Cette situation est en train de me rendre un peu chèvre. Je sais qu'on est pas très forts en communication Mikke et moi, mais ce traitement du silence commence à devenir long et ça me fait chier de savoir qu'on est en froid. Je profite d'un dimanche pluvieux pour rester chez moi et tenter de cuisiner quelque chose de mangeable pour midi : je ne suis pas la reine des fourneaux mais j'arrive à suivre une recette généralement. J'emballe tout avec une bouteille de son rhum préféré et Pixie en laisse, je me dirige vers sa maison au bord de la plage. Y'a des chances qu'il me ferme la porte au nez mais faut bien que j'essaie. Je sonne, j'entends Michi qui se met à courir derrière la porte et quand cette dernière s'ouvre, je présente le sac de bouffe et la bouteille de rhum. J'viens agiter le drapeau blanc Mikke, s'te plais me dégage pas.

Il laisse la porte ouverte et je suis déjà rassurée de cette première mini victoire. J'entre et je sors une petite serviette de mon sac pour sécher rapidement Pixie histoire qu'elle ne foute pas de l'eau partout. Chaussures et manteau retirés à l'entrée, j'entre chez lui et je le rejoins dans la cuisine où il a sorti deux verres. Je pose le sac sur le plan de travail et je débouchonne la bouteille pour verser le liquide dedans. Pas trop pour moi, le rhum pur est un peu trop fort pour moi et le but est pas que je me bourre la gueule. Je déballe la quiche que j'ai faite et je la pose près du four, "Ça devrait pas être trop dégueux", que je dis avant de prendre le verre et je boire une gorgée, grimaçant légèrement. Ouep, le rhum pur ça me défonce la gorge.

Je sens bien son silence volontaire et ça me fout un peu mal, j'en ai l'estomac qui se tord rien qu'à y penser. J'aime pas les conflits et ça a un goût encore plus amer avec lui. Je croise enfin son regard et je soupire doucement à sa question. Je tripote le verre entre mes mains, sans pour autant baisser les yeux. "Arranger les choses ? M'excuser ?" Et il sait que j'suis pas du genre à m'excuser pour un oui ou pour un non. "J'aime pas cette situation, j't'ai laissé du temps mais on peut pas rester comme ça" Et j'veux juste savoir ce que j'dois faire pour qu'on puisse passer à autre chose. Quitte à se gueuler dessus d'un coup histoire d'être débarrassés de tout ça.

C'est tellement nouveau tout ça que j'ai peur de tout faire foirer, mais j'me dis qu'on peut pas rester comme ça éternellement et sachant que je suis celle qui l'a vexé, je me dis que c'est à moi de faire le premier pas. Quand il me dit qu'il ne veut pas de mes excuses, je me sens coincée dans une impasse. Je suis censée faire quoi alors, si même des excuses n'ont aucune valeur à ses yeux ? Figée, je le regarde mettre son four en route et m'expliquer. M'expliquer des trucs que je sais bien, j'l'ai compris tout ça et c'est bien pour cette raison que je suis là. "J'l'ai compris, j'ai merdé et bien sûr que ça se reproduira pas. Tu venais de m'envoyer chier par privé et je sais pas, j'aurais dû savoir que c'était une mauvaise idée et j'le regrette", que je lui dis en le regardant. J'sais que j'ai du mal à me montrer vulnérable ou à dire ce que je ressens mais ça me parait évident que j'regrette et que j'ai conscience d'avoir merdé. "J'veux juste pas.. j'sais que t'aimes bien être tout seul et tout mais d'avoir absolument aucune nouvelle pendant une semaine comme ça me me fait flipper", que j'avoue en soufflant doucement. Je reprends le verre que j'ai laissé pour boire une gorgée, nerveuse. "J'ai juste peur qu'on t'aies trop contrarié et que tu te tires du jour au lendemain et je.." Je sais pas si je supporterai de te voir partir une deuxième fois, Mikke.

Je sais qu'il aurait pu attendre longtemps comme ça, c'est pour ça que j'ai décidé de ravaler ma fierté pour venir le voir. En plus j'me suis fait chier à cuisiner une quiche à la con en guise d'offrande pour son pardon. Le problème, avec le fait de tout garder pour moi, c'est que ça se reflète sur mon anxiété et les gens qui me connaissent assez bien arrivent à voir ce genre de chose. Je ne suis pas bête, j'imagine que Mikke sent que j'suis tendue. Mais quand il dit que l'idée de partir lui a traversé l'esprit, ça me tord encore plus l'estomac parce que ça veut dire que mes peurs sont fondées, et la petit Meg qui a une peur bleue de l'abandon n'est vraiment pas rassurée. Je prends quelques secondes pour essayer de souffler intérieurement et j'essaie de lui offrir un sourire. J'veux juste détendre d'un cran l'atmosphère. Le fait qu'on soit ici à en parler c'est déjà une bonne chose, non ? "Tu sais que tu pourras plus te débarrasser de moi comme ça ?", que je dis sur un ton plus léger. "Tu peux pas me faire tomber amoureuse de toi et te tirer comme un voleur sans rien dire" Je sais qu'il sait. Enfin je me doute qu'il sait et j'ai jamais forcément ressenti le besoin de le dire mais j'pense que c'est important que ce facteur soit prit en considération vu les circonstances. C'est pas juste un test, une distraction ou je sais pas quelle connerie, lui et moi. Je serais pas prête à quitter mon boulot et ma vie à Boston pour le suivre si je ne l'aimais pas.