Qui n'a pas d'enfant, n'a pas de lumière dans les yeux.
Des cris retentissent enfin dans la salle d'accouchement . Après plusieurs heures de souffrance, Madame Heruben peut souffler, reprendre son souffle et reposer le sommet de son crâne contre l'oreiller derrière elle. Ces cris, les premiers de sa petite-fille , sa première fille, resteront gravés dans sa mémoire. Elle est heureuse d'avoir une fille, même si cette naissance est beaucoup moins attendue que la précédente . Elle regarde les médecins s'affairaient autour de son bébé, tandis qu'elle pense à son fils, son aîné, qui reprendra l'entreprise familial. À présent il n'est plus seul héritier de la fortune des Heruben, mais, comme il s'agit d'une petite-fille, elle n'aura aucun pouvoir . Le rôle de la femme est d'être présente pour son époux, et lui donner les héritiers qu'il attend. Mais elle s'est différent, elle veut le bonheur de son fils, et à présent celui de sa fille . L'un des infirmiers se tourne vers elle, son bébé emmitouflé dans une couverture, qu'il vient lui déposer entre les bras. « Félicitations, elle est en parfaite santé. » un rayon du soleil couchant, vient éclairer son visage quelques instants, avant que l'on ne les emmène dans une chambre. Un journaliste les attends à la sortie. Même si son époux n'attendait pas cette naissance avec impatience, ce n'est pas le cas des médias ni du peuple égyptiens. Un article sera certainement rédigé, pour relayer la bonne nouvelle, la naissance d'une nouvelle Heruben, qui vient agrandir la famille. Une des familles les plus riches de l'Égypte, propriétaire et dirigeante du premier groupe pétrolier d'Afrique . L'homme l'escorte jusqu'à la chambre . « et comment se prénomme votre fille ? » demande-t-il baissant les yeux sur le bébé, dont les paupières battent lentement. Sa mère vient passer son doigt sur la joue de sa fille, un sourire aux lèvres avant de répondre. « Khalilah Shaïneze Heruben, une honorable fille avec un caractère de feu... » Ainsi commence mon histoire
Nourrir l'ambition dans son coeur , c'est porter un tigre dans ses bras.
Des étoiles dans les yeux, la troupe avance à petits pas dans l'allée centrale . De chaque côté, se dressent de grandes barrières, séparant les visiteurs du parc, des animaux qualifiés de « sauvage ». C'est le zoo le plus populaire et grand d'Égypte, mais c'est la première fois qu'ils y mettent les pieds ce n'est pas le genre de sortie que la famille fait d'ordinaire... Mais la petite-fille que je suis a insisté en voyant une affiche publicitaire du parc, montrant des animaux que je n'ai vu que sur papier glacé. Et, du haut de mes 9 ans, l'art de la persuasion est déjà bien ancré dans mes veines . Un caprice, diront certains, voyez-le comme vous le voulez, l'important pour moi, est que l'on m'est cédé, et que je sois présente dans cette allée, avec mon grand frère, Nekho, et ma petite sœur Amani . Je cours devant, menant la troupe et jouant les guides. « tu as vu les kangourous Nekho . Ils bondissent tellement haut... et les zèbres avec leurs rayures ? » C'est un monde qui m'est inconnu, et pourtant, il me fascine. Bien plus intéressant que celui du pétrole, ou des galas de charités où le seul intérêt des adultes et de se montrer, d'étaler le plus possible leur richesse. Ici, il n'y a pas de faux-semblant, c'est naturel . Les animaux ne cachent pas leurs émotions ou sentiments, ils sont justes eux . « Oui Khalilah c'est très beau, mais reste près de nous veux-tu, je ne tiens pas à te perdre. » La remarque de ma tante, me fait ralentir le pas, les laissant ainsi me rejoindre. J’obéis, comme toujours, même si par moments, je n'en vois pas l'intérêt, ni même la raison. Mes cousins, nous ont quittés dès que nous avons franchi les portes d'entrée . Nekho avait le droit de les accompagner, mais, ni mes cousines, ni moi n'en ont eu le droit. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est ainsi et je suis bien trop jeune pour me soucier de cela. Mon regard est tourné vers le prochain enclos, qui abrite l'animal que je souhaite absolument voir, celui qui a attiré mon regard sur la fiche, celui pour qui j'ai exigé de venir jusqu'ici . Un pelage blanc, surmonté d'une fourrure rousse rayé de noir. Je m'approche de l'enclos, les yeux pétillant d'excitation, tandis que je regarde les tigres déambulés dans la représentation de leur environnement naturel . Mon regard se pose sur l'un d'entre eux, tandis que je sens ma famille se joindre à moi près de la clôture. « il y a des tigreaux ! » je pointe machinalement du doigt, les 3 bébés-tigres, se tenant non loin de nous, jouant entre eux. Ils semblent si inoffensifs . J’aimerais les prendre dans mes bras, les caresser de les couvrir de baisers. « J'en veux un ! » le genre de demande insignifiante que l'on peut entendre dans