Je m'efforce d'oublier le vacarme de nos tourments. Le silence qui orne désormais nos unions. Je profite de l'endroit. Splendide. Un peu trop. Vous êtes cette sorte de famille, tu sais, ces personnes qu'on juge de notre sang. On peut les détester mais elles seront toujours là finalement. Je vous déteste. Je vous aime. Et je vous déteste à nouveau. Je sais que j'ai pas été à la hauteur te concernant Hades. Faut dire ce qui est, ton jumeau a cette fâcheuse habitude de prendre toute la place. Notre amitié a toujours été plus simple, plus douce, même si j'en essuie aujourd'hui les conséquences. De ce manque d'attention dont j'ai fait preuve à ton égard. La journée s'achève, les lueurs sont encore claires, comme un avant goût d'été ici sous le soleil italien. Des airs d'insouciance au milieu de la tempête. Et ce rire qui s'accroche aux arbres, les intonations qui s'émerveillent des feuillages. On s'imagine Chevalier et Princesse. Guerrier et Soldat. Magicien  et Sorcier. Pilote et Passager. Tu joues depuis de longues minutes avec cette voiture télécommandée que j'ai acheté pour toi petit être. Je ne devrais sans doute pas m'émouvoir. Mais tu serais surpris Hades, du pouvoir que peuvent avoir sur moi les enfants. Ils ont ce don pour faire ressortir le tendre de mes facettes. Je ris avec toi Jesus, légère comme toi tu l'es, insouciant des poids à venir, des poids sans doute déjà trop lourd que tu as porté pour ton jeune âge. Je ne te vois pas arriver dans mon dos Hades. Si je suis tendre, toi, tu as tout de la mère poule et c'est encore plus inédit te concernant. Mon regard passe à l'arrière lorsque je devine ta présence. Je me tourne vers toi finalement pour te sourire franchement. La télécommande entre les mains, le rire du petit hante toujours le jardin sous ma conduite sans doute trop téméraire. « Tu veux essayer ? » Gamins malhabiles. Aciers en fusion. Je voudrais être comme dans le temps tu sais, un signe de main, phalanges en union, on fait la paix ?  Mais on est que des malhabiles alors je m'accroche comme je peux à ce qui nous reste de prestance. Si tant est qu'elle existe encore en présence du petit protégé. On ne dira rien. On bordera nos tendresses de silence.

Les choses ont bien changé. Peut être trop, ou pas assez, je ne saurais trop le dire. Le temps file, avance et toi, jusqu'à il y a 2 mois, tu avais ce sentiment de ne pas avoir avancé, probablement asséné par l'annonce de ta douce Reine : elle est en couple et souhaitait que tu rencontres son compagnon. Te rendant à Paris, t'as fait bonne figure et t'es parti en Colombie, puis au Venezuela, certains diront que c'était le besoin du grand frisson, d'autres une vengeance envers elle, mais ce n'est rien de tout ça. Tu y es allé pour toi. Et perdu au milieu d'une des villes les plus pauvres et malfamé du monde, tu t'es retrouvé en quelques sortes en le trouvant lui. Je crois Hades que même si tu ne le dis pas, tu l'as aimé tout de suite. Tout de suite, tu as senti un truc qui vous liait et tu ne pouvais pas partir sans lui. Depuis le rire de ce gamin haut comme 3 pommes, qui parle de manière bancale l'anglais, peu le français et pas du tout le néerlandais, rythme ton quotidien d'une manière inattendu. Tu te découvres protecteur, père poule. Tu ne lâches jamais prise, trop inquiet pour la sécurité de ton petit. Mais ici, en Italie, tu n'as rien à craindre, tu le laisses avec Deirdre et Mamma, car l'air frais te donne envie de courir un peu. Tu parcours la propriété en jogging et tshirt, lunettes de soleil sur le nez. Tu penses, tu respires. Et une fois ton défoulement fait, tu te rends vers les rires que tu entends, les voix enjouées. Découvrant la sublime femme aux cheveux corbeaux et à la prestance irréprochable au côté de ton