Mardi 7 novembre 2023

Enfin ! J'avais enfin eu une réponse à mon annonce. A croire qu'une réputation m'avait encore précédé après la publication. Je plaçais beaucoup d'espoir dans cet entretien. Cela me permettrait de libérer d'avantage de temps pour le projet que nous avions en tête.

L'annonce était très concise, je n'avais pas précisé quel genre de cabinet médical c'était et encore moins la gueule du médecin qui exerçait, même si on pouvait retrouver ma tête en allant sur la page de Meetsa. On verrait bien sa réaction...

Le cabinet se trouvait dans le quartier chic de Boston. En arrivant devant la porte, on pouvait trouver une plaque indiquant : Dr. PAZELIUS, psychiatre diplômé d'Harvard. Rien ne pouvait préparer la rencontrer avec Tybalt. Un grand homme aux cheveux longs et brun, avec des tatouages sur la majorité de son corps, montant même sur son visage. Il était à l'opposé de l'image qu'on pouvait avoir d'un psy.

Entendant finalement la porte sonner, je me dirigeais vers cette dernière avant de l'ouvrir. J'avais opté pour une paire de vans avec un jean et un sweat à capuche. Mlle Marinelli ? À croire que j'attirais l'Italie...

En ouvrant la porte, je me retrouve nez à nez avec la personne que je dois rencontrer et sa communication non verbale était fascinante. Elle était sur ses gardes, son mouvement de recul était un signe supplémentaire. Soufflant légèrement du nez, un sourire se dessina sur mon visage. Ne commence pas à la faire fuir, tu as trop besoin d'une secrétaire... Vous l'avez trouvé.  Entrez, je vous en prie.

Reculant d'un pas à mon tour pour lui laisser de l'espace, j'attendais qu'elle passe le seuil pour refermer la porte derrière elle. Vous semblez quelque peu surprise. Vous vous attendiez à trouver quelqu'un d'autre ?

Son cabinet était lumineux et il avait été décoré avec gout dans un style industriel avec des canapés en cuir très confortable et des plantes disposés de manière recherché, probablement l'oeuvre d'un architecte d'intérieur.

Allant vers l'un des canapés après avoir pris son CV, je l'invitais à s'installer.

Elle continue à douter de mes propos. Ça va devenir intéressant cette histoire. Le sourire ne décolle pas de mon visage. Alors je referme la porte derrière elle. A clé comme toujours afin de ne pas être dérangé par des visites impromptues. Je la sens anxieuse en ma présence. Ça me donnait envie d'en jouer... C'est ce que j'aurais fait en temps normal... Mais le but n'était pas de la faire fuir. Tiens toi bien et essaye de la détendre. Même si elle ne pouvait pas aller bien loin avec la porte close.

Prenant le CV entre les mains sans qu'elle ne m'adresse un regard, je penchais la tête sur le côté pour essayer de capter le sien l'espace d'un instant. Merci. Je m’éloignais vers le canapé avant de m'installer. Tirant ma capuche vers l'arrière, dévoilant ma tignasse brune et les tatouages que j'avais sur le visage au passage, je parcourais le papier du regard en l'écoutant se présenter. En effet, ce n'est pas un problème. Tout comme pour votre accent, votre anglais est assez bon pour ça reste compréhensible. Même si c'était à mi-temps, elle pourrait me soulager des appels et des prises de rendez-vous. C'était mieux que de tout devoir faire moi même. Et son accent... Me rappelait une personne que je connaissais bien... Permettez-moi de me présenter, je suis le docteur Tybalt Pazelius, aussi surprenant que ça puisse paraître. Riant légèrement pour appuyer mon propos. J'ai été diplômé d'Harvard en 2018 et j'exerce depuis cinq ans sur Boston. Pour les à-côté, je suis en couple, père de deu- trois enfants... Je suis passionné de musique et je fais partie d'un groupe. Me penchant en avant, appuyant mes coudes sur mes genoux pour finalement rajouter. Et j'emmerde les idées reçues... Annonçant la couleur d'entrée de jeu. Gardant toujours mon sourire, je me recalais au fond du canapé en lui énonçant le poste. Le travail consiste à répondre aux appels, la plupart du temps, ce sont des prises de rendez-vous ou des déplacements de dates. Il y aura donc aussi la gestion du planning. Je ne prends plus de nouveaux patients pour le moment donc vous retrouverez les noms. Il faudra parfois aller refaire les stocks de boissons. Le salaire est de xx$ de l'heure. Qui était une rémunération plus  que correct en vu du boulot demandé. Je n'aurai jamais pu faire le boulot d'un RH... J'ai besoin d'une personne sur laquelle je peux compter, qui soit ponctuelle et qui ne parle pas des patients à l'extérieur, secret médical oblige. Vous préférez Android ou Apple ?

Je continue à l'observer tandis que je me déplace dans la pièce. Elle reste toujours sur la défensive, ça me plait de plus en plus. Sans réellement m'en rendre compte, mon attitude se fit plus menaçante, jouant du rôle qu'elle était en train de me donner. A moins qu'elle n'ait un sixième sens un peu plus aiguisé que la moyenne. Installé dans le canapé, la capuche en moins sur la tête, je m'amuse à l'asticoter là ou ça piquait. J'avais appris au fils des années à observer les gens afin de percer leurs secrets. La majorité des gens était de véritables livres ouverts. Et le genre de réaction qu'elle avait été mon quotidien et j'aimais en jouer. Rendre les gens mal à l'aise ou pire en les confrontant à leurs préjugés.