chaque zoo, où le père de famille viendrait prendre son enfant dans ses bras, et lui expliquer qu'il s'agit d'un animal sauvage, et non d'un animal que l'on peut domestiquer. Mais je n'appartiens pas à une quelconque famille mais à l'une des plus riches d'Égypte . Il ne me faut que quelques secondes pour convaincre mon oncle d'accéder à ma requête, de lui prouver à quel point , cette folie renforcerait la puissance de la famille Heruben, le tigre étant un symbole de force et de vitalité. L'un des bébés sera acheté au zoo, mais ne me sera pas offert, contrairement à ce que je croyais. Non on l'offrira à mon frère , pour symboliser son rôle grandissant dans l'entreprise familiale, comme le tigre qui devient plus dangereux et impressionnant en prenant de l'âge . Je n'en ai pas voulu à mon frère, il n'y pouvait rien, et me laissait voir et m'occuper de son tigre autant que je le souhaitait. Mais concernant mon père et mon oncle, c'est différent, par ce geste, ils m'ont replacé au second rang, c'est à dire derrière l'home, ne se souciant pas de mes propres désirs, car après tout... je ne suis qu'une fille!
Je suis maître de mon destin et capitaine de mon âme
je tresse les cheveux de ma plus jeune sœur Janin, âgée de 13 ans, alors que mon autre sœur, assise un peu plus loin , regarde un film de bollywood . Film que nous avons en exclusivité, qui ne sortira que la semaine prochaine dans les salles, et pourtant, je sais qu'Amani ne le regarde pas vraiment, ses yeux sont justes posés sur l'écran mais son esprit n'y est pas. Aucune de nous trois n'a l'esprit à regarder un film . Une partie de nous est partie, s'est envolé pour les États-Unis et nous n'avons rien pu faire ; nous sommes coincés ici... Le départ de Nekho, aucune d'entre nous ne s'y attendait, et pourtant nous aurions dû le prévoir... Il aurait été hors de question pour père que son fils reprenne l'entreprise familial sans être marié . Et lorsque l'on fait partie d'une famille aussi prestigieuse que la nôtre, il n'est pas question d'épouser n'importe qui . Nous n'avons pas notre mot à dire, surtout nous les femmes. Nos droits se sont restreints ces dernières années, le droit des femmes est bâclé et nous ne sommes plus du tout respectées dans les rues . Contrairement aux États-Unis, où est parti Nekho, là-bas la femme est libre, peut épouser qui elle veut . « Ce sera bientôt ton tour Lilah... » je stoppe mon geste, arrêtant de tresser les cheveux de ma sœur pour poser mon regard sur Amani, elle-même ayant cessé de fixer la télé d'un air vague. Je la regarde, attendant plus d'explication alors elle reprend. « Tu vas bientôt te marier. » Ce n'est pas une question mais une affirmation, et au fond de moi , je le sais. La moyenne d'âge des femmes en Égypte lorsqu'elles se marient, tourne autour des 22 ans voir 23 ans . Mais dans notre famille, c'est plus tôt . Mes cousines se sont mariés aux alentours de 19, 20 ans, pour qu'ensuite, elles fondent un foyer et s'occupent de leur mari . Je viens d'avoir 21 ans, je n'ai jamais fréquenté d'homme, n'ayant été que dans des écoles exclusivement réservées aux femmes . Inutile de préciser que je suis vierge, notre religion nous interdisant tout rapport avant le mariage et avec une autre personne que notre époux. Je suis moi-même étonnée que le sujet n'est pas encore été évoqué en ma présence, tout se prépare dans l'ombre, car je n'aurai pas mon mot à dire... mais c'est loin de me connaître. « Non, je ne me marierai pas... du moins, pas tout de suite... » J'ai attiré son attention, cette dernière venant s'installer à mes côtés sur le lit, tandis que Janin se retourne également vers moi, attendant des explications. « Je vais aller rejoindre Nekho, je veux faire des études, et prendre ma vie en main. Je ne tiens pas à finir mère au foyer comme notre mère . Et je vais me battre pour vous également, pour que vous ayez autant de droits que les femmes européennes et américaines » Un sourire s'installe sur mes lèvres, tandis que je les embrasse toutes les deux. Il est hors de question que mes petites sœurs deviennent l’esclave d'un homme qu'elles n'aimeront pas, et il est hors de question que cela soit mon cas également. Je sais que mon départ laissera un vide, qu'à mon tour je les abandonnerai, mais c'est pour notre bien à tous . Elles sont deux, Nekho est seul . Et mon plan est déjà en marche, j'ai déjà effectué les recherches, envoyé un dossier à Harvard, l'université où est parti mon grand frère . Je ne doute pas du fait que j'aurai une réponse positive, en vue de mes derniers bulletins scolaires, et de mon nom de famille si prestigieux . Il ne me restera plus qu'à convaincre mes parents de m'envoyer à l'aéroport, mais, même là, je ne fais pas de soucis , l'art de convaincre et de persuader coulent toujours dans mes veines.