bonhomme. L'entendre rire te fait tout de suite sourire, instinctivement, comme ci c'était tout ce qu'il te fallait. Tu découvres la fille de la bande, l'aigle noir, l'irlandaise, attendrit par un môme de quelques années. Tu le sais sans même voir ses yeux à elle, qu'elle l'est, attendrit. Émue même je dirais. Peut être que rencontré un gamin qui a tant vécu et qui aime tant la vie émeut ? Ou bien peut être que les petits êtres ont tous cet effet sur elle, j'en sais rien. Mais a cet instant précis, elle semble voir exactement ce que toi, tu vois en ce petit bout d'homme : un ange. Tu n'es pas le genre à baisser les armes, mais la scène te fait plaisir, surtout que tes amis ne sont pas tous d'accord avec ton choix et ont du mal à le comprendre. De même pour ta famille, Agathe adore le petit, mais Abélard, c'est une autre histoire, et tes parents, n'en parlons même pas, tu ne réponds simplement pas à leur appel. Heureusement que le verre fumé de tes protections solaires cachent tes yeux, illuminés par la simple présence de ce gamin. Et par la scène. Si vous n'aviez pas été fâché, si tu avais été expressif et émotif, tu l'aurais sûrement prise dans tes bras pour la remercier. De ne pas juger. Et d'apprécier ce petit ou au moins de faire semblant. Mais soyons franc, tu ne le feras pas. Parce que tu es dur, même avec tes amis. Surtout avec eux d'ailleurs. Ton intransigeance et ta colère sont connus et reconnus. Je crois que plus tu aimes une personne, plus ton intransigeance est intense. C'est probablement pour ça que Deirdre avait été banni de ta vie quelques temps, n'ayant rencontré Jesus pour la première fois que aujourd'hui. Tout ça a cause d'une question d'égo, de maladresse et de fierté. Ou bien tout simplement d'agacement de passer au second plan. Enfaite, t'es tellement discret sur ta vie sentimentale ou tes sentiments que les gens doivent oublier que parfois, tu en as.

Finalement, le regard de la jeune femme se pose sur toi, alors que le petit, lui est bien trop occupé par l'engin téléguidé que l'irlandaise elle même lui a offert. Rien que l'idée qu'elle ait pris le temps de lui acheter un truc est un grand plus pour elle. Je pense qu'elle a compris l'importance qu'il a pris, le gamin, en quelques temps, et l’appâter lui, c'est t’appâter toi. Ou bien c'est simplement une main tendue, un drapeau blanc pour faire la paix. Un sourire sur les fines lèvres de la jeune femme alors que tu te forces à rester impassible, mais si elle pouvait voir à travers le verre teinter, elle verrait que tu n'es plus fâché, plus vraiment. Elle te propose même de conduire l'engin et tu réponds Ta conduite à l'air de le faire tellement rire. Continue, je t'en prie. parce que ça fait du bien ce son, ce rire cristallin et enfantin qui anime le jardin. Tu te rapproches pourtant d'elle, pour te placer à ses côtés et regarder au niveau de la voiture, sa conduite des plus bancales qui semble amusé son spectateur. Tu as bien choisi ton cadeau. Je crois qu'il l'adore. pour ceux qui ne te connaissent pas, cette phrase veut dire une chose : merci. Même si tu l'as guidé sur le cadeau adéquate pour le petit, il est de sa part. Et cette initiative, elle a rendu un gamin heureux. C'est le principal non ? Et en prime, ça adoucie les coeurs. Parce que dans le fond, quoi qu'elle fasse, Deirdre, elle fait partie de tes plus proches alliées, amies. Elle fait partie de ces gens en qui tu as toute confiance. Elle est de ces rares personnes que tu ne trahirais jamais. En dépit de vos désaccords ou de vos différences, je crois qu'elle est de ces gens qui comprennent ta douleur silencieuse et dont tu comprends la sienne. Vous êtes semblable. Elle est ta famille. Deirdre est le modèle de la femme parfaite, c'est pour ça que tu l'apprécie tant.

