Assise dans un coin, au niveau des ouvrages qui concernent le développement de l’humain, je travaille sur un projet pour l’école que je viens d’intégrer. Les cours de mise à niveau n’ont même pas encore commencé qu’on nous a déjà donné de quoi nous avancer. J’ai tellement hâte de retourner sur les bancs d’une école et je dois dire que cela me motive encore plus à intégrer Harvard à la rentrée prochaine. Mon dossier manquait toujours de quelque chose pour l’administration mais peut-être que cette année, entre les cours du soir que je prends et cette école de mise à niveau que j’intègre, le résultat sera différent. Je suis tellement prise dans une lecture, assise à même le sol, que je ne vois pas les employés qui me passent devant pour vérifier que le bâtiment est vide. Mon calepin sur le sol, le bras tendu, je prends des notes tant bien que mal. N’étant pas étudiante, je ne peux pas emprunter d’ouvrages et vu l’ambiance dans la famille, je n’ai pas envie de demander à Aleph ou Orphéa de me donner leur carte pour ramener des livres chez moi. Alors je me contente de ça, ce qui est suffisant pour moi. Quelques sources notées sur mon calepin, toutes les lumières s’éteignent d’un coup et je soupire fortement. Rallumez la lumière, y en a qui bossent encore ! Que je lance, comme si c’était un étudiant qui - juste pour faire chier son monde - avait décidé d’éteindre la lumière de la pièce. Je reste là quelques secondes et quand je vois que rien ne change, je me lève, remballe mes affaires et me dirige vers la sortie. C’est peut-être le signe que la bibliothèque va fermer et donc, que je dois rentrer chez moi. Seulement, lorsque j’arrive près du hall d’entrée, j’entends une voix dedans s’il y a quelqu’un. Ça sent mauvais cette histoire. Enfin, il pourrait y avoir pire, je pourrais être coincée chez un caviste. Mon sac pendant sur une épaule, je réponds Oui ! Pour pas que la jeune femme se sente seule. J’arrive rapidement dans le hall et dis On vient vraiment de se faire enfermer dans la bibliothèque ? Tout est éteint et les lumières normalement vertes près des portiques sont rouges en ce moment même, ça ne promet rien de bon. Ils ont fait une annonce avant de tout fermer ? J’ai pas fait attention à l’heure mais je ne pense pas avoir entendu quoi que ce soit, bien trop concentré dans mes lectures.

Lorsque les lumières s’éteignent et que personne ne les rallume à ma demande, je me dis qu’il y a quelque chose de bizarre qui se passe. Est-ce que je vais me faire manger par des zombies ? Parce que oui, c’est totalement ce à quoi je pense à ce moment précis. C’est bien comme ça que ça commence, non ? Je ne veux même pas savoir et marche énergiquement vers la sortie. Au pire, s’il m’arrive quelque chose, on ne mettra pas des jours à me trouver… En tout cas, il n’y a qu’à moi que ce genre de choses peut arriver, aucun doute là-dessus ! Un sourire sur le visage, j’essaye de ne pas être trop défaitiste parce que c’est bien mon genre. Aleph tenterait de me tirer une pensée positive, probablement en vain. En tout cas, la jeune femme est bien plus rapide et énergique que moi. Y a forcément une issue de secours. Ou plusieurs même. Parce que s’il y a un feu dans la bibliothèque, il ne peut y avoir qu’une seule sortie. Ce serait trop risqué et Harvard pourrait subir les conséquences de ce manque de mise aux normes. Wow, c’est trop joli comme prénom. Eowyn. Ça me dit quelque chose mais pas prononcé comme elle vient de le faire. Moi c’est Rose. Que je souffle en continuant de marcher dans la bibliothèque. Voilà un argument de plus pour ne pas vivre seule. Personne ne va s’inquiéter que je ne rentre pas ce soir et j’ai absolument plus de batterie sur mon téléphone. Donc je ne vais pouvoir prévenir personne. Quelle idée d’avoir passé des heures sur TikTok, sérieusement ? Eh mais, tu serais pas la copine de Billie par hasard ? Je suis la grande soeur d’Orphea. Elle doit forcément connaître la blondie de la famille.

