Son premier souvenir ? Un éclat de soleil, du bruit, beaucoup de bruit. Sûrement celui d’une grande ville, puisqu’elle est née et a passé les premières années de sa vie à Saõ Paulo.
La petite Brunhilde, dite  « Bruna » a vu le jour un 22 mai 1992. D’une mère Brésilienne et d’un père… Bah ce n’est pas si important, puisqu’il n’a pas été là très longtemps. « Un amour de vacances » sa mère lui a dit. Celle-ci avait toujours un pincement au cœur lorsque sa fille lui posait des questions sur son père. Bruna n’a vu de lui qu’une vieille photo de 1991, prise pendant ses vacances au Brésil. Il est Européen, plutôt beau, et il a un air aventureux.

C'est normal qu’il n'ait pas envie de passer sa vie avec moi se dit Bruna. Elle a 8 ans, et elle revient de la fête des parents, à l’école, où sa mère a encore dû se présenter, seule.  Ce n’est pourtant pas inhabituel dans son quartier, défavorisé, de voir une gamine sans père, mais une mère qui vit avec sa gamine sans sa famille… C’est louche. Pas de grand-père, pas de grand-mère. Des tantes et oncles qui vivent trop loin pour compter sur eux, et une maman qui enchaîne les petits boulots. La petite Brunhilde a dû apprendre à se débrouiller toute seule, très vite. À barricader la maison et faire semblant de ne pas être là pour ne pas attirer les voyous, à se préparer le déjeuner et le dîner sans l’aide de personne, et surtout sans mettre le feu à la cuisine, à faire ses devoirs, toute seule.  De son enfance, elle garde un souvenir assez flou de son quartier de la banlieue de Saõ Paulo, des nuits mal éclairées, de sa solitude, et de ses quelques livres qui lui permettaient de s’échapper. Quand ce n’étaient pas ses livres, elle pensait à son père, en espérant qu’il soit mort, ou qu’il soit emprisonné. Elle essayait de se convaincre qu’une force insurmontable devait ‘empêcher de venir vivre avec elle et sa mère, et non qu’il les  avait oubliées par pur égoïsme. Ca la rendrait triste d’y penser, finalement, et plus elle y pensait, plus elle se renfermait, et a fini par semer une graine de haine au fond d’elle-même.

À 12 ans, Bruna et sa mère déménagent à Rio, chez sa tante maternelle, au pied des montagnes, et elle s’y fait enfin des amis. Le quartier reste le même, défavorisé, mais avec sa tante et ses cousines à ses côté, la petite Bruna gagne enfin confiance en elle. Et elle commence à comprendre qu’elle a une bouille qui plaît. Que ce soit à l’épicier du coin qui lui offre volontiers des bonbons, aux voisins qui lui pardonnent ses bêtises, à sa tante et cousins qui peinent  à lui dire non. Et « Non », Bruna n’aime pas entendre ça, et elle va en avoir sa dose. « Non » Quand elle demande plus d’argent de poche, « Non » quand elle demande si elle peut sortir plus tard, « Non » quand elle veut changer d’école, « Non » quand elle veut de nouvelles fringues… Ce ne sont pas des caprices à ses yeux, mais plutôt une nécessité.  Si elle arrive à se noyer dans ses études et à étouffer ses caprices, une fois le lycée terminé, il lui faut à tout prix trouver un moyen de s’échapper du cercle familial pour obtenir ce qu’elle veut.

Et à 18 ans, elle quitte le domicile familial, et c’est un beau jour de juin, sur une plage de Rio qu’elle rencontre Jonathan, un quarantenaire canadien avec qui elle entretien une relation particulière. Elle a eu l’occasion dans son adolescence de sortir avec un ou deux garçons, mais ça ne lui avait pas apporté grand-chose, et celle se rappelait à peine de ses anciens petits-amis. Lui c’est différent. Parce qu’il la couvre de cadeau, lui loue un appartement et lui donne régulièrement de grosses sommes d’argent ? Carrément. Puis vient un moment où Jonathan doit repartir. Tant pis, parce que Bruna s’est trouvé un nouveau protecteur, Tim. Un Anglais, cette fois. À ce moment, elle se dit qu’elle pourrait carrément monter une agence de call-girl, mais elle ne se considère pas comme telle, et surtout, elle veut donner l’impression d’une vraie relation avec les hommes qu’elle fréquente. Elle continue pendant 3 ans jusqu’a ce qu’elle rencontre Adam.  Un soixantenaire qui lui inspire peu d’affection, et qu’elle ne veut absolument pas fréquenter. Elle finira par entretenir une relation platonique avec ce businessman américain, une relation qui durera un an jusqu’à la crise cardiaque mortelle d’Adam. Si la mort de celui que Bruna a fini par considérer comme un véritable ami l’a émue, ce n’est que quand le notaire de celui-ci lui annonce qu’Adam l’avait  inscrite dans son testament, lui léguant une part de son héritage égale à celle de ses deux enfants, qu’elle réalise à quel point il a changé sa vie.
Elle réalise très vite que ce legs pourrait lui apporter des ennuis ; ça l’étonnerait que la famille d’Adam laisse passe le fait qu’il lègue tout cet argent à une gamine rencontrée sur une plage brésilienne. Elle décide de quitter le Brésil, de laisser Brunhilde à Rio, et de devenir Bruna en arrivant aux USA. Elle comprend que garder cet argent et le dépenser immédiatement serait une sottise, et décide d’investir dans plusieurs secteurs, d’en placer une partie dans plusieurs paradis financiers. Tout ça en à peine quelques mois. Elle sait que tout ça risque très vite de la dépasser, et elle n’a pas laissé son train de vie peu recommandable pour une jeune fille à Rio pour tomber d’aussi haut. Elle décide de reprendre ses études et de s’inscrire à Harvard, puisqu’elle en a l’occasion. La solitude et la nouveauté ne l’effraie pas, après tout, elle s’est quasiment faite toute seule.