La septième année était particulièrement intense. La médecine s’apprenait sur le terrain, donc nous avions de plus en plus d’heures à l’hôpital et nous passions désormais moins de temps sur les bancs de la fac. C’était pas plus mal dans un sens, mais ça nous laissait bien moins de temps pour enregistrer l’ensemble des connaissances que tout bon médecin se devait de maîtriser. Profitant donc d’un temps mort, j’avais attrapé un bouquin et j’avais quitté la chambre puisque Charlie et Carter étaient occupés à y discuter. J’avais besoin de calme pour potasser. J’allais donc m’installer dans la salle commune de la DH, je me vautrai dans un canapé moelleux et confortable, mon livre de neuro à la main. Mais j’avais à peine eu le temps de lire une page, qu’un capharnaüm retentit à côté. Impossible de me concentrer. Y’avait bordel pas possible dans les cuisines, des jurons, des bruits de vaisselle cassées et… des miaulements ? Qu’est-ce que c’était que tout ce cirque ? C’était habituellement plutôt calme à cette heure à la confrérie. Je refermais mon livre, intrigué par tout ce boucan, et je me levai, quittant le confort de mon siège pour marcher jusqu’à la source de tout ce bruit. Une fille était par terre, pestant après un chat. Elle releva les yeux apercevant d’abord mes pieds avec un air un peu interloqué. Je laissai échapper un petit rire et une fois debout elle grogna après le félin. Mon regard vrilla vers l’animal et je m’élançai à mon tour à sa poursuite : « Faut pas le laisser aller près des chambres, il va faire peur à Sienna ! » J’oubliais de préciser que je parlais de Sienna notre poule, et pas Sienna la VP, donc la brunette allait surement me prendre pour un taré mais en même temps c’était elle la folle qui avait commencé la chasse au chat. (a)

La traque au chat était lancée. Je suivis la brunette dans son délire parce que je m’inquiétais pour ma poulette aka Sienna. D’ailleurs, ma complice de chasse sembla un peu étonnée par ma révélation pensant surement à la blondie qui nous servait de VP, mais je n’eus pas le temps de lui expliquer que ce n’était pas d’elle qu’il s’agissait. On avait d’autres chats à fouetter, c’était le cas de le dire en l’occurrence. Donc à l’attaque. L’animal nous fuya, me voyant fondre sur lui, il s’échappa filant à l’autre bout de la pièce avec un miaulement apeuré. Mais finalement, ce fut la jeune femme qui trouva l’idée de l’appâter. Je ne compris pas d’abord lorsqu’elle ouvrit le frigo, je ne pus retenir un commentaire narquois : « Je crois que c’est pas le moment de se faire un casse dalle, tu mangeras plus t… » Mais je ne finis par ma phrase car un éclair de compréhension me traversa en la voyant brandir une boîte de sardines qu’elle ouvrit. « Oh… Malin… » commentai-je alors avec un sourire la regardant s’agenouiller et poser le piège par terre en appelant le félin. D’un regard, elle désigna la fenêtre et je saisis le plan. L’animal se dirigea droit vers la boîte de conserve se léchant les babines. Et forcément, la brune se laissa attendrir… « Joue pas les Brigitte Bardot. On a déjà une poule ici, si on se met à recueillir les chats errants, ça va finir par être l’arche de Noé. »  Puis Carter et moi avions déjà été menacés d’être expulsés à cause de la volaille alors je ne pouvais pas recourir le risque à cause d’un matou. Je m’emparai délicatement du petit tigre affamé et le remis dehors sur le rebord de la fenêtre avec la boîte de sardine à côté de lui, histoire qu'il finisse quand même son repas… J'étais pas sans coeur. « Allez retourne faire les poubelles du campus mon grand. Y’a pas de place pour toi ici. » Puis je refermai et me tournai vers l’étudiante qui se présenta. En entendant son prénom, mon sourire s’élargit. Il y avait eu une répartition de nouveaux bizuts et ma dernière recrue s’appelait Théa justement. Il devait forcément s’agir d’elle. « Je suis ton nouveau tortionnaire je crois, je m’appelle Priape. » répondis-je avec humour.

La brunette se releva une fois le chat dehors. Elle m’observa alors que je lui révélai être son bizuteur. Elle se qualifia alors de prisonnière ce qui me dit marrer. Je la corrigeai : « Prisonnière ? Non, je ne pense pas : je vais te torturer pas te séquestrer… » Je lui jetai un petit regard diabolique avant de rire, pas sérieux sur ma volonté de jouer les bourreaux. Le bizutage c’était avant tout pour apprendre à se connaître et aider les petits nouveaux à prendre leurs marques. Elle fit une remarque sur mon prénom et ses origines et j’haussais les épaules. « Ouais, peut être bien… » Et j’aurais peut être du y voir un signe et redoublai de précaution lors de mes ébats avec mon ex. Ne souhaitant pas m’épancher sur ma fertilité, je préférais la questionner sur elle : « T’arrives d’où Théa ? » Elle avait un petit accent alors elle n’avait pas l’air du coin, après je me trompais peut être. « T’as peut être envie que je te fasse faire le tour de la confrérie ? Que je te montre les passages secrets tout ça ? » Bon là je délirais un peu, mais je voulais que la demoiselle se sente à l’aise à la DH, qu’elle ne pense pas que c’était un repère pour poules égarées et chats errants.