Même si je ne suis pas la plus positive des femmes dans la vie de tous les jours, j’essaye de plus en plus de voir le verre à moitié plein. Avec tout ce qu’il se passe dans ma famille, je ne peux pas faire chuter le moral des troupes avec mes craintes et peurs. J’ai envie que l’on me voit comme une vraie adulte et pas une gamine à souci qui a besoin d’être surveillée. Bon, vu que je suis coincée ici, j’ai peut-être bien besoin qu’on me surveille mais avec limite. Ceci dit, heureusement que je ne suis pas toute seule parce que j’aurais probablement paniqué avant de réfléchir. Eowyn est si posée que ça me rassure et que partir à la recherche d’une issue de secours se fait le plus naturellement possible. Un lit de livres, c’est peut-être confortable. Que je souffle en haussant les épaules, riant légèrement. J’ai du mal à voir comment ça pourrait être confortable mais il y a des fauteuils et booth un peu partout dans la bibliothèque alors ça fera l’affaire. Si c’est comme cela qu’on passe notre nuit, je sais d’avance que je vais devoir prendre rendez-vous chez l’ostéopathe. Et alors que l’on discute, je me rends compte que je connais la jolie rousse. De nom du moins. Je ne l’ai jamais rencontré mais j’ai déjà entendu son nom sortir de la bouche de la meilleure amie de ma sœur ou bien même en stalkant sur Meetsachussetts. On se ressemble absolument pas, tu peux le dire. Que je dis en riant. Petite, j’étais blonde mais depuis des années, c’est vers le châtain que je me dirige pour me différencier un maximum de la famille. Et en bien. Que je rajoute, lui adressant un clin d’oeil. C’est pas grand chose comme information mais je ne pourrais pas en dire plus. Je connais Billie mais ce n’est pas ma copine. J’allais te demander si la Dudley valait le coup mais je suppose que tu ne vas pas me dire que non. Avec mon entrée dans cette école privée pour six mois de mise à nouveau, je vois de plus en plus mon rêve s’approcher de moi et j’ai hâte qu’il se réalise. Qui sait, je finirai peut-être à la Dudley l’année prochaine ?

Je me demande vraiment comment j’ai pu me laisser submerger par le travail au point de finir enfermée dans la bibliothèque et, en même temps, c’est tout moi. En tout cas, je suis contente de ne pas être seule. Les solutions seront peut-être plus logiques à deux, pour ce que j’en sais. Je souris à ses mots, hausse les épaules quelques fois et la remets doucement. La copine de Billie. Forcément que j’en ai entendu parler, même si ce n’est pas autant qu’elle doit le penser. Je ne passe pas beaucoup de temps avec ma sœur et ses amies, tentant de m’émanciper de tout cela. J’ai passé toute mon enfance dans l’ombre de la dernière de la famille et je ne souhaite tout simplement pas continuer ainsi. C’est d’ailleurs pour cela que je me teint les cheveux en brun depuis des années maintenant. C’est ma manière à moi de me différencier physiquement d’Orphy. Si tu nous voyais tous les un à côté des autres, il serait légitime de se demander si ma mère était bien fidèle… Ou qu’on a pas été échangé à la naissance. Ce serait complètement idiot de penser cela mais entre Gaspard qui est blond platine, Elias qui a piqué toute la mélanine de la famille et Aleph… Côté filles ou garçons, c’est du grand n’importe quoi mais c’est ce qui fait la beauté de notre famille aussi. Et peut-être que tout ça justifierait le bordel qui anime notre famille. J’avoue que le côté militantisme, soutien, fêtard aussi de la Dudley me correspondrait pas mal. Ce n’est pas parce que je suis une ancienne alcoolique que je n’aime pas faire la fête. Danser, rencontrer de nouvelles personnes, entendre de nouvelles histoires… Tout cela me plaît terriblement et me ferait apprécier encore plus mon expérience à Harvard, je le sais. Pour le moment, je suis dans une école privée pour un programme de mise à niveau pour entrer en développement et psychologie de l’humain. Mais du coup, j’aimerais beaucoup intégrer Harvard à la rentrée, que mon dossier passe enfin l’étape du jury. Je ne veux pas payer mon entrée d’un chèque qui ferait pâlir plus d’une personne. Non, mon futur, ma vie, je veux la mériter et pas qu’on me l’offre. Mais du coup, je veux vivre l’expérience à cent pour cent et m’intéresse déjà aux confréries… J’ai eu le temps de m’y intéresser en deux ans que j’essaye d’intégrer les rangs de l’université américaine. Les Adams sont hors course, je ne veux pas me retrouver avec ma sœur et être à nouveau dans son ombre. La porte ne s’ouvre pas sous l’action de la rousse et je continue donc mon chemin. Il me semble que j’ai croisé une sortie de secours en venant jusqu’ici. Ou c’était en arrivant et j’en ai fait des mètres dans l’université avant de m’installer dans un coin. La Dudley était ton premier choix ? Je suis curieuse comme tout, c’est désespérant.

tw : alcoolisme.

