Aujourd'hui c'était notre dernier soir. La dernière fois où on s'autorisait à avoir cette facette si spéciale et si intense de notre relation. Et plus je réfléchissais à cette décision que nous avions prise, influencée par mon besoin de prendre de la distance, plus j'avais envie d'hurler, ou de taper dans les murs.
Je ne savais plus ce qui était bien ou mal avec Maze. J'avais peur de la tournure de notre relation, peur de cet attachement de plus en plus fort que je ressentais pour elle. Effrayé par cette possessivité qui me faisait détester tous ces hommes qui tournaient trop près d'elle. Par ce qu'elle arrivait à remuer en moi depuis quelques semaines, et cette dépendance qu'elle créait malgré elle. Mais le plus dur était certainement cette culpabilité qui me rongeait dès l'instant où elle me quittait, agitant mes nuits de cauchemars où Charlie me repoussait, me détestait de l'avoir trahie. Il fallait que ça cesse. Pour moi, pour elle qui était encore bien trop impactée par sa séparation avec Simeon. C'était mieux comme ça. Du moins, j'essayais de m'en persuader.
J'avais passé la semaine à penser à ce moment avec la boule au ventre, si bien que dans la journée, je l'avais convaincue de sortir faire la fête après son boulot, avec la ferme intention de passer cette soirée à rire et s'amuser. Et quelle soirée. On avait bu, mangé, ri et dansé comme jamais. Inarrêtables quand nous étions ensemble, toujours à taquiner et chercher l'autre, la bonne humeur et la folie pour maîtresses. J'avais même mal à la mâchoire tellement j'avais ri. Mais à présent, assis dans le taxi qui nous ramenait chez moi, je sentais cette boule revenir, asséchant ma bouche et bloquant ma gorge. J'avais glissé ma main dans la sienne sur le siège vide entre nous, en silence, serrant ses doigts entre les miens quand sous mes yeux la ville défilait par la fenêtre. Puis le taxi s'arrêtait en face de mon immeuble. Arrivés à destination. Je tendais un billet au chauffeur et sortait à l'extérieur pour retrouver Maze.

Installée à l’arrière du taxi à tes côtés, l’euphorie retombait pour laisser déjà la place à la nostalgie. La ville s’échappait sous nos regards, me plongeant dans des pensées que j’avais réussi à taire depuis que nous nous étions retrouvés ce soir. J’avais tout fait pour me préparer à ce moment, sans pour autant que ça rende toutes ces dernières fois plus facile. Rire, danser et s’amuser c’était la partie la plus simple de notre programme, parce qu’on l’avait toujours fait et nous recommencerions un nombre incalculable de fois. Mais pour le reste ? Quand ta main glissait doucement sur la mienne pour l’emprisonner d’un geste tendre, je tournais la tête pour les observer, puis te contempler fixer la ville. Qu’est-ce qu’il pouvait bien se passer dans ta tête actuellement ? Est-ce que toi aussi tu te battais contre tes pensées ? Est-ce que toi aussi tu regrettais pas d’avoir profité davantage de toutes nos précédentes fois ? Avalant doucement ma salive, je détournais les yeux quand nous nous approchions de chez toi. Je sortais, puis t’attendais un peu en retrait quand tu terminais de gérer le paiement avec le chauffeur. Quand tu t’approchais, j’esquissais un faible, mais sincère, sourire alors que ma main glissait doucement dans la tienne. —  On monte ? Et sans te laisser le temps de sortir ton badge, je tapais le code de sécurité de la porte principale. Ouvrant la porte puis t’attirant à l’intérieur. Tout avait un goût amer, parce que je connaissais déjà la sentence qui nous tomberait dessus dès lors que tu quitteras ton appartement dans quelques heures. Une fois dans l’ascenseur, je me postais devant toi, attrapant ta main libre en me collant à toi. —  Merci pour ce soir. Que je chuchotais, mon souffle si proche du tien. Et je ne pouvais m’empêcher de plonger dans ton regard et te parler sans même prononcer un mot.

