La semaine a été riche en émotions, il ne peut pas le nier Chelsea. Entre son expérience de Love is Blind, la Saint Valentin, et quelques imprévus dans sa vie ou celle de ses proches, il n’avait pas vu le temps passer, et déjà, tout cela commençait à lui sembler si loin. Pour la première fois depuis des jours, il lui semblait que la vie reprenait tranquillement son cours. Il avait été en cours, travaillé un peu à la boutique en fin de journée, avait fait ses deux balades quotidiennes avec Peluche, et il était rentré chez lui, étudiant un peu avant que son téléphone ne se mette à vibrer. Il a hésité un peu avant de répondre, et finalement, il s’est laissé tenté, a accepté l’invitation d’un de ses amis à aller boire un verre. Ca ne pouvait pas lui faire de mal, de boire un verre avec un ami et d’oublier un peu tout ce qui le tracassait émotionnellement ces derniers jours. Il faut dire que malgré un date de Saint Valentin qui avait été un succès, toute cette expérience de Love is Blind l’avait troublé. Etait-il prêt à retomber amoureux ? A s’engager dans une nouvelle relation ? Il lui avait semblé que la réponse fût à la fois oui et non et il n’avait pas envie d’y penser ce soir. L’occasion était donc parfaite.

Il avait rejoint son ami au Donovan’s; bien qu’ils n’en soient pas des habitués et que Chelsea n’ait jamais apprécié les lieux plus que de raison. La présence excessivement de membres des forces de l'ordre ainsi que des soldats du feu l'avait toujours impressionné plus que de raisons. Il se sentait petit, insignifiant dans cet endroit, et les événements de cette soirée n'allaient que le lui confirmer un peu plus. Ils avaient bû un premier verre en toute tranquillité avant que l’ami de Chelsea ne soit accosté par une charmante jeune femme, visiblement ravie de tomber sur lui ce soir. Progressivement, il s’était effacé de la discussion l’écossais, comprenant que ce que son ami avait définie comme une amie était plus que cela. D’un rapide coup d’oeil à sa montre, il constata qu’il n’était pas si tard que cela et décida d’aller boire un verre supplémentaire directement au bar avant de rentrer. Accoudé face à la serveuse, il passa sa commande qu’elle semblait ne pas avoir entendu. Il fronça le regard d’être ignoré de la sorte avant de rouler des yeux lorsqu’on lui demanda ses papiers d’identités. « Je suis majeur ! » Affirma t-il alors qu’il cherchait son passeport dans ses poches. Dans son pays, dans celui-ci, et désormais partout dans le monde, il était un adulte, même s’il n’en donnait pas l’air. Même si ici, au milieu des pompiers et policiers, il paraissait encore plus enfantin. Il posa le passeport sur le comptoir, laissant la serveuse lire sa date de naissance qui indiquait le 16 Juin 2001. « Est ce que je peux avoir une bière maintenant s’il vous plaît ? » Demanda t-il d’un ton un peu plus désagréable qu’à l’ordinaire.

Ce n’est pas la première fois qu’il fait face à ce genre de problème Chelsea, et c’était encore plus fréquent quand il était accompagné de Nevan. Forcément, à côté de son aîné de trente ans, avec sa carrure d’armoire à glace, il avait des airs de petit garçon Chelsea, mais quand même, ça se voyait qu’il était majeur non ? Il en doutait parfois, vu comment on ne cessait de le traiter comme un enfant parfois. Un traitement parfois justifié, en raison de son comportement trop souvent puéril. Oui, il manquait encore cruellement de maturité parfois, mais la maturité, ça n’avait rien à voir avec l’âge. L’âge, c’était juste un chiffre qui lui permettait désormais d’avoir le droit de faire certaines choses sans s’attirer des ennuis. Comme boire. Mais la jeune femme ayant des doutes sur sa prétendue majorité, il cherche dans ses poches son passeport, une preuve de son erreur, et la preuve de sa propre clairvoyance à Chelsea. Après tout, ce n’était pas pour rien qu’il se baladait désormais systématiquement avec maintenant.