Je sens la douceur s'installer confortablement entre nous après des mois de tourments. Contrairement à la majorité des irlandais, je ne suis pas catholique, et je n'aurais jamais pensé que Jesus puisse être celui qui nous réconcilierait. Ou plutôt qui te ramènerait à moi. Parce que pour ma part, je n'ai jamais été fâchée contre toi Hades. Même si j'ai compris ta colère. « Je ne suis pas très douée apparemment mais au moins ça le fait rire. » Je m'applique pourtant mais je dois bien l'avouer, je n'ai aucun talent. Je n'ai jamais vraiment eu de jouets. Du matériel pour mes apprentissages mais rien de plus. Je presse mes pouces sur les boutons pour tenter de faire avancer la voiture qui ne tarde pas à se confronter contre un buisson, ce qui fait rire à nouveau le petit garçon. « A ton tour, cette voiture a besoin d'un véritable pilote. » Je lui souris en lui donnant la télécommande, en me penchant à son dos que je viens entourer de ma main tout en l'aidant à déplacer l'objet. Je ne prête même plus attention à mes escarpins solidement ancrés dans le gazon, je les retire même, pour me trouver pieds nus au contact de la terre, histoire de pouvoir faire quelques pas avec toi Jesus, alors que Hades me félicite pour mon cadeau. « C'était sur ton conseil et je t'en remercie. » Parce qu'il aurait pu t'ignorer mais non grâce à lui, tu as pu faire un cadeau digne de ce nom à cet enfant. Celui-ci s'éloigne naturellement pour rattraper sa voiture tandis que tu te rapproches de Hades. « Il doit se faire opérer bientôt ? » Car tu as su rapidement la raison pour laquelle il l'a recueilli. Et cela te suffit pour porter déjà une inquiétude de plus. Tu ne pensais pas t'émouvoir d'un enfant, mais c'est inexplicable comme situation. Sans doute que tu retrouves un peu de toi en lui.

Je crois que depuis qu'il est là, tu réapprends à respirer, tu apprends à guérir. Dans un sens, ça te fait peur Hades, parce que la douleur, tu connais presque que ça. Dans les méandres de tes pires sentiments, il apporte de la lumière. Tu t'y ai fait au final, à son rire un peu trop bruyant et au bazar qu'il ramène avec lui. Tu t'es fais à son petit air d'ange, à ses crises quand il ne veut pas faire quelques choses. Tu t'es fait à sa chambre attenante à la tienne et à sa manie de ne dormir que si un album de musique de piano que tu as enregistré il y a longtemps passe. Tu t'es fait à sa présence. Toi, loup solitaire, il a réussi à entrer dans ta vie sans que tu ne le contrôle vraiment. Et là, rien que de l'entendre rire comme un bienheureux, avec Deirdre, ça te fait sourire. Tu les rejoins d'ailleurs, le coeur délesté de ta rancoeur passé. Deirdre est la flamme de la bougie. Elle est brûlante. L'épine d'une rose, piquante. Mais vous vous ressemblez sur bien des points. Et le fait qu'elle ait l'air d'apprécier réellement Jesus, ça te fait du bien, ça te redonne le sentiment que tu as bien fait. Que tu as fait le bon choix. De l'accueillir près de toi. Certains, parfois, te font douter, toi pourtant, la sûreté de toi même incarné. Abélard ne l'accepte pas, Noah ne le regarde que 2 minutes. Tes parents ne le voudraient pas non plus dans ta vie. Mais Deirdre, elle, elle agit comme ci il était là depuis toujours. Ou bien comme ci c'était ton fils, déjà. C'est le principal, qu'il rigole. parce qu'en peu de temps, c'est devenu ton son préféré. Et tu arrives même à sourire. Avançant pour te placer près d'elle, tu ne la regardes pas, probablement à cause de la pudeur de tes sentiments, ou bien parce que ta petite bouille brune attire toujours plus ton regard. C'est moi qui devrait le faire. entendez par là "c'est moi qui devrait te remercier". Pour son attitude, pour ses sourires à l'égare du petit. Peut être tombera t-elle amoureuse de lui, elle aussi. Comme toi. Elle fait avec lui encore un peu de guidage avant qu'il ne