Cela débuta un certain soir en 1991, à une table de poker. Oui, comme vous l'aurez compris, la jeune demoiselle est née en partie grâce au jeu dans lequel, il faut l'avouer, elle est plutôt douée.
Un jeune homme, d'une trentaine d'année, jouait depuis seulement dix minutes et raflait tout l'argent que ses pauvres collègues tentait de gagner, eux aussi. Distribution de cartes, regard par-dessous ses lunettes de soleil, puis, un cri. Provenant à l'étage du dessus. Intrigués, ils stoppèrent tous le jeu pour monter, sauf un. L'homme à la trentaine d'année était resté assis, jusqu'à ce qu'il décide que le temps était venu. Se levant de sa chaise à toute vitesse, il prit l'argent, ainsi que les billets aller-retour pour l'Amérique. Ah oui, peut-être avais-je oublié de préciser que ce n'était pas quelqu'un de très honnête non plus. Toujours mêlé à des histoires de drogue, il n'est pas très gentleman non plus avec les femmes. Pour lui, ce sont plus des objets que des personnes. Ne les utilisant que pour ses besoins personnels, il les traite comme de simples ordures. Après s'être fait plaisir, il les laisse tomber, que ce soit la nuit ou le jour, dehors, seules. Cette fois-ci ne changea pas. Arrivé en Amérique le surlendemain, c'est une jeune femme blonde qu'il ramena dans son hôtel. Cette dernière ne s'était pas laissée amadouée si facilement. Mais après ses nombreux insistations, elle ne put que céder, surtout que, autant ne pas se mentir, cet homme avait beaucoup d'atouts niveau physique. Mais ce qu'il ne savait pas, c'est que cette nuit-là allait engendrer beaucoup de choses qui ne lui était jamais arrivée jusqu'ici... Un bébé. Il ne put se résigner à accepter une telle chose, et la quitta aussitôt. Comme à son habitude. Laissant la pauvre jeune femme élever sa fille seule. Durant ces nombreuses années, elle apporta à Maewenn tout l'amour d'une mère dont une petite fille aurait besoin. Mais plus les années passèrent et plus tout allait mal. Une leucémie. La mère de Maewenn avait une leucémie. Maewenn l'accepta très difficilement, ce qui est probablement compréhensible. Elle passa ses journées entière auprès de sa mère, mais la voir ainsi la dégoutait à un plus haut point. Elle était tout ce qui lui restait. L'idée que sa propre mère parte, était la pire chose qu'elle puisse imaginer.


Silencieuse, je regardais la scène qui était en train de se dérouler devant moi. Je ne parlais pas, car j'avais trop peur. Des frissons s'emparèrent de mon corps, l'angoisse prenait place dans mon estomac. Je ne savais que faire. Haletante, je me dirigeais vers la porte d'entrée. Je me souviens que je ne me sentais pas bien, que j'avais besoin de prendre l'air au risque de m'évanouir. Je m'étais recroquevillée à terre, contre le mur de la maison. Je pleurais.
À cette époque, j'avais seize ans.

Depuis, je me sens terriblement coupable. Je culpabilise un peu plus tous les jours, et je me dit que si je me suis retrouvée aussi seule ce n'est que de ma faute, rien que de la mienne. Le soir de sa mort, je suis partie. J'ai fugué. Je ne pris même pas la peine de refermer le portail derrière moi. À quoi bon. Je ne comptais pas revenir, de toute façon. Mes jambes accélérèrent, sans même que je ne m'en rende compte. C'était comme si mon cerveau ne marchait plus, que c'était mes pieds qui commandaient. Mes pensées étaient brouillées, tout comme ma vue. Je voyais flou. Le monde autour de moi ne reflétait que cette réalité si puérile et qui me dégoutait tant. Avez-vous déjà ressenti cette sensation ? L'impression que tout vous échappe, que la vie s'est bien foutu de votre gueule ? Moi, oui. Il faisait noir, il pleuvait et j'avais froid. Mais je marchais quand même. Je ne savais même pas où j'allais, je prenais des chemins au hasard, me retrouvant parfois dans des culs-de-sac. Au bout d'un moment, marchant toujours, un bruit strident se fit entendre un peu plus loin en ville. Comme le cri aigüe d'une femme. Il était tard, dans les environs de trois heures du matin, et je pensais être la seule à errer à cette heure tardive. J'étais intriguée, certes, mais je ne savais pas quoi faire. Moi qui était si peureuse, si peu courageuse et si... froussarde, qu'allais-je faire devant cette femme désespérée ? Lui prendre la main et lui dire que c'était la vie ?! Non. Déjà, c'était totalement ridicule. Et de deux, je me voyais mal aller réconforter une femme que je ne connaissais même pas qui était apparemment dans le même état que moi. Mais ma curiosité pris le dessus. Je pris le chemin inverse, celui qui était à l'opposé du mien. Retenant mon souffle, j'arrivai dans la ruelle où le cri avait retenti quelques minutes plus tôt. Je ne voyais rien. Les lampadaires n'éclairaient plus rien, et les bâtiments me rappelaient un film d'horreur vu dernièrement. J'en avais la chair de poule. Mes pensées toujours brouillées, mes larmes coulaient sans même que je ne m'en rende compte. Je revoyais sans cesse ma mère mourir sous mes yeux, son regard vide dirigé vers moi... Elle était morte, mais je n'arrivais pas à me faire une raison. Elle qui m'avait donné tant d'amour, qui me séchait mes larmes lorsque je pleurais, qui me racontait des histoires avant de dormir, qui m'achetait ma poupée préférée pour mon anniversaire même lorsqu'elle n'avait pas les moyens... Je l'aimais, mais elle est partie.
Une main froide se posa sur mon épaule. J'étouffai un cri. Mon cœur se mit à battre comme jamais, j'avais peur, si peur... Et tout ça en une seconde et demi. Je n'avais pas envie de tourner la tête, je ne voulais pas savoir qui était cette personne. Mes mains étaient à présent moites, et je sentis la sienne glisser le long de mon dos avant de l'enlever de mon corps. C'était une homme, j'en était maintenant sure. Sa voix résonna dans la ruelle.

« - Ta maman ne t'as jamais appris que trainer dans les rues comme celles-ci à quatre heures du matin était dangereux... Très dangereux. »

Je le sentais tourner autour de moi, me scruter de haut en bas. J'avais les yeux fermés, je ne tenais pas à voir son visage.

« - Je suppose qu'elle n'a pas eu le temps. Elle est morte abruti. »

La rencontre avec cet inconnu enchaîna beaucoup de choses. Beaucoup trop. Un camé. Elle sombra peu à peu dans la drogue et tout ce qui s'ensuit. Pourquoi s'obstine-t-elle à lutter contre cette torture qu'on nomme la vie, qui l'anéantit un peu plus chaque jour ? T-elle est la question qu'elle ne cesse de se poser. Néanmoins, elle poursuivait ses études malgré l'argent laissé de côté pour sa tendre fille. Elle voulait rendre sa mère fière, même si cela paraîtra un peu plus complexe qu'il ne l'est prévu.