Ce sourire sur ses lèvres ne faisait que renforcer cette nostalgie qui s'installait de plus en plus entre nous, ce manque que je ressentais déjà, quand elle se tenait encore là devant moi. Une part de moi aurait voulu continuer à faire la fête jusqu'au petit matin, figer le temps dans une fête infinie ou rien n'aurait pu nous séparer. Pas même moi. J'acquiesçais en silence à sa question, serrant sa main dans la mienne dans ce geste tendre que pourtant, je ne m'étais jamais autorisé jusqu'ici. Je n'avais plus envie de mettre de barrière, pas quand je savais que c'était la dernière fois que nous partagions tant d'intimité. Les portes de l'ascenseur se refermaient sur nous et immédiatement, Maze se rapprochait de moi, me forçant à soutenir son regard. Je plongeais tête la première dans la profondeur de ses yeux bleus, perturbé et bouleversé par ce que je semblais y trouver. J'aurais voulu lui dire à quel point elle comptait pour moi. Combien tout semblait se déchirer en moi à la simple idée de me séparer d'elle. De ne plus pouvoir partager tout ça, cette complicité douce et féline à la fois. Mais l'intensité de cet échange muet prenait toute la place, gonflant ma poitrine de peine et de regrets. — Merci d'être venue lâchai-je doucement, léger sourire sur mes lèvres, mes doigts s'entre-mêlant aux siens. L'ascenseur s'immobilisait, les portes s'ouvraient. Je l'entraînais avec moi jusqu'à mon appartement, déverrouillant l'entrée et refermant la porte derrière elle. J'allumais une petite lampe dans l'entrée et laissais mes clés retomber sur le meuble dans un bruit sourd. Tant de choses que nous avions déjà répétées par le passé mais qui, à présent, semblaient prendre une tout autre saveur. A vouloir les retenir, elles m'échappaient d'autant plus vite. Ma main toujours liée à celle de Maze je me tournais vers elle, me rapprochant à nouveau. Laissant mes yeux glisser sur son visage sans retenue, embrassant du regard ses pommettes, son nez, sa bouche... Puis doucement je prenais son autre main, la portait jusqu'à ma poitrine où mon coeur ne cessait plus de battre la chamade. — Je voudrais pouvoir arrêter le temps... soufflai-je doucement. Puis je réduisais l'écart qui nous séparait pour l'embrasser avec une tendresse infinie.

Pourquoi on en était arrivé là ? En fin de compte pourquoi cette fois tout semblait différent ? Ce n'était qu’une rupture de plus. Une relation qui nous avait éloignés physiquement pour mieux se retrouver. Trop visiblement. Parce que s’il y avait un mot pour nous décrire, c’était peut-être lui que je choisirais. Parce que tout était trop bon. Toi t’étais trop beau. Notre relation était trop intense. Et pour couronner le tout, j’étais de trop dans un quotidien que tu gérais mieux sans moi. Je comprenais les raisons et je comprenais aussi que de mon côté, j’avais besoin de faire mon deuil de Simeon. Si mon cœur meurtri était encore accaparé par l’Anglais, tu avais su grappiller du terrain. Alors quand je m’approchais de toi une fois dans l’ascenseur, je ne cherchais plus à débattre sur nous, sur nos choix ou sur notre décision. Tout était acté, mais je me permettais cette intimité parce que c’était toi. Et aussi parce qu’après ce soir, j’aurais plus l’opportunité de pouvoir te regarder avec autant d’intensité, sans avoir aucun filtre. Je soupirais doucement en sentant tes doigts s’entremêler aux miens et je souriais à tes mots. — J’aurais voulu être nulle part ailleurs qu’avec toi. Si mes expressions pouvaient te montrer l’inverse, j’étais réellement heureuse d’être là. Je me laissais emporter jusqu’à l’intérieur de chez toi, pour retrouver notre position initiale, l’un face à l’autre, sans réussir à réellement rompre le contact. Puis tu apposais contre ton cœur mes mains, soufflant une vérité qui me brûlait les lèvres. C’était pour cette même réaction que je provoquais chez toi, que tu voulais mettre un terme à ce nous indescriptible. Sans me laisser l’opportunité de te répondre, tu m’embrassais, avec beaucoup de douceur. L’envie y était présente, mais pas que. Tout se ressentait, ton cœur, ton baiser et la limite qu’on s’était silencieusement imposé depuis toujours avait cédé. Je répondais à cet échange avec la même tendresse, glissant enfin mes lèvres sur ta joue, puis proche de ton oreille. — Faisons de cette nuit, un souvenir inoubliable alors. Parce qu’à défaut de pouvoir arrêter le temps, on pouvait graver chaque instant de cette nuit dans notre mémoire. Je laissais mes mains glisser le long de ton dos et je les glissais sous tes vêtements, pour venir t’attirer un plus contre moi. — Est-ce que tu crois que j’peux encore plus affoler ton palpitant, que maintenant ? Que je chuchotais, en souriant contre tes lèvres.