Ouvert sur la première page, il le tend à la serveuse, sa date de naissance parfaitement lisible. Vingt deux ans. Suffisamment vieux pour avoir le droit de prendre une bière dans un bar, pas assez pour passer pour un adulte visiblement. Et à la moquerie de la brune, il hoche la tête, juge nécessaire de préciser. « Souvent. Et fort. » A moitié une blague, parce qu’il en a mordu des gens pendant son enfance l’écossais, toutes celles et ceux qui s’efforçaient de vouloir le toucher ou le prendre dans leur bras alors qu’il en avait clairement exprimé le refus. Un réflexe sauvage qui n’était jamais très loin, et qui dans certaines circonstances, pouvait très bien faire un retour. « Ou pas. » Il ne sait pas à quoi il ressemblera à soixante ans Chelsea, mais quelque part, il s’en fiche. S’il était toujours là et qu’il pouvait continuer de profiter du soleil et du jardin, ça serait sûrement suffisant pour lui, qu’importe qu’il fasse son âge ou non. « Ca non plus j’en suis pas sûr. » Il sait que toutes les femmes n’étaient pas obsédées par leur âge, ou par celui qu’elles pouvaient paraître. Il récupère son passeport, le range soigneusement dans sa poche en hochant la tête. « Oui s’il vous plaît. » Son humeur s’adoucit doucement maintenant qu’il sait qu’il va pouvoir obtenir ce qu’il désire, monte sur le tabouret pour s’y installer. Une serveuse aigrie c’était pas forcément la compagnie dont il rêvait ce soir, mais c’était toujours mieux que rien. « Ca vous arrive souvent de demander à vérifier l’âge des gens ? Ou encore une fois, y a que moi pour avoir cette chance ? A croire qu’avoir vingt-deux ans dans ce monde, c’est un problème maintenant. » Il n’a pas spécialement hâte de vieillir, et en même temps, il s’en fiche, mais il avait l’impression que son âge ne cessait de provoquer le débat depuis quelque temps, comme si vingt deux ans, c’était encore trop jeune pour prétendre être un adulte. « Pourtant Taylor Swift elle le chante elle même, que vingt deux ans, c’est le feu. » Mais le préciser ne l’aiderait peut-être pas à paraître plus adulte.

Il a l’apparence de la jeunesse Chelsea ainsi que la gestion émotive d’un enfant, mais il n’en est plus vraiment un. Parce que certains événements l’ont poussé à grandir plus vite qu’il n’aurait dû, parce que certains choix, discutables, l’ont confronté trop rapidement à des situations auxquelles les enfants ne devraient jamais faire face. Insouciance de la jeunesse comme bouclier, il se protège comme il peut, préfère, quelque part être sous estimé pour se laisser une chance de s’en sortir plus facilement, même si l’égo n’aime pas cette méthode, ce qui le pousse parfois à adopter une attitude plus agressive, plus sûre de lui. Il n’est pas juste un enfant, il est un enfant qui pourrait mordre, fort, très fort et qui pourrait laisser sa marque sur les gens, sans même le voir venir. Insolent, il se fait un peu plus adulte une fois son âge confirmé. Ego piqué, il ne veut pas laisser la brune penser qu’il pourrait s’agir de faux papiers, qu’il est réellement de ceux qu’on pourrait refouler à l’entrée même du bar. Il contredit sans réfléchir, se donne des allures de grand garçon à la science infuse sur un sujet qu’il ne maîtrise pas. Le cliché même de l’homme cishet qui prétend tout savoir, le cliché même auquel il ne correspond pas Chelsea, qu’il pourrait briser qu’il entretient pourtant.

Installé sur un des tabourets, il attend sagement son verre, conversant avec la serveuse sur ce coup qu’elle vient de mettre à son égo, lui faisant presque regretter d’être si jeune, de ne pas avoir quelques années supplémentaires. Pourtant, il a encore toute la vie devant lui Chelsea, et au lieu de s’en plaindre, il devrait plutôt en être ravi. Au rire de la jeune femme, il fronce légèrement les sourcils. Il ne sait pas vraiment quelle réaction il s’attendait à susciter avec cette référence, mais pas celle-ci, c’était certain. Mais il ne se laisse pas perturber une seconde fois, secoue légèrement la tête. « Tu rigoleras moins quand je l’aurais vraiment fait et que t’aura mal. » Il a un peu plus de gueule cette fois, parce qu’il faudrait vraiment le pousser à bout pour qu’il en vienne à une telle extrémité, mais une chose était sûre, cela ferait regretter à la jeune femme de l’avoir provoqué. « Ben encore heureux ! On peut pas vraiment dire que je les envie pour ça… » Pour leurs mines fatiguées avant l’âge, leurs regards vitreux et leurs esprits étriqués. « De toute façon, c’est pas vraiment mon choix de prédilection non plus. On me l’a un peu fait à l’envers sur ce coup là.. » Il jette un coup d’oeil à son ami, toujours attablé au même endroit, une jeune femme à son bras. Il venait de se faire lâcher salement, mais ce n’était que partie remise. « Mais bon, puisque j’étais là, ça aurait été con de repartir sans même boire un verre. » Dit-il en reportant son attention sur la serveuse au moment où celle-ci fait glisser un verre devant lui. « Merci. » souffle t-il avant de tremper ses lèvres dans le liquide ambré.