Elle se décide enfin à croiser mon regard lorsque je me présente. Elle tique sur le fait d'être en couple et d'être père. Mais elle ne semble pas réagir au fait que j'ai hésité sur le chiffre. Habitude de n'avoir que deux filles et de découvrir finalement que j'en avais une troisième. Soutenant son regard depuis qu'elle avait croisé le mien, je la vois baisser la tête lorsque je lui confie que j'emmerde les idées reçues. Un nouveau sourire lorsque je la vois baisser les yeux. Probablement honteuse de la première idée qu'elle s'était faite de moi. Cela provoque une certaine satisfaction. Et peut être une leçon pour sa part. Et puis j’enchaîne avant de lui laisser la parole. Me redressant sur mes pieds, je me dirige vers mon bureau en reprenant la parole. Il faudra faire attention à votre communication non verbale. Faisant exprès de passer une nouvelle fois derrière elle, écart qui n'était absolument pas nécessaire mais dont j'avais envie.

Ouvrant finalement l'un des tiroirs du bureau, je sors une petite boite rectangulaire et des papiers que je pose, alors qu'elle reprend la parole. Je relève les yeux dans sa direction pour l'écouter. Et cette peur est passée à présent ? Même si j'avais déjà la réponse à cette question depuis un bon moment. Lui faisant signe d'approcher, elle me fit éclater de rire lorsqu'elle me confie qu'elle est fan de Marilyn Manson. Elle est vraiment fascinante et avec une part de maladresse. Si j'avais à choisir, j'ai une préférence pour Korn quand même. Il allait être compliqué pour elle de passer au delà des préjugés visiblement mais du moment qu'elle faisait son job, je m'en fichais. Pour l'instant du moins. Sortant le téléphone de la boite, je la laissais prendre connaissance du contrat qui reprenait les termes que je lui avais cité.

J'aurai besoin de connaitre vos disponibilités. La plupart du temps, vous n'aurez même pas à faire acte de présence au cabinet, du moment vous tenez l'agenda à jour et que vous répondez aux appels sur les plages horaires. Lui tendant finalement le téléphone - un Huawei Mate 50 Pro - avant de l'appeler depuis mon portable. La sonnerie Personal Jesus de Marilyn Manson se mit à retentir. Comme ça vous n'aurez pas de doute sur qui vous appelle. Vous pouvez m'appeler Marilyn... Ou Paz... Je vous laisse le choix. Souriant en coin.

Tout sa vie... C'était un bien grand mot. Mais oui, il avait passé plusieurs dizaines d'années à étudier le comportement humain. Couplé à cela une certaine curiosité et un grand sens de l'observation.

Je lui pose la question connaissance pertinemment la réponse à cette dernière. Elle est toujours sur la défensive même si sa voix prétend le contraire et oui, j'en tire une certaine satisfaction. Je suis certain qu'elle ne fait référence à Manson pour ses qualités musicales mais plutôt pour son apparence. Alors oui, je ne peux pas me retenir de rire. Je la vois se décomposer sur place, prête à disparaitre dans un trou de souris si elle en avait l'occasion. Néanmoins je n'allais pas lui laisser ce plaisir. Elle allait devoir m'affronter jusqu'au bout.

A nouveau son expression change lorsque je lui parle de Korn, ce n'était définitivement pas pour la musique qu'elle m'avait parlé de lui. Visiblement ce n'était pas une grande adapte de metal, dommage. Mais du coup qu'écoutait-elle ? La leçon principale de cette rencontre n'était-elle pas de ne pas juger les gens par les apparences ?

Le téléphone n'était pas trop difficile à prendre en main pour quelqu'un ayant déjà eu un android. D'où ma question initiale, je ne voulais pas perdre de temps avec la familiarisation du téléphone. En général, j'ai quatre rendez-vous de deux heures par jour. Je commence entre 8 et 10h selon le planning des patients et une pause déjeuner d'une demie-heure. Terminant de bricoler ce que j'étais en train de faire. Ca conviendra parfaitement. Partons sur 2h par soir pour commencer, du lundi au vendredi. Nous verrons pour faire évoluer les heures en fonction de la demande. Elle aurait pu me dire n'importe quel horaire, j'aurai répondu par la positive, j'avais trop besoin d'elle... Mais elle n'était pas obligée de le savoir.

Il n'y avait rien de vraiment familier à m'appeler Paz. Tout le monde m'appelait ainsi. C'était devenu mon nouveau prénom pour ainsi dire, mettant mis à détester celui que mon géniteur m'avait donné... Terminant de rédiger les derniers points que nous venions d'aborder, je l'entendis m'appeler Dr. Pazelius. Ca me donnait l'impression d'être revenu à l'internat. Haussant les épaules, j'acquiesçais légèrement, je n'avais rien contre l'idée.

Apposant ma signature en bas du contrat, je lui laissais sa version et un stylo pour qu'elle signe de son côté. M'installant dans le fauteuil du bureau cette fois-ci. Toutes sortes de profils avec des pathologies différentes. Depression. Troubles schizophréniques. TCA. Addiction. Des gens qui ont besoin d'être suivis. D'avoir leur traitement. Me penchant en arrière, le fauteuil fit de même, suivant mon mouvement. Il arrive parfois que certaines personnes soient en difficulté et viennent au cabinet comme si c'était chez eux. D'où le reflexe de fermer la porte à clé. Regardant la porte derrière elle que j'avais fermé un peu plus tôt. Mais il n'y a jamais eu d'incident ayant entrainé des blessures physiques depuis que j'exerce. Avez-vous d'autres questions ? Mon regard se reposant vers elle, un peu plus sérieusement.