sur un couteau pointu et tranchant. Elle s’en empara et se rua hors du petit appartement. La fillette dévala les escaliers et sortit de l’immeuble. Jan était déjà dans sa voiture et son regard bleu s’arrêta sur sa fille qui courait vers lui, couteau levé au-dessus de sa tête. Elle asséna son premier coup au niveau de l’oreille gauche puis le deuxième dans son œil gauche. Le dernier coup toucha l’homme à la poitrine. Jan s’effondra, du sang coulant de ses multiples plaies. Lisbeth, quant à elle, courut à l’appartement et appela les secours pour sa mère.

Fin de l’enfance et adolescence de Lisbeth, Stockholm :
D’affreux hurlements retentissaient dans les couloirs blancs et sombres de l’hôpital pédopsychiatrique de Stockholm. Il provenait tous d’une même chambre (ou cellule) : la 109. Une jeune adolescente était attachée aux montants de fer du lit sur lequel elle était allongée. Elle était simplement vêtue d’une chemise d’hôpital et d’un short blanc. Elle se débattait furieusement contre les attache-poignets et chevilles qui entravaient le moindre de ses mouvements. Et elle hurlait et pleurait en même temps. Depuis des heures, elle s’époumonait à s’en casser la voix. Et personne n’était venu. Jusqu’à ce qu’une clé tourne dans la serrure : le docteur Sorenson venait d’arriver. Il passait beaucoup de temps avec sa jeune patiente. A chaque fois, Lisbeth aurait voulu mourir plutôt que de voir sa sale tronche.

« Donnez-moi la seringue. »

L’ordre avait claqué dans l’air froid de la cellule. Lisbeth hurla de plus belle, se débattit et cracha même sur le médecin. Elle tenta bien de lui envoyer un coup de pied mais elle ne se fit qu’un peu plus mal. L’aiguille s’enfonça dans sa cuisse et une sensation de brûlure remonta le long de son corps. La jeune fille se débattit encore un moment avant de sombrer dans un état de semi-conscience. Elle entendait tout ce qui se passait dans la pièce et tout lui semblait tellement loin… Très loin… Même quand on la touchait pour prendre Dieu sait quelle mesure (ou autre chose…), elle avait l’impression que c’était des mains fantômes qui la touchaient.

Ce calvaire dura jusqu’à ses 18 ans. Quand Lisbeth fut majeure, elle put sortir de cet asile de fous. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas vu le jour. Sa peau pâle eut du mal à s’habituer au soleil. Pas un mot ne sortit de ses lèvres quand elle quitta ce lieu morbide et elle partit sans se retourner.

De 2008 à 2017, Stockholm et un peu partout en Europe :
Lisbeth fut mise sous tutelle. Les rapports du docteur Sorenson n’étaient pas très engageants et il lui avait découvert tout un tas de troubles psychiatriques tous aussi fictifs les uns que les autres. De ce fait, la jeune femme fut jugée incapable de gérer ses fiances ni même de travailler. Elle emménagea dans un studio d’un quartier populaire de Stockholm et une petite somme d’argent tombait tous les mois sur un compte en banque dont elle avait accès. Elle eut même droit à un ordinateur potable. Elle qui n’avait jamais posé les yeux sur un objet pareil se fit vite la main. Elle apprit par elle-même les rudiments d’un tel outils avant d’en devenir la parfaite maîtresse. Quand Lisbeth comprit tout ce qu’elle pouvait faire avec un ordinateur, sa vie changea. Elle trouva même un travail dans une compagnie de sécurité. Elle était souvent engagée pour faire des recherches sur des personnes pour des clients privés. Elle était bien souvent recommandée par son patron qui jamais ne l’avait jugée et lui avait offert sa chance quand il avait compris ses capacités.

Pour la première fois en presque 10 ans, Lisbeth rendit visite à sa mère. Anja était hospitalisée, ne s’étant jamais remise des derniers coups que Jan lui avait asséné. Quand elle arriva dans la chambre de sa mère, Lisbeth eut un coup au cœur. Mais comme toujours, elle n’en montra rien. Quand Anja reconnut sa fille, elle se mit à pleurer et s’excusa de ne pas lui avoir trouvé un meilleur père. Lisbeth la rassura, lui rappelant qu’il lui avait fait du mal à elle. Quelques mois après cette visite, Anja décéda. Peut-être avait-elle attendu la venue de sa fille unique avant de lâcher prise… Le décès de sa maman anéantit Lisbeth qui quitta la Suède pour parcourir l’Europe.