Les yeux levé vers le ciel étoilé, puis reposé sur les différents passants se promenant dans la rue, tandis qu'un sourire s'installe sur mes lèvres. Les États-Unis, le rêve américain, les rues animés de Boston. Je regarde les jeunes femmes , parfois en groupe, parfois seule, ou encore … avec un homme. Elles semblent libres, heureuses. Certaines portes des vêtements courts, laissant voirleurs jambes, leur bras, ou même leur ventre. Je regarde ma propre tenue, me sentant légèrement décalé avec mon jean et mon long pull blanc, et pourtant, je ne me suis jamais senti autant à ma place. Je me surprends même à regarder les jeunes hommes assis en terrasse des bar et café. L'impression qu'ils sont tous plus craquants les uns que les autres, bien plus beau que certains acteurs que j'ai pu voir dans les films. Eux-mêmes me regardent, m'adressant des sourires dont je ne sais décrypterle sens. Je finis par m'arrêter devant une terrasse bondée, l'intérieur du bar semble plus calme .
Installé au comptoir, je regarde les différentes bouteilles d'alcool qui s'aligne sur l'étagère, n'en connaissant aucun. Je ne sais pas quoi commander. « Salut ma jolie. » mes yeux se tournent vers le jeune homme venu s'installer à mes côtés . Mignon, un beau sourire. Je lui rends ce dernier, ne répondant rien sur le coup alors il reprend. « Je te paye un verre. Qu'est-ce que tu veux boire ? »
Je suis quelque peu déstabilisé, n'ayant pas l'habitude qu'un homme m'aborde, et encore moins qu'on me paye un verre. Je ne pense pas qu'ici, ils connaissent les spécialités égyptiennes, comme le thé « chai » . Je ne sais pas ce que boivent les autres personnes autour de nous, ayant tous dans leur verre, une boisson d'une couleur différente.« Choisi pour moi … Et surprends-moi. » un sourire s'installe aux coins de mes lèvres, tandis qu'il hèle le barman , demandant le nom d'une boisson que je n'ai pas retenu mais que l'on pose rapidement devant moi . Je discute avec le jeune homme , qui m'apprend qu'il est étudiant à Harvard, qu'il appartient à l'une des célèbres confréries également, tout en sirotant mon cocktail dont il m'apprend le nom "un cosmopolitan " . Je dois avouer qu'il est délicieux, principalement dû à l'alcool fort qu'il y a dedans ! Et dire que je n'en ai jamais bu, c'est un sacrilège. Je regrette de mettre privé de ça, surtout lorsque je constate que toutes les personnes en boivent, tout comme le fait de me faire séduire par un charmant jeune homme. « Tu viens fumer une clope ? » il retire de sa poche un paquet de cigarettes, dont il en sort une qu'il coince entre ses lèvres. Lèvres dont je laisse mon regard s'attarder, le faisant doucement sourire. Il attrape ma main et m'entraîne à l'extérieur, m'en tendant une. « Je n'ai pas le droit » répondis-je, une pointe de déception dans la voix, ce qui le fait rire. « Ah bon ? Et qui te l'interdit? » la véritable question est plutôt : qui a le droit de m'interdire quelque chose selon moi, je relève mon regard vers lui, croisant le sien, une étincelle de défi dans les yeux. « personne... » un nouveau sourire s'étire sur mes lèvres tandis que j'attrape la cigarette, imitant ses gestes et la coinçant entre mes lèvres, le laissant rapprocher la flamme de la clope et tire une première taffe. La sensation de la fumée qui me brûle la tranchée, me fait légèrement tousser mais ...cela fait divinement du bien.. Si c'est ça être libre et vivante , je ne vois pas l'intérêt de s'interdire ces plaisirs.