Trois jours après Vancouver. A quitté Boston depuis six jours.
Localisation : Seattle, Washington (centre de désintoxication).

Ils sont séparés. Elle regrette le mal qu'elle a causé chez moi. Elle semblait sincère. Mais devrais-je y croire vraiment ? Clary va t-elle me croire si je lui dis ? Que nos parents sont séparés et que c'est à cause de moi ? Grâce à moi ? Qu'elle a un nouvel homme dans sa vie et qu'elle semble plus épanouie ? Qu'il est gentil ? Que je l'ai vu ? Va-t-elle prendre comme un affront, le fait que j'y sois allée sans lui en parler ?
J'ai coupé toutes mes communications depuis une semaine. J'ai été obligée de me couper de la vie à Boston. Ici, la seule chose à laquelle j'ai droit, c'est écouter un peu de musique pour ne pas péter les plombs, mais ces quatre murs m'angoissent déjà. Mais c'est pour mon bien.. Pour aller mieux. Mieux. Comme si c'était possible.
J'ai appris quelques mots d'espagnol grâce à un mexicain. De belles insultes que je sortirai sûrement bientôt. Et des trucs un peu lubriques. On verra bien. J'espère que mes potes vont bien. Qu'elle va bien. Qu'ils m'en veulent pas d'être partie.

Neuf décembre 2020
Localisation : Albany, New-York (hôtel miteux)

Une semaine. J'ai tenu une semaine enfermée et c'était un exploit. J'ai abandonné ma cure, j'ai préféré rouler, voir du paysage, me retrouver en tête à tête avec moi-même. Et je me rends compte que ça m'a flinguée, toutes ces merdes. Que j'ai la tête remplie de noirceur depuis trop longtemps déjà. Que l'obscurité, c'est là où je me sens le mieux. Cet hôtel, c'est la triste représentation de ce que je suis. Une bâtisse solide, creuse à l'intérieur. Mais une chose a été bénéfique, c'est que j'ai recommencé à jouer. Pour combler le silence abyssal qui m'entourait. Pour combler le vide. L'absence. Eris est partie, rentrée en Nouvelle-Orléans. Mon pilier s'est tiré, j'ai plus de maison, et j'irai pas demander à Clary de me sortir de là, de m'accueillir, c'est hors de question. Je préfère encore revivre ma vie d'il y a six ans. Trop fière pour faire l'aumône. Je sais qu'elle a toutes mes affaires. Je sais que mes bestioles sont à l'abri chez notre grand frère. Qu'Alien et Predator ne risquent rien.
J'ai été passer mes examens. Parce que j'ai pas envie de tout foutre en l'air. Parce qu'on parle de mon avenir quand même. J'ai essayé de ne croiser personne, me la jouer incognito. C'était le plus compliqué. J'ai pas envie de revenir à Boston définitivement pour le moment. Attendre encore quelques jours en planque sera le plus judicieux pour moi.

Nuit du onze au douze décembre 2020
Localisation : Boston, (Carson Beach, sur le capot de la voiture)

C'était une absence utile. Boston est moins étouffante qu'avant mon départ. Ma fuite. L'air marin est paisible, me rend paisible. Pourtant, ma tête est dans le chaos. La guitare est à côté de moi, le froid brûle ma peau. Je tremble comme une feuille au passage du vent. Les étoiles au dessus de ma tête scintillent de milles feux. De partout, suinte l'insidieuse mélancolie. Quand les mots manquent, les notes se dessinent. Se raturent. Les cigarettes s'enchaînent. Le cœur en berne, les souvenirs en ébullitions. Garder le silence, encore un peu. Laisser le temps faire son oeuvre, laisser l'oubli faire son travail. Les notes s'enchaînent finalement, comblent le bruit des vagues qui s'écrasent sur la lagune. L'obscur devient beau sous l'éclat de la lune. Mes yeux brûlent de n'avoir plus rien à pleurer. Mes doigts gèlent de n'avoir plus rien à jouer. Je suis rentrée chez moi, sans maison où m'abriter. Mais c'est ici, chez moi.

Je n'ai plus qu'à reprendre le cours de ma vie, ou la recommencer avant que Keith ne vienne tout défoncer.