se lance, manette en main, à la poursuite de l'engin pour aller le récupérer, te laissant avec l'irlandaise, qui pose finalement la bonne ou la mauvaise question. Tu enfonces tes mains dans les poches de ton jogging pour serrer les poings, d'un coup, ton coeur s'emballe, se serre. Si ses résultats sont bons, la semaine prochaine. et rien que cette idée te met d'une humeur de dog. Ca te retourne le coeur, le déchire. Enfin, je crois. Toi même tu ne saurais pas vraiment définir ce que ça te fait. Parce que t'es pas habitué à ressentir ça. Tu te fais violence, vraiment et rien ne parait sur ton visage ou sur ton corps, la seul fenêtre de ton âme est cachée derrière les verres teinter de tes lunettes de luxe Après 2 semaines de soins et il retourne dans son pays pour se faire adopter. c'est passé trop vite. C'était trop rapide. Toi, ce petit, c'est trop tard, tu l'aimes déjà tellement, même si tu es incapable de le dire. Et quand tu le regarde au loin, tu le regarde d'avance avec de la nostalgie et ce besoin de graver chacun de ces instants dans ta mémoire. Pour ne pas oublier quand il sera parti. Quand le vide reviendras. Le temps, c'est réellement, le seul truc que tu ne pourras jamais t'offrir.

La tendresse qui borde ton sang est sans doute nouvelle Hades. Ou bien familièrement tapie là à l'abri des curieux. Elle n'avait pas refait surface depuis ce Cadet que vous avez perdu. Je ne la devinais pas jusqu'alors et elle se révèle à mes yeux de mon côté également. Lorsque j'observe la chevelure enfantine s'agiter au gré des pilotages, les rires qui viennent emplir l'air sec et chaud de ces contrées italiennes. Comme une légèreté au milieu de notre chaos. C'est lui qui nous pousse à faire un pas l'un vers l'autre. « Je suis d'accord. » que je rétorque avec un sourire aux lèvres. Tant que le petit est heureux, tant qu'il est un enfant encore malgré l'épée au dessus de sa tête. Je n'ai jamais vu de combattant aussi vaillant. Armé d'un seul rire, il fait fondre les plus coriaces des armures. Je n'ai même pas pensé à apaiser ta colère par ce cadeau Hades, c'est la première idée qui m'est venue lorsque j'ai su que j'allais rencontrer ce petit Jesus. Je sais que Abelard pense que tu as perdu la raison, comme Noah se fiche un peu de cet enfant qui vient orner ton environnement. Mais moi je pense qu'il est la clé, cette pause, cette bulle de légèreté dans ton tourment. Je profite de la distance entre nous et l'enfant pour t'interroger sur sa condition. La semaine prochaine. Et mon cœur manque un battement. « Est-ce que je pourrais t'accompagner ? » C'est sorti naturellement et avec la colère qui t'anime me concernant je ne sais pas si c'est une bonne idée. Mais c'est ce que j'aimerais. Être à tes côtés et aux siens pour une étape si importante. Je sais que tu es un homme de règles Hades, un prince qui respecte l'étiquette et les convenances, mais je peux également observer l'attache qui s'est tissée entre vous. Accueillir cet enfant était temporaire et je sais que tu ne voudras pas te résoudre à plus. Que ce serait peut-être même inconvenant alors que tu as encore toute ta vie à parcourir. Mais l'imaginer retourner chez lui et à sa misérable condition m'arrache une grimace. Je ne peux imaginer telle tristesse. Sans doute parce que son chemin se teinte un peu de mes propres sombres lueurs. « Tu n'y a jamais pensé? » Je marque l'affront de mes mots, j'ose un regard vers ta personne, me confronte au sombre qui teinte le verre de tes lunettes.« A l'adopter ? » Je ne doute pas que tu aies saisi immédiatement la nature de ma question, mais j'ose formuler à voix haute ce que tu ne t'es jamais sans doute autorisé. Formuler le lien, l'envie de le faire perdurer, le désir d'aider un être à sa bâtir en y mettant un peu de soi. En s'autorisant à être plus qu'une étape sur un chemin semé d'embûches.