Elle se faisait appeler Irène, Maja, Lena ou Jena. Tant d’identités différentes pour la gestion de son argent caché : comptes en Suisse, dans les Îles Caïman ou en Jamaïque. Lisbeth s’amusait à récupérer l’argent détourner par des hommes d’affaire malhonnêtes ou des entreprises frauduleuses. Elle redistribuait toujours l’argent aux personnes lésées puis s’allouait un certain pourcentage de l’argent restant, incognito.

Quand elle prenait son rôle de hackeuse, Lisbeth devenait Wasp. C’était peut-être son identité préférée. Elle a également travaillé sur certaines affaires avec un journaliste d’investigation connu qui avait su être son ami et l’avait parfaitement comprise. D’ailleurs, il était un des seuls à en connaître autant sur sa vie.

Lisbeth menait sa petite vie jusqu’au jour où elle changea de tuteur. Elle fut alors à la charge d’un sale porc qui lui demandait des faveurs sexuelles en échange d’un peu plus d’argent à sa disposition. Elle aurait pu passer outre, ayant des comptes cachés un peu partout dans le monde, mais Lisbeth déteste les hommes qui s’en prennent aux femmes. Alors un soir, elle décida de l’appeler, prétextant avoir besoin d’un peu plus d’argent. Elle s’attendait à lui faire une gâterie mais son tuteur en voulait plus.

« Si tu es sage, je serai sage aussi. »

Ces mots susurrés à son oreille glacèrent Lisbeth. Elle voulut fuir mais un poing s’abattit sur son visage. Elle perdit connaissance quelques minutes, le temps pour que l’homme l’attache aux montants de son lit. Les longues années passées en hôpital psychiatrique remontèrent à la surface et la jeune femme se débattit, encore et encore, hurlant sous son bâillon. Mais rien n’arrêta son tuteur qui la viola pendant deux heures avant de la laisser partir.

Lisbeth parcourut les rues de Stockholm en claudiquant, comme sa mère plus de vingt ans plus tôt. Une fois chez elle, elle chercha dans son sac sa caméra : elle avait filmé toute la scène. Elle allait pouvoir se venger.

Quelques jours plus tard, elle se rendit à nouveau chez son tuteur. A peine ouvrit-il la porte quand elle sonna qu’elle lui envoya une décharge avec son teaser. L’homme s’effondra au sol. Lisbeth le traîna dans la chambre et ligota ses poignets et ses chevilles après l’avoir déshabillé. Quand sa victime se réveilla, elle lui ordonna de lui laisser disposer librement de son compte et de demander la révocation de sa tutelle. S’il refusait, elle diffuserait la vidéo dans les médias et sur le net. Sur quoi elle enclencha le DVD et laissa le violeur regarder ce qu’il lui avait fait subir. Après ce visionnage, elle le détacha et lui conseilla de ne pas déconner car elle surveillerait ses moindres faits et gestes.

Deux mois après cette visite à domicile, Lisbeth était libérée de sa tutelle.

Été 2016, Stockholm :
« Tu vas à Harvard. »

« Ta gueule, Alex, t’as vu ma tronche ? »

Lisbeth aurait très bien pu rire à cette phrase débile prononcée par son patron.

« Tu suivras un doctorat en informatique. Bien sûr, il te faudra passer les fameux SAT's pour prouver ton niveau mais je ne me fais aucun soucis pour toi. »

Une main s’abattit sur le bureau d’Alexeï.

« Qu’est-ce que tu veux que je foute là-bas ? »

« Tu gâches tes capacités en travaillant ici. Tu vas obtenir ton doctorat en informatique et tu auras un meilleur job. »

Lisbeth éclata de rire.

« Dans tes rêves. »

Elle quitta le bureau du patron et laissa la porte grande ouverte derrière elle. Quelques jours plus tard, elle recevait sa lettre d’admission à Harvard. Un doctorat ? Elle n’avait même pas de Bachelor ni de Master. Mais apparemment, Alex avait vanté ses mérites et connaissait le directeur d’Harvard. Mais s’il croyait qu’elle allait postuler bien sagement dans une entreprise et faire partie d’une équipe de travailleurs, il se fourrait le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Et puis elle suivrait les cours qu’elle voudrait. Si elle voulait sécher, elle le ferait, Harvard ou pas.

C’est ainsi que Lisbeth Larsson débarqua aux Etats-Unis, dans sa dégaine habituelle, peu avant la rentrée académique de la fin de l'été 2016 pour passer ses SAT's. Comme elle s'y attendait, ce ne fut qu'une formalité, ayant passé avec succès ses examens. L'entretien aurait pu la pénaliser vu son caractère mais elle impressionna les personnes présentes dans la pièce. Elle allait droit au but, restant elle-même. Si ça ne plaisait pas, tant pis! Comme vous vous y attendez, elle fut acceptée dans la prestigieuse université. Alors faites attention, un génie est arrivé sur le sol américain avec un lourd bagage !