Ce bébé ne verra jamais la lueur du jour, ne verra jamais le sourire de ses parents, que ce soit moi ou des parents adoptifs. Il ne vivra tout simplement jamais, et ce par ma faute., parce que je n’ai pas voulu avorter . Non plutôt parce que j’en ai parlé à Darwin, j’aurai dû garder cela secret. Vivre cette grossesse seule, de toute façon c’était déjà le cas ; je n’aurai pas fait confiance à Darwin, il ne m’aurait pas emmené à l’hôpital, il ne m’aurait pas ramené et je n’aurai pas eu cet accident qui lui a coûté la vie ... à mon bébé, pas le sien non. Ce n’était qu’un géniteur, qui n’en a jamais rien eu à foutre, ne voyant ce bébé que comme un « héritier. ». Il ne le voulait auprès de lui que pour quoi . De peur qu’il débarque dans une vingtaine d’années et lui demande du fric, ou je ne sais quoi d’autre. Il n’aimait pas cet enfant, sinon il aurait compris ma décision de vouloir le faire adopter. « Oui… j’ai toujours aimé les prénoms commençant en N . J’étais heureuse d’avoir un garçon… J’ai toujours rêvé d’avoir deux enfants. Un garçon en premier, et une fille en deuxième. Il aurait joué le grand frère protecteur… » dis-je d’une voix calme, mais lointaine. Ce fantôme va me hanter, me hante déjà et je ne sais que faire contre lui . Je ne veux pas l’oublier, l’effacer comme un claquement de doigt. « C’était un accident... tout ce qui est arrivé n’était qu’un accident, qu’est-ce-que tu veux que je fasse ? » ce qui s’est passé au Summer Camp, l’alcool, le fait que nous ne nous soyons pas protégé, cette grossesse… oui c’était un accident... et la voiture également.

Les dires d’Alejandro n’ont presque aucun effet sur moi. Bien sûr je pourrai avoir d’autres enfants. Physiquement parlant, rien n’a été touché, juste une césarienne pour faire sortir le corps sans vie de mon garçon. Mais mentalement, l’envie n’est plus là, comment pourrai-je être heureuse de tomber enceinte en sachant que le premier est mort dans ce ventre. Comment pourrai-je tenir un bébé dans mes bras, sans me dire, sans me répéter, que j’aurai dû avoir la joie de tenir mon propre bébé bien avant. Un fantôme ne disparaît jamais, ces souvenirs ne disparaîtront jamais. « Oui c’est possible, mais l’envie n’est plus là Ale… et je ne pense pas que quelqu’un puisse réussir à me faire changer d’avis. » dis-je en haussant les épaules. Que ce soit un psychologue, une thérapeute, aucun d’eux ne sait vraiment ce que je ressens. Même Darwin, je ne pense pas qu’il puisse comprendre, je ne sais même pas comment il a réagi, et à vrai dire je m’en fiche un peu. « Parce que tu crois que ça me faisait plaisir de l’avoir dans ma vie . Il n’y avait rien entre Darwin et moi ! On essayait de s’entendre durant cette grossesse, de se parler le plus normalement possible, mais même là, j’étais obligé de faire attention à ce que je disais pour ne pas le vexer ou autres ! » dis-je en soupirant en levant les yeux au ciel. S’il y a quelque chose que je peux retenir de positif c’est bien le fait que je n’ai plus rien en commun avec Darwin.

Je lève légèrement les yeux au ciel aux dires d’Alejandro. Je te l’avais dit… oui je sais. Nekho m’avait averti également, qu’à force de trop jouer avec le feu, je finirai par me brûler mes ailes. Que cela me retomberait dessus si je ne faisais pas plus attention avec les garçons que je fréquentais. Que l’alcool reste un péché, qu’il me ferait perdre la tête si je n’avais pas de limite. Je n’ai pas eu de limite ce soir-là, je n’ai pas fait attention avec Darwin, et tout cela me vaut d’avoir perdu mon premier bébé, et de me retrouver aujourd’hui sur un lit d’hôpital, incapable de bouger la tête de droite à gauche sans souffrir le martyre à cause de ces foutues cervicales. « Oui mais je ne pouvais pas ne pas lui dire… De toute façon il aurait fini par savoir que j’étais enceinte… Harvard est grand mais les rumeurs circulent vite. » dis-je en haussant légèrement les épaules. De toute façon, je ne peux pas revenir, je ne peux m’empêcher moi-même de monter dans cette voiture avec lui. Je n’ai qu’à vivre avec ça sur la conscience, et le fait de savoir que le jeune espagnol m’avait prévenu, ne m’aide absolument pas. « Je crois que je vais retourner en Égypte

Lentement je hoche la tête aux dires d’Alejandro. Oui avec des si, je peux imaginer ce que je veux, croire que tout ceci ne serait jamais arrivé, que le destin ne s’acharne pas contre moi, ou qu’il ne s’agit pas simplement d’une punition de Dieu car ce bébé hors mariage n’aurait, de toute façon, pas du naître. Je préfère laisser tomber, parler de tout ça, à quoi ça sert ? la blessure n’est pas cicatrisée, encore à vif , ayant l’impression de vivre cet enlèvement de mon bébé comme une opération à cœur ouvert. Du temps, voilà ce dont j’ai besoin, du calme, du repos, m’éloigner de cet endroit pour oublier, espérer cicatriser ainsi, ou plutôt faire mon deuil, le deuil de ce bébé, que je n’aurai jamais l’occasion de connaître, ou même de voir . Je ne l’ai même pas vu, je ne sais même pas où ils ont emmené mon garçon. Et la simple idée qu’il soit dans un lieu vide, froid, son petit corps à peine formé, recouvert d’un drap blanc, me donne des frissons dans le dos. Peut-être n’est-il qu’à quelques mètres de moi ? « Je ne sais pas si c’est la meilleure décision, mais j’ai besoin de m’éloigner… de tout ça. Et ma ressource, mon énergie… je la puise de ma famille » dis-je en haussant légèrement les épaules, grimaçant légèrement aux douleurs que cela me fait ressentir, il vaut mieux que j’évite à l’avenir. « Ils ne sont pas au courant… » dis-je en baissant les yeux. Je leur ai caché cette grossesse, mais c’est peut-être la meilleure solution finalement. Je serai tranquille là-bas, pas de question sur le bébé… un bon moyen pour oublier.

La jeune femme forte en moi, aurait bien envie de lever les yeux en cet instant précis car pour le coup, elle se cache au plus profonde de moi pour le moment, n’ayant aucunement envie de sortir ou même de montrer simplement, me laissant seule avec des pensées parfois néfastes. Mais je pense tout de même que partir en Égypte est un moyen de m’éloigner de toute cette histoire, et avec mes frères et sœur, je sais que la déprime restera éloignée de moi, tout comme la solitude. C’est ça dont j’ai besoin, d’être entouré, d’avoir des rires et des sourires en réponse à mes questions et mes interrogations sur l’avenir. «de toute façon, je ne partirai pas de suite . il me faut un peu de temps pour récupérer physiquement. Je ne me vois pas tenir 20 heures d’avion pour le moment. » dis-je en levant légèrement les yeux au ciel. Rien que de rester assise sur ce lit, c’est compliqué avec cette foutue minerve. J’avoue finalement à Alejandro que je n’ai finalement pas prévenu mes parents pour cette grossesse non désirée. « Oui je sais… il n’y a plus vraiment de raison de leur dire et de les décevoir à présent… Je peux enterrer ce secret avec mon bébé... »