Eliot m’avait donné rendez-vous à notre endroit habituel. Le jardin public de Boston. Un peu comme le Central Park des new-yorkais. Je ne savais pas trop pourquoi il avait réclamé à me voir. Tout ce que je savais pour sûr, c’était que moi, j’avais besoin de le voir. Si j’avais bien quelqu’un à qui parler de tout ce foutoir, c’était lui. Assis sur un banc, les mains dans les poches de ma veste, je l’attendais patiemment. Il avait été le seul à venir me voir à l’hôpital. Tout de suite, dès que les visites étaient ouvertes, il était là. À part pour l’autre folle, mais ça, je comptais lui en parler aujourd’hui. Il avait su me rassurer. Lui et ses appels de check-in quotidiens, aussi. Je souriais d’ailleurs en y repensant. Il avait vraiment l’air inquiet et préoccupé. Il arrivait enfin et se posait sur le banc à mes côtés. « Hey. » amorçais-je, un peu de façon banale. « Désolé qu’ils t’aient jeté comme ça, à l’hosto. Les droits de visite étaient assez… restreints. » Je grimaçais. « En tout cas, merci. D’être passé. » D’avoir été là. « J’suis plus beau comme ça, hein? Sans fils, moniteur et perfs, et sans être shooté à la morphine au point d’avoir un remake de Projet X dans ma tête. Avoue. » le taquinais-je en souriant à ma connerie. Bon Dieu, c’que ça faisait du bien de pouvoir parler, simplement, naturellement. J’avais l’impression qu’avec Eliot, il n’y avait aucune pression, je n’avais besoin d’aucun filtre. Je pouvais juste être moi-même. Peu importe ce que cela impliquait.

L'accident d'Elliot avait tout aussi été un choc que si une personne de sa famille avait été dans cet hélicoptère. Parce que le brun était comme un membre de sa famille, il présumait. Depuis quelques années déjà, et malgré leur caractère diamétralement opposé, ils avaient toujours gardé un lien particulier, un lien fraternel s'étant renforcé au fil du temps chez les Winthrops. C'était alors tout naturel, voire même évident qu'Eliot avait été rendre visite à son ami dès le moment où il avait su pour l'accident, dès que les visites avaient été autorisés, toujours présent pour ses proches. C'était tout aussi naturellement, qu'après un léger moment de choc quant à son amnésie, le grand brun l'avait aidé à se remémorer au mieux de sa vie d'antan. Ça lui paraissait on ne peut plus évident de le soutenir dans cette épreuve, de l'aider, et depuis, même si Eliot n'avait pas le temps nécessaire pour lui rendre visite à l'hôpital, ce dernier lui passait un coup de fil quotidien pour prendre de ses nouvelles. Le médecin lui avait chuchoté dans le couloir que le jeune homme aurait besoin d'un point d'ancrage dans sa vie pour retrouver petit à petit sa mémoire; Eliot avait ainsi décidé qu'il serait cette personne parce qu'il était son ami. Aujourd'hui, nouvelle étape dans la nouvelle vie du petit Winthrop : Eliot lui avait donné rendez-vous au Central Park bostonien pour passer du temps avec lui, ayant du temps supplémentaire avec son nouveau statut de célibataire. Le jeune homme était déjà présent d'ailleurs lorsqu'Eliot débarqua et le taquina office d'entrée, sous le regard ravi du président. Il retrouvait petit à petit son pote, ça faisait du bien. « Hey p'tit garnement ! » Un pseudo check en guise de salut et Eliot s'assit à ses côtés sur le banc. « T'as meilleure mine, j'avoue. Par contre tu ne seras jamais assez beau que moi, avec ou sans fils, donc inutile d'essayer. » Le taquina-t-il en retour, en lui donnant une tape sur l'épaule. « Même, je pense que les fils te donnaient un petit style, un petit plus qui aurait plu à pas mal de filles.. » Rit-il, appréciant cette conversation légère et sans prise de têtes, aussi pour Elliot que pour.. Eliot. «  Et t'inquiète pour l'hôpital, tant que j'ai pu constater que t'étais en bon état, ça m'a suffit. Alors, comment tu vis cette nouvelle vie ? Cette renaissance ? Et épargne-moi les réponses banales et sans intérêt, j'veux du ragot que CS pourra reprendre et déformer dans l'article de demain matin. » Aborda le jeune homme sur une pointe d'humour, ne changeant pas ses habitues avec Elliot, avec ou sans perte de mémoire.

« Hey p'tit garnement ! » Je riais légèrement à cet appellation. J’avais vraiment l’impression d’être son petit frère. Peut-être que c’était ce genre de relation, qu’on avait, lui et moi. Et franchement, ça m’allait bien. « T'as meilleure mine, j'avoue. Par contre tu ne seras jamais assez beau que moi, avec ou sans fils, donc inutile d'essayer. » Un nouveau rire s’échappait de mes lèvres. C’était une conversation légère, sans prise de tête, et ça faisait du bien. Sa tape sur mon épaule me semblait même naturelle. J’avais l’impression qu’il n’avait pas changé l’attitude qu’il avait envers moi de façon habituelle, et ça me faisait vraiment chaud au coeur. « Même, je pense que les fils te donnaient un petit style, un petit plus qui aurait plu à pas mal de filles.. » « Crois-moi, apparement j’ai pas besoin de ça pour plaire… » lâchais-je comme ouverture de sujet en roulant légèrement des yeux. Il voulait du ragot? Il allait en avoir. Par contre… « C’est qui CS? » le questionnais-je, le sourcil quelque peu froncé. « Avant que tu viennes me voir à l’hosto, y’a une folle qui a débarqué dans ma chambre. Mais genre, folle folle. Tu m’expliques comment j’ai fait pour me fiancer avec elle? » Julia Redmayne, une nana qui m’avait l’air complètement hystérique, avait fait irruption dans ma chambre en clamant être ma fiancée. Je ne la remettais pas en cause — je ne pouvais pas puisque je ne savais plus rien — mais il fallait qu’il m’explique ce que je foutais avec une nana pareil.