I'll be okay

@Céleste Witherspoon

La rentrée est là, elle n’a jamais été aussi proche et pourtant… Pourtant tout ceci me parait tellement éloigné, distant. Je n’aurais pas le droit de démarrer mon internat en même temps que les autres, suivre les cours fut déjà une énorme bataille à mener avec l’administration qui préférait me voir combattre le cancer intégralement avant de songer à remettre le nez dans les cours. Un semestre à rattraper l’an prochain, six mois d’une vie à sacrifier au nom de la maladie et un échec sur lequel j’ai statué avec la même fermeté que pour le reste. Non. Je me sens capable d’arriver à concilier les deux, il le faudra de toute manière, il en va de ma santé mentale. Renoncer à aller en cours, à performer comme je l’ai toujours fait pour conserver ma place de major de promo, ce serait me mettre un sacré coup au moral. Je ne crois pas avoir besoin de préciser que le moral, dans ce cas de figure, est essentiel pour parvenir à s’en sortir. Baisser les bras, c’est généralement voir la maladie s’épanouir radicalement et tragiquement. Je me refuse à échouer si près du but, alors que la chimiothérapie s’intensifie pour un ultime bloc de séances censées me permettre d’accéder à la chirurgie sur laquelle j’ai les yeux rivés depuis le tout début. Depuis le premier jour. Cette tumeur maligne, logée sur ma colonne vertébrale ne prendra jamais le dessus, je refuse de la laisser remporter cette bataille, ce serait très mal me connaitre. Pour l’heure, loin de tous ces combats à mener, je l’attends patiemment. Installé à la terrasse de ce café où j’ai mes habitudes, mon mocha blanc brûlant entre les mains. Je lui ai appris récemment pour mon cancer, comme à pas mal de monde en réalité. Morgan, avec qui j’ai repris contact, vient également de l’apprendre. Il n’y a que Lorenzo et Jonah qui savaient avant cela, ma famille, elle, l’ignore toujours, et j’espère bien pouvoir le leur dissimuler complètement. Ils n’ont pas reçu de snaps de mon visage, de mon corps depuis des semaines, eux qui étaient habitués à me voir poser sur mes selfies partout où je me rendais… Je me demande s’ils se posent des questions, ma grand-mère le fait… Je suis à court d’excuses pour la convaincre de ne pas venir passer du temps près de moi, sur le campus. Mes études ne suffisent plus et j’ai peur de la voir débarquer à l’improviste, pour me faire la surprise. Elle tomberait de haut en me découvrant, le crâne rasé, une vingtaine de kilos de moins, le teint pâle, blafard, les traits tirés, l’épuisement perceptible… Un cancer, ça laisse des traces que plus personne ne peut ignorer à présent.

(C) CANTARELLA.