J’avais merdé avec Gabrielle. La brune était la meilleure amie de Noah et en y repensant, lui balancer en quelques mots ce qui était arrivé au mariage et dans quel état critique se trouver le brun, tout ça par sms, sans y mettre le ton, sans pouvoir tenir sa main, lui tendre un mouchoir ou la prendre dans mes bras, ça n’avait pas été très prévenant. J’aurais du lui annoncer que je devais lui parler, et faire les choses bien, en face à face… Mais l’art d’annoncer les mauvaises nouvelles me dépassait. J’allais tâcher de faire mieux avec un autre camarade Eliot. Darwin. Cousin de Noah, nous ne nous fréquentions pas spécialement, nous connaissant uniquement de loin pour le moment, mais je me devais de le tenir au courant des récents événement et de l’état de santé de d’Aremberg. Me voilà donc, téléphone en main, écrivant, effaçant, tâchant de faire mieux que la dernière fois. J’optais pour une solution : le faire venir ici, persuader que l’annonce que j’avais à faire serait plus facilement digérable ainsi. Je patientais ensuite dans la salle d’attente, un peu anxieux. Un air grave sur le visage, pas du tout conscient du stress que mon message et mon attitude risquait de provoquer chez le blond. Le tact à la Wildingham, définitivement à revoir.  

Je tournai en rond en attendant, faisant les cents pas dans la salle d’attente, allant de temps à autre jeter des coups d’œil dans le couloir. Et la silhouette du grand blond, son casque sous le bras apparut finalement au bout du couloir. « Par là Darwin. » l’interpellai-je ne lui faisant signe de me rejoindre dans salle d’attente, déserte. Il y avait des sièges, c’était parfait pour lui annoncer « en douceur » l’état de son cousin. Sauf qu’il avait un air plus qu’inquiet sur le visage, ce qui me fit penser que mes textos avaient peut être étaient inadaptés encore une fois. « Assieds toi… » lui soufflai-je en désignant l’une des chaises avant de faire de même, de prendre une grande inspiration, cherchant mes mots, les bonnes paroles pour lui annoncer cela. Je ne réalisais même pas que mon mutisme, mon temps de réflexion, ma mine grave et mon ton plus que sérieux, tout ça risquait de lui faire envisager le pire. Même mon introduction était probablement maladroite, alimentant surement ses pires inquiétudes : « C’est au sujet de Noah. J’ai une mauvaise nouvelle à t’annoncer »  

Il avait l’air perdu inquiet, et je réalisais que même en essayant d’être plus délicat que dans mon annonce par sms avec Gabrielle, j’avais du encore être maladroit. Je lui indiquai de s’assoir, ce qu’il fit et je me posais face à lui, cherchant mentalement les bons mots, la bonne façon d’aborder cette révélation douloureuse. Je commençais par prononcer le prénom de son cousin, de mon ami, celui au sujet duquel je l’avais convoqué ici aujourd’hui et Darwin se raidit aussitôt face à moi. Quelques secondes figé par mon introduction. Je n’eus même pas le temps de finit, de raconter ce qu’il s’était passé que le garçon bondit de son siège, me demandant où se trouvait l’intéressé. « Darwin, calme toi… Attends, laisse moi t’ex… » commençai-je, ma main cherchant à saisir son bras pour le retenir mais il faisait déjà les cents pas dans la pièce en me répétant de lui révéler où était son cousin. « Ils sont en train de lui changer sa perf là, ou un truc du genre, j’y connais rien moi. » Je me levai à mon tour, ancrant mes mains sur ses épaules pour l’immobiliser un instant, pour capter son regard et reprendre : « Darwin écoute moi : Noah va mal. Il est actuellement dans le coma. Il s’est fait tirer dessus. »  

 Son regard paniqué s’emprunt d’une lueur agacée lorsque je le retins de mes mains sur ses épaules. Je tâchais de le préparer à ce qu’il allait voir ensuite : le corps inerte de son cousin, les perf, le respirateur tout ça. Et pour le préparer il fallait qu’il sache un peu ce qui s’était passé. Je tâchai de lui résumer, brièvement les évènements et l’état de santé dans lequel se trouvait désormais son cousin victime de tirs. « Il était venu au mariage de la mère, parce que je l’avais invité… Sauf que… » Je déglutis difficilement, les images de la prise d’otage, de l’arrivée du groupe armé, des cris, des tirs, du sang, tout me revenait en flash dans ma tête… « Sauf que rien ne s’est passé comme prévu. Des mafiosos ont débarqué, cherchant mon beau père et puis ça a dégénéré. » expliquai-je avant d’ajouter, d’une voix coupable : « C’est ma faute tout ça, je suis tellement désolé Darwin. » Sauf que le blond n’était pas très réceptif, une seule chose l’intéressait : voir son cousin. Il ne serait pas en mesure de m’écouter tant qu’il ne l’aurait pas vu, tant qu’il ne se serait pas assuré qu’il était bien toujours en vue. Je relâchai donc mon interlocuteur : « Suis moi, je t’emmène dans sa chambre. » Et je quittai la salle d’attente sur ces mots, arpentant le couloir jusqu’à la porte de Noah. L’infirmière venait de sortir, ayant fini ses soins. « Il est là. » fis-je en me dirigeant donc vers la chambre.  

 Il ne parlait pas, ne disait rien, se murait dans un silence inquiétant. Est-ce que j’avais encore fait une boulette ? Est-ce qu’il allait péter un câble comme Gab ? Je le scrutais inquiet, un instant avant de le conduire vers la chambre, puisque ça semble être la seule chose qu’il attende de moi : que je l’emmène auprès de son cousin. Noah était là, étendu, inconscient. Respirateur pour assurer sa ventilation, perfusion dans le bras pour lui apporter les nutriments nécessaires à sa survie, moniteur au dessus du lit affichant ses constantes. Pouls, tension, saturation. Je sursautais presque en entendant Darwin retrouver l’usage de la parole. Son ton ne me disait rien qui valle. Agressif, méfiant, haineux. Et pourtant, il était l’un des seuls à qui j’allais le dire, envers qui j’allais être franc et l’avouer ouvertement : « C’est ma faute oui. Je l’ai invité. C’était le mariage de ma mère, il était là pour moi. Et... Tout a dégénéré. » Ma voix se cassa au creux de ma gorge alors que la scène se rejouait dans ma tête. « Des russes ont débarqué, armés jusqu’aux dents. Ils gueulaient qu’ils voulaient le marié. Mais il avait été évacué avec ma mère par la sécurité. Les ruskovs ont perdu patience, ils ont commencé à nous menacer. Ils ont mis en joug ma sœur… » Un frisson parcourut mon échine alors que je revoyais l’assaillant pointer son flingue sur ma jumelle. « Alors j’ai feinté, j’ai raconté n’importe quoi, un bobard, je leur ai indiqué un endroit où se serait planqué le marié… Je pensais qu’il n’y avait personne dans cette pièce, mais quand ils ont ouvert, y’avait Noah… » Mon visage grave se tourna alors vers le lit du grand brun et je déglutis difficilement, attendant la sentence du jeune homme.