Il avait l’air intrigué, curieux, agacé peut être aussi un peu par mon irruption comme ça devant chez lui, mais je n’avais pas l’impression de déceler de jalousie dans ses yeux, dans ses expressions… Un fiancé qui voit débarquer un ex de sa promise devant son nez, normalement, ça provoquait des élans de jalousie ça non ? Ou peut être qu’il se disait juste que je n’étais pas une menace, que comme Gabrielle ne lui avait apparemment, jamais touché mot à mon sujet, peut être qu’il se disait que je n’étais rien pour elle. Et il avait surement raison, je n’étais rien. Et ça rendait ma visite ici et mes questions encore plus pathétiques… J’étais vraiment dingue de m’accrocher comme ça à quelqu’un qui n’en avait de toute évidence rien à faire de ma pomme. J’essayais de ravaler ma déception de constater l’indifférence de la jeune femme, expliquant ensuite la raison de ma venue, les rumeurs qui courraient à leur sujet, à savoir qu’ils seraient fiancés, demandant la confirmation au principal intéressé. Et c’est dans sa réponse que, l’espace de quelques instants, je retrouvais un brin d’optimisme: oui, les bruits de couloir étaient fondés, Ael et Gab étaient bien fiancés, mais c’est la suite de sa phrase qui me laissa entrevoir un peu d’espoir. La façon qu’il avait eu de préciser que leurs familles voyaient beaucoup davantage dans cette union, son haussement d’épaule, son détachement, ça ne faisait pas très mariage passionné, mais plutôt mariage arrangé. « Mais, elle et toi, vous êtes ensem… » Je n’eus malheureusement pas le temps de terminer ma question, celle qui aurait fait toute la lumière sur eux, sur leur relation, car la fiancée en question arriva juste à ce moment là. Les bruits de ses talons sur le sol firent vriller mon regard vers elle et mourir mes mots sur mes lèvres. « Gab… » soufflai-je alors en la détaillant, l’observant avancer vers le brun, constatant un peu impuissant son indifférence totale. Je fronçais les sourcils en la voyant embrasser la joue du jeune homme, en l’entendant le surnommer –chaton- et je déglutis difficilement, me sentant d’un coup, pas du tout à ma place. Et le dire, c’était que c’était moi qui m’infligeais ce supplice, ce spectacle de la voir dans les bras de son nouveau fiancé. Sans ciller, sans parvenir à décrocher mon regard d’elle, scrutant chacune de ses expressions, chacun de ses gestes, je retrouvais l’usage de la parole pour lâcher d’une voix morne qui trahissait un peu trop mon trouble et qui manquait clairement d’entrain : « Félicitations pour tes fiançailles… »

J’étais prisonnière d’une union qui ne m’arrangeait pas, le point positif, c’était que je n’étais pas la seule prisonnière de cette union et Ael étant mon meilleur ami, cela me donnait un peu plus d’espoir concernant la tournure, négative je l’espérais, qu’allait prendre les évènements. J’avais décidé de lui rendre visite, dans l’espoir que nous pourrions à nous deux, trouver un moyen qui allait nous sortir de cette situation. En résumé, ma journée devait se résumer à passer un bon moment avec mon meilleur ami à comploter pour faire foirer le mariage à venir, c’était sans compter sur la présence d’un invité surprise … Denys. A notre dernière rencontre, il m’avait ramené à la réalité, me disant qu’il serait à Harvard et que je serais encore amené à le croiser, cependant je ne m’imaginais pas le recroiser aussi vite et encore moins en compagnie d’Ael. Je descendis de la voiture, sentant le regard du jeune homme sur moi et c’est en méprisant complétement sa présence que je vins embrasser la joue d’Ael. Ajoutant même avec une pointe de moquerie -je l’avoue- que si Denys n’avait rien d’important à raconter nous pouvions nous passer de sa présence. Je m’amusais clairement, c’était pour moi une façon de tester, de voir ce qu’il pourrait encaisser avant de lâcher définitivement l’affaire, parce que j’en étais certaine, Denys allait lâcher l’affaire. Et si jamais il ne se rendait pas à l’évidence que je n’étais pas quelqu’un à aimer, je comptais bien utiliser cette année à Harvard pour le lui montrer. Je souris alors qu’il me fit part de ses félicitations et même si j’avais en horreur cette idée de mariage les mots sortirent de ma bouche avec un naturel qui aurait pu me perturber moi-même. « Je vois que tu es au courant, merci. Nous espérons que la suite sera …» désastreuse, vouée à l’échec, inexistante … « heureuse ». Je m’appuyai légèrement sur Ael alors qu’il posait sa question à Denys et moi je le regardais fixement, attendant visiblement une réponse de sa part également, parce que j’ignorais ce qui pouvait bien l’amener à Ael. « Oui Denys tu voulais savoir quelque chose de particulier ? » Et j’appuyais sur la plaie, ne décrochant pas mon regard de lui. Je pris les clefs qu’Ael me tendait avant de lui sourire et de le gratifier d’un merci «  Mais vous serez plus … à l’aise à l’intérieur chaton ? Denys tu veux entrer peut être ? ». Feignant l'innocence et sur un ton tellement attentionné et mielleux que ça me donnerait envie de vomir.  Voyons jusqu’où on peut pousser le jeu, jusqu’où peut aller  son malaise.