A quel moment avais-je perdu le contrôle avec Maze ? A quel moment la situation m'avait-elle échappée, pour nous amener à cet instant présent où j'avais l'impression de me déchirer intérieurement ? Je n'avais pas réfléchis et égoïstement, je m'étais laissé porté par cet élan de vie qu'elle m'insufflait. Repoussant ma conscience qui pourtant pouvait témoigner de l'attachement que je lui portais, toujours un peu plus, toujours un peu plus fort. Parce que le quotidien était tellement moins lourd quand elle était là, à illuminer chaque chose sur laquelle elle posait son regard, et ce sans même s'en rendre compte. Mais à présent j'en payais le prix. Alors pour la réelle première fois, mais aussi la dernière, je posais à terre toutes mes barrières, faisais taire mes démons intérieurs dans un coin de ma tête, pour laisser pleine place à mes sentiments. J'embrassais Maze comme je ne l'avais jamais fait, gravant ce baiser à tout jamais dans mes pensées. A ses mots mes mains glissaient jusqu'à sa taille, possessives et envieuses autant que tendre et aimantes. Immédiatement ma peau réagissait au contact de ses doigts, mon souffle s'écrasant doucement à nouveau contre ses lèvres... — Est-ce que tu crois que j’peux encore plus affoler ton palpitant, que maintenant ? Avait-elle seulement conscience de l'effet qu'elle avait sur moi ? De ce qu'elle déclenchait, rien qu'avec ces simples mots ? Son sourire contre mes lèvres, je voulais le manger. — Tu sais le mettre à rude épreuve... répondis-je en souriant doucement à mon tour. Lentement mes mains parcouraient son corps, remontaient jusqu'à son dos, puis sa nuque où je glissais mes doigts. — Montre-moi ajoutai-je, des papillons dans le ventre, sentant la tension me gagner délicieusement.

Il paraissait que le savoir était source de pouvoir, pourtant, j’étais loin de me sentir maîtresse de mes choix. Si nous étions tombés d’accord sur la nécessité de prendre nos distances, je n’en étais pas moins peiné de devoir en arriver là. Maintenant, que l’atmosphère était plus douce, je ressentais mon cœur s’oppresser, parce que le temps jouait contre nous. Tes mots ne faisaient que le confirmer. Arrêter le temps… Mots qui faisaient écho, qui menaçaient d’effondrer les fondations. Je n’avais pas l’droit de flancher maintenant, pas quand le temps se jouait de nous. Je me rassurais, me soufflant intérieurement que j’aurai la possibilité de laisser parler mes faiblesses les deux prochaines semaines. Puis je me savais assez forte pour donner le change, masquer la vérité, l’enjoliver. Pour l’heure, je préférais utiliser chaque seconde mon temps pour te faire ressentir chaque sensation, que ce soit mon souffle contre ta peau, la pression de mes doigts contre ta chair. Égoïstement, je voulais que tu te souviennes. Que tu te souviennes de nous. Que tu te souviennes de l’effet que je pouvais provoquer chez toi. Que tu te souviennes de moi. Je prenais mon temps, parce que cette nuit était la nôtre. Tes mains remontaient lentement jusqu’à ma nuque, alors que je glissais mes mains de ton dos jusqu’à tes abdominaux, pour te guider doucement jusqu’à ton salon. Effleurant simplement tes lèvres, je me tournais doucement, attirant mes cheveux sur un côté. — Tu m’aides ? Je chuchotais doucement, pour me libérer du poids de cette robe, de me délester du superflu où bientôt les regrets prendront place.