Si ma famille m’entendait, ils diraient surement que je me projette un peu trop et que je devrais plutôt attendre de voir si je suis acceptée à Harvard avant de penser aux confréries. Je pense aussi qu’ils seraient fondamentalement contre mon entrée à la Dudley House parce que c’est une maison qui a l’air très portée sur les sorties, sur la fête et avec mon passif concernant l’alcool, ce n’est peut-être pas le meilleur choix. Cependant, je sais que cette expérience est la mienne et je compte bien la vivre à cent pour cent. Leurs avis seront les bienvenus mais je ne veux pas non plus leur donner trop d’importance. Un avis extérieur me semble tout aussi bénéfique et c’est pour cela que je demande tout cela à Eowyn. Vous êtes soudés, c’est cool. Que je souffle doucement. C’est aussi quelque chose d’important, d’avoir un système de soutien. J’ai la chance d’avoir une famille mais je ne suis pas idiote pour baser toute ma vie et mes interactions sur ceux qui sont ma famille de sang. Les amis sont tout aussi importants, si ce n’est plus parce qu’ils sont là parce qu’ils en ont envie. Clairement ! Que je réponds en pensant à ces mois d’attente entre le dépôt final et le coup de téléphone - enfin l’email - qui dit que tout est bon pour la prochaine étape. Bon, je suis habituée maintenant alors c’est étonnement moins stressant. Mais bien plus frustrant quand la réponse est négative. J’espère que cette année - enfin pour 2023-2024 - tout sera positif et que je pourrais enfin accomplir ce rêve. Je sais que ça ne sera que la première étape d’une longue mission pour obtenir mon diplôme et pouvoir devenir thérapeute mais j’ai foi en moi, ce qui n’est pas arrivé depuis un petit moment. Curieuse comme toujours, je continue avec mes questions alors que l’on continue de se déplacer dans l’enceinte de la bibliothèque. Je me dis qu’il n’y a pas beaucoup de sécurité ici si on peut autant marcher et traverser les salles sans qu’une alarme se mette en route et, en même temps, nous n’avons pas accès aux archives donc ce n’est pas ici que l’on va faire le casse du siècle. La façon dont elle parle, je peux ressentir l’importance que tout cela a pour elle mais je dois avouer que lorsqu’elle parle du port d’armes, j’arque un sourcil. Et quand elle se ravise, je ris légèrement. Doux Jesus, j’ai cru que… Qu’elle était pour et me disait clairement qu’elle se battait pour ce genre de choses. J’essaye de ne pas juger les gens sur leurs croyances et leur foi mais il y a des sujets sur lesquels j’ai un peu plus de mal, surtout en tant qu’européenne. Je suis désolée d’apprendre ça… Et ça me peine vraiment. C’est terrible ce qu’il se passe ici, sans cesse. Il y a déjà eu tellement de shootings cette année et nous savons tous que ce n’est que le début. Je sais bien que la liberté des uns commence là où celle des autres se termine mais c’est difficile à accepter. Un droit fondamental, peut-être. Mais des armes dans les mauvaises mains, c’est souvent la recette pour un carnage et je suis attristée d’apprendre qu’Eowyn est passé par cela. Par la fusillade et le décès de sa sœur aussi. Du coup, vous défendez des causes et associations en communs ou c’est un peu chacun fait ce qu’il veut ? C’est intéressant quand même. On continue d’avancer et je tente d’appuyer sur la barre devant la porte pour l’ouvrir mais elle est bloquée. Mon poignet prend un coup et je grimace doucement. J’essaye d’activer le mécanisme avec mon bras mais ça ne fonctionne pas. Peut-être que cette porte est condamnée. C’est de la folie ! Ma main libre masse mon poignet douloureux et dis On peut se joindre à vous même si on ne fait pas partie des Dudley ? J’ai besoin de m’impliquer pour des choses importantes, c’est vital pour moi.