Vous n'êtes que des oiseaux de mauvaises augure. Les grands du monde. Deirdre est comme toi, elle sait que le fric, ça ne fait jamais tout. C'est insuffisant, même si on essaye et au final, le petit peuple qui se joint à vous, qui pense toucher un américan dream, s'effrondre sous le poids du mal qui vous ronge. Vous êtes les rois du monde, grâce au fric. Mais bien conscient que le monde est laid. Du moins, toi, tu l'as toujours su. Je crois que tu as toujours méprisé le monde qui t'entoure. Tu hais ces gens pleins d'espoir, parce que l'espoir n'existe pas. Pourtant, l'espoir de Jesus, tu n'as pas pu passer outre. Quand tu as vu ce petit homme, se battre si fort, tu l'as immédiatement aimé. Et tu t'efforce de le rendre heureux depuis qu'il est arrivé. T'as réappris sur le tas. Il a calmé ton mal, ce mal qui te ronge. Il t'a changé sans même que tu ne le contrôle. Alors oui, c'est important pour toi que tes amis l'acceptent. Mais soyons franc, ce fût un échec du côté de Noah et d'Abélard. L'un s'en fou. L'autre pense que ce n'est qu'une lubbie. Mais quand tu arrives et que tu vois Deirdre jouer avec lui, tu vois qu'elle comprend. Deirdre, l'ange noir, elle voit. Elle voit pourquoi tu aimes ce petit gars je crois. Elle comprend. Et rien que ça, calme ta colère flamboyante. Appaise les maux qui vous ont séparé. Et quand finalement, elle demande quand, un dur retour à la réalité te donne un mal au coeur, un mal au ventre. Tu ne l'as pas vraiment dit aux gens, par pudeur je crois. Ou bien tout simplement parce que tu n'es pas prêt. Pas prêt à le perdre. A lui dire au revoir de quelques façons que ce soit. Immédiatement, tu es plus froid, plus distant dans ta posture et d'avance, tu regardes le petit, comme ci il était déjà loin. Tu réponds en même temps, une manière pour toi d'admettre la réalité je crois. Répeter ça, ça le rendra réel et plus simple a accepter non ? Tu ne sais pas trop ce que tu attends comme réponse de Deirdre, mais tu apprécie qu'elle ne pose pas de question sur comment tu te sens, ça t'évite d'avoir à mentir. Elle demande à venir, tu acceptes en hochant la tête Promets moi de ne pas prévenir les autres. entendez par là Noah et Abélard, tu n'as pas besoin de pitié ou de fausse présence. Tu n'as pas besoin de ça. Et probablement aussi par pudeur. Tu as besoin de rester dans le contrôle. Et le contrôle passe par qui est au courant ou non. Tes pupilles ne lâchent pas ton petit protéger, à l'afut de tout. Tu as besoin de le voir heureux, je crois. Finalement, ta dame de pique pose une nouvelle question, tu comprends sans le complément de quoi elle parle. N'as tu jamais pensé à l'adopter ? Si. Bien sûr que si. Tu tournes le regard vers elle alors qu'elle précise, yeux dans le yeux sa question. Si. Mais, parce qu'il y a un mais, non ? Mais il lui faut le meilleur. Il le mérite. et tu ne te penses pas à la hauteur d'un ange pareil. Tu aurais peur de le briser avec ce mal qui te ronge depuis toujours. Tu le détruirai, comme tu as détruit Arthur d'une certaine façon. Tu détruis ce que tu touches, Hades, empereur des enfers, c'est ta spécialité. T'as détruit les femmes qui t'ont un jour aimé et la personne la plus précieuse à tes yeux. Comment pourrais tu prendre le risque de lui faire ça, a lui aussi.