Je ne voulais pas céder à cette panique intérieure qui menaçait d'éclater à tout moment, à cette petite voix au fond de moi qui me criait de tout arrêter pour ne garder Maze que pour moi, rien que pour moi... Une part de moi aurait voulu tout remettre en question, encore et encore et pourtant, je savais au fond que c'était inéluctable. Alors je taisais toutes ces contradictions, tous ces principes qui me bouffaient pour ne laisser la place qu'à elle et moi. Une dernière fois. Sans filtres, sans le poids des remords et des regrets. Choisissant d'oublier un instant qu'elle pouvait me juger de là-haut. Je laissais Maze m'entraîner jusqu'au salon, mon coeur s'emballant encore un peu plus dans ma poitrine face au désir qui me gagnait. J'admirais le mouvement de ses cheveux quand elle les ramenait sur son épaule, la ligne de son nez quand elle me regardait de côté, attendant que je l'aide à retirer sa robe. Gravant tous ces détails dans ma mémoire avec intensité, pour ne jamais les oublier. Déjà conscient que tout cela allait énormément me manquer. Lentement je faisais glisser sa fermeture éclair, caressant son échine des yeux, avant que mes mains ne s'y égarent du bout des doigts. J'effleurais doucement sa peau, remontant jusqu'à ses épaules où je faisais tomber ses bretelles. L'instant était terriblement doux et sensuel. A couper le souffle. Mes mains caressaient doucement ses épaules quand mes lèvres se pressaient une fois sur sa nuque, une fois dans le creux de son cou... puis une fois près de son lobe d'oreille, ponctué de mon souffle chaud.

Imaginer un demain sans toi me paraissait tellement plus fade que je me focalisais sur l’instant présent. Mes pensées s’emmêlaient, mon esprit s’embrouillait. La flamme était là pourtant, mais seulement pour un temps. Même si ce dernier nous manquait, les heures ayant défilé plus vite que de raison, jusqu’à ton départ, tout me semblait précieux. Pour cette dernière folie qu’on s’autorisait, je me devais d’être à cent pour cent avec toi. Plus de contrainte. Plus de retenue. J’me laissais aller avec douceur, t’emportant avec moi jusqu’à la pièce principale. Tout semblait être comme d’habitude, mais avec infiniment plus de tendresse. L’alcool n’avait absolument pas le même effet sur nous que lorsque nous nous étions retrouvées, à peine plus d’un mois avant ce moment. Un seul putain de mois pour me mettre dans cet état. Je t’offrais mon dos, quémandant ton aide, soupirant à la traînée de baiser que tu m’offrais en réponse. L’épiderme répondait de lui-même, perlant au contact de tes lèvres contre ma peau. Je laissais retomber ma tête contre ton épaule quand le tissu finissait sa course au sol. J’attrapais tes mains pour les resserrer autour de ma taille. Si d'ordinaire nous nous serions sauté dessus, cette fois chaque geste méritaient d’être savouré à sa juste valeur. L’entièreté de notre relation avait beaucoup de valeur et pour un écrivain comme toi, tu savais l’importance d’avoir une jolie fin. Mes mains sur les tiennes, j’en pressais une contre mon ventre, quand je remontais doucement l’autre sur ma poitrine désormais à nue. Je souriais doucement et dans un murmure, j’ajoutais : — Toi aussi, tu le sens ? Et je pressais davantage ta main sur mon cœur.  

C'était comme si chaque seconde comptait. Chaque baiser, chaque caresse. Comme si tout à coup, je regrettais presque de ne pas avoir suffisamment saisi la valeur de tout ça toutes ces fois où nous avions fait l'amour. J'admirais sa silhouette comme si c'était la première fois que je la découvrais. Goûtais à sa peau, avec cette envie viscérale d'en graver toutes les subtilités dans ma tête. Sa tête reposant sur mon épaule et ses mains venant chercher les miennes pour les ramener vers sa taille, je me sentais pleinement entier. Soupirant dans cette étreinte où désir et tendresse s'unissaient à la perfection. Je me laissais faire lorsque, à son tour, elle ramenait ma main contre sa poitrine, une vague de chaleur me submergeant inexorablement. J'étais bouleversé, ivre de ce sentiment qui me gagnait et que je ne parvenais plus à repousser. Je la laissais presser ma main sur son coeur, sentant son palpitant se débattre sous mes doigts. — Oui... soufflai-je, presque tremblant, resserrant ma prise sur son ventre. Je l'embrassais sur le coin de sa mâchoire, d'abord doucement puis, avec une lenteur charnelle qui trahissait toutes les émotions qu'elle me procurait. Mes doigts effleuraient son sein puis, envieux, le caressaient avec plus d'assurance en la sentant réagir. — Maze... prononçai-je avec envie, comme pour entendre avec délice le son de son prénom qui s'échappait de mes lèvres. Je le lui murmurai toujours quand mes mains prenaient possession de son corps, dessinant ses courbes féminines. Puis doucement je la faisais se retourner, regard brûlant dans le sien. Je déboutonnais ma chemise sans la quitter des yeux, de cette fièvre si intense qu'elle m'en donnait le tournis.