Je rigolai en l’écoutant : « J’suis pas vraiment branché fifty shades tu vois… » Ma torture allait surtout consister à lui en faire baver un peu dans son bizutage quoi… Mais gentiment, je restais un gentil bizuteur dans le fond. Je m’intéressais à la brune, l’interrogeant sur ses origines. Et mon audition ne m’avait pas trompé, elle avait bel et bien un accent. Italien. « Mon meilleur ami est un rital. » Mon Valou. Penser à lui fit aussitôt naitre un sourire nostalgique sur mes lèvres. Elle me raconta que ça faisait sept ans qu’elle avait migré ici. « Et qu’est-ce qui t’as fait rejoindre la confrérie ? A part ton envie de jouer les fées du logis. » ajoutai-je en me marrant en la voyant prise d’une frénésie de ménage et de rangement. « Moi j’suis grec, mais j’suis ici depuis l’adolescence. J’ai fait mon lycée à Miami, et j’suis arrivé ici pour mes études ensuite. J’suis en médecine. » Je me proposais ensuite de jouer les guides, mais la demoiselle s’obstinait à vouloir tout ranger. « J’ai l’air d’être un as du ménage ? Si t’aimes pas le bordel, fallait aller vivre dans un palais ma cocotte, pas dans une confrérie étudiante. » C’était vrai qu’on collait à la DH une image de groupe studieux et sérieux, mais au final on restait une bande d’étudiants qui ne pensait qu’à une seule chose : faire la fête et s’amuser, tout en conciliant ce désir avec la volonté de réussir nos études. « Allez viens… Laisse le bazar va falloir t’y faire, au pire fallait aller chez les Eliots, ils doivent avoir des femmes de ménage là bas. »

L’italienne et moi partagions donc notre non attrait pour le sadomasochisme, constatation qui m’arracha un petit rire. « Je range mon fouet de bizuteur taré alors. » Et je parlais ensuite de mon rital préféré, aka Valentin Spinelli. « Il est originaire de Capri. Je te l’aurais bien présenté histoire que vous parliez un peu de vos origines communes mais il a quitté le campus à la rentrée après avoir trouvé un job en or. » C’était la mode en ce moment fallait croire, puisque mon frère avait déserté aussi, suivi ensuite de ma meilleure amie Elia. Trop de départs, ça faisait quand même un coup au moral. Je l’interrogeai ensuite pour en savoir plus sur elle, à commencer par ses motivations pour rejoindre la DH. Et sans surprise, c’était son côté bosseur qui l’avait poussé à s’inscrire chez les jaunes. « Tu sais qu’on sait s’amuser aussi ici ? » Si elle venait juste pour jouer les petites étudiantes sérieuses, elle allait être déçue. Derrière chaque dunster se cachait un petit grain de folie insoupçonné. « Parce que si t’es bosseuse, tu auras d’autant plus besoin de décompresser. » Et un bizuteur ça servait à ça aussi. Je parlais ensuite de moi, et elle fit aussitôt remarquer que j’avais pas l’air d’un gosse de riche. « Parce que je porte pas un costard-cravate hors de prix ? » demandai-je, surpris que d’un coup d’œil on puisse lire –fauché- sur mon front. Je tirai un instant sur mon T shirt en baissant le regard. Ouais ok, en pantalon de survet et avec un haut un peu passé de mode comme ça, je ne faisais pas illusion. « On s’en fiche un peu de l’état de mon compte en banque non ? » Là, j’avais pas vraiment envie de parler de ça. D’ailleurs, je préférais amplement la charrier en l’envoyant bouler et en refusant de ranger le dawa ambiant de mes confrères dunster. C’était ça la vie étudiante, un bazar permanent. Elle n’avait pas les moyens de vivre dans un palais et me brandis ses réflexes de serveuses comme justification à sa frénésie ménagère. Elle se retourna, refusant d’arrêter, continuant de plus belle à tout ranger. Je voyais bien que je l’avais vexée, je tâchai une dernière fois de la détourner de ses activités. « Bah justement, lâche tes torchons Cendrillon. T’es pas au taf ici. Viens t’amuser. » Puis je lui laissais pas le choix, je la saisis par la main et l’entrainai vers la porte de la cuisine pour en sortir. « Tu sais que t’auras pas de pourboires ici pour ce que tu fais. Et puis faut pas se fatiguer pour rien, demain ça sera au moins autant le bazar. »