Je peux imaginer ce que tu as pu ressentir en cotoyant ce gamin des rues. Si volontaire, si insouciant. Sans doute que moi-même, je ne serais pas restée impassible face à une lueur si vive aux milieu des enfers. Quoi qu'on en dise, on est toujours attiré par la lumière. On aime toujours deviner le clair au delà de l'obscur. La réalité est bien plus sombre, bien plus exigeante, mais on peut la peindre de lueurs. J'ai décidé de le faire. J'ai décidé d'oublier ma douleur ou du moins de la faire taire. Je t'observe Hades, du silence à ces mots que je te formule. Cette demande. Celle de partager ce moment décisif. Un moment où tu ne voudrais pas exposer de ta chair sous l'armure mais où tu ne pourras pas lutter. « Je te le promets. » Parce qu'il ne sert à rien d'exposer la faille à ceux qui ne peuvent pas en mesurer la taille. Je me suis érigée à distance du monde, sous cette apparente dorure. Tout comme toi Hades, mais je sais que nous comprenons mutuellement ce que l'on dissimule au monde. Ce qu'on ne s'autorise plus. Je m'affranchis également. « Et je te remercie. » D'oser partager ça avec moi, de me permettre d'être celle qui te soutiendra. Car j'ai manqué à mes devoirs mais je ne veux plus renouveler un tel échec avec toi. Et je viens te poser cette question qui me semble naturelle, celle qui me brûle les lèvres. Et qui a sans doute hanté les tiennes. Te lier durablement à cet enfant. Je l'observe à nouveau sous ta réponse. Tu veux le meilleur pour lui. Il adoucit ton tourment mais tu ne veux pas exposer tes noirceurs à un enfant si pur. Et quelque part, je le comprends. Tu es et tu seras un homme trop occupé, seul sans doute encore un moment et tu as déjà commis des malheurs pour les personnes qui te sont chères. Je le connais également malgré moi, ce don inné pour la destruction. « Ce serait égoïste oui. » Et ma voix se fêle sous l'assaut de cette vérité. Le garçon revient vers moi, pour me demander de débloquer l'engin qui s'est à nouveau bloqué. Je cours avec lui malgré ma robe étriquée pour remette le véhicule sur le bon chemin, il est très fier de me montrer ses progrès et je l'encourage naturellement alors qu'il m'oublie à nouveau, captivé par son jeu. Je retourne vers toi Hades, profitant de cette sensation éphémère de légèreté, de mes pieds qui viennent se poser sur les brins d'herbe, de mes poumons qui s'emplissent de cet air parfumé, de mes billes qui se plissent sous l'assaut du soleil et de mes oreilles qui se bercent des mots étrangers de l'enfant. « Mais tous les parents le sont tu sais. » Mettre une vie sur terre, oser un homme de plus, c'est juste pour oublier sa fin qu'on bâtit une nouvelle vie. Et moi je le sais, que tu serais aussi bien un qu'un autre. Que tu serais même largement meilleur.

Certains ont besoin d'être entouré dans les moments durs ou de stresse, pas toi. Toi, tu aimes le contrôle et tu n'attends plus rien de la vie. Tu n'es pas doué pour montrer les choses. Tu as énormément de distance avec tes sentiments, mais Jesus, c'est comme ci il réveillait tout ça en toi. Il te fait rire, il t'agace parfois, il te fait te sentir pour une fois, vraiment important. Tu ne pouvais pas l'abandonner là bas, c'est ça que les autres ne comprennent pas, sauf Deirdre peut être, parce qu'elle te connait si bien, ta dame de pique, cette femme, ensorceleuse et charmeuse, sait lire en toi, probablement parce que vous êtes similaire sur bien des points. Et je crois qu'elle comprend, que tu ne veuilles pas mettre au courant tout le monde, parce que si ça se trouve, ça va bien se passer et petit homme va ressortir en grande forme, pas besoin d'en faire une maladie, si ? Elle accepte et tu sais que ses promesses valent de l'or, qu'elle ne la brisera point, parce qu'après tout ça, tu as confiance en elle. Tu la crois. Je crois que sa noirceur égale à la tienne fait que tu as confiance en elle plus qu'en beaucoup d'autre. C'est étrange, mais réel. Elle agrémente même ses paroles de remerciement. Elle n'a pas besoin de préciser pourquoi. Et t'as pas besoin de la remercier de vouloir être là, elle sait déjà que ça te tiens à coeur mais que tu n'es pas capable de le dire à haute voix. Je ne sais pas comment j'ai fais sans ma meilleure alliée tout ce temps. c'est un genre de déclaration d'amitié. Un genre de truc que tu ne fais pas souvent parce qu'admettre qu'on a besoin des autres, c'est une faiblesse et chez les DBS, vous n'êtes pas faible. Finalement, elle pose la question qui brûle les lèvres je crois. Et tu décides d'être sincère, alors que tu aurais pu mentir. Non, tu dis la vérité. Tu baisses les armes un instant. Posant ton regard sur elle, à travers la teinte de tes lunettes. Tu l'admets. Si, tu as pensé à remplir la paperasse et te lancer dans cette aventure. Seulement, tu es trop lucide pour t'y lancer. Tu le sais trop bien : tu le détruirai, comme tu as détruit le reste. Tu es roi dans la démolissions des autres. Regardez Charlie, Cassie, LR, Cléolya. Tu les as toutes faites souffrir d'une façon ou d'une autre. Dans ta façon de fuir finalement quand ça devient sérieux, dans ta façon de te faire passer avant le reste, de refuser de t'engager réellement, ou bien cette manie que t'as de blesser les gens. Et dans la liste, je ne parle pas de ta famille que t'as blessé de bien des façons, surtout Arthur. Empereur au milieu des ruines de ta vie. Je crois qu'elle entend ce que tu dis Deirdre, dans un sens, parce qu'elle confirme que cette décision serait égoïste avant de te laisser les admirer, alors qu'elle va aider le petit ange. Mains dans les poches, raides comme un piquet, tu te laisses bercer dans le rire de ce petit bout, qui retourne captiver par son cadeau alors que l'irlandaise revient vers toi, semblant bouffer à pleine dents les sensations que la campagne procure. Revenant à ta hauteur, elle complète sa phrase, tous les parents sont des égoïstes à leur façon. Ca te trotte en tête un instant. La vérité, c'est que t'as de l'assurance sur énormément de chose, mais sur la parentalité, tu l'as jamais été. Tu n'as jamais imaginé avoir des enfants. Tu as toujours cru que tu te marierai trois fois, tromperai tes femmes au final en dépit de l'amour que tu leur porterai, t'as jamais cru que tu étais assez bien pour le schéma et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants parce qu'on est pas dans un conte de fée. Je veux pas qu'il vive ce que moi j'ai vécu. tes parents en avaient tellement rien à foutre que t'as faillit te noyer dans une piscine à 3 ans. C'est pas triste ça ? Il a encore la lumière. cette lumière étincelante qui anime certaine personne. Jesus dégage la pûreté et la fraicheur et pas que grâce à son jeune âge, non, il y a un truc en plus. C'est horrible non ? D'espérer que ses résultats seront pas assez bon et qu'il se fera pas opérer tout de suite. Juste pour qu'il reste encore un peu avec moi. c'est horrible, parce que plus le temps passe, plus il y a de risque pour qu'il meurt, mais elle est là la cruelle vérité Hades : toi, empereur de l'ombre, tu n'es pas prêt à le voir partir.

Je ne te connais que sous l'acier, les manières impeccables, le verbe acéré. Nous sommes de ceux qui survivent dans le monde grâce à ces armes. L'élite. Même si aux yeux de ton jumeau, je reste un imposteur, je n'ai rien à envier à ceux qui se sont élevés au sommet. Ma chair est emplie d'eau mais ma volonté est plus forte. C'est les pieds solidement ancrés au sol que je me suis extirpée dans cette jungle qui compose le monde des riches. Le temps passe et je ploie parfois, mais je ne t'ai jamais vu en proie toi Hades. Aux sentiments, à ce que nous jugeons comme faiblesse. De ces points creux, moi je saurais faire une force. Pourquoi pas toi ? Mes billes glissent aux tiennes avant de se porter de nouveau sur l'enfant. Tu ne veux pas qu'il soit comme toi. Tu ne veux pas qu'il soit comme moi. Je te comprends. On est de ceux qui ont perdu la lumière. L'insouciance. L'innocence prise en otage dès le berceau. Nous avons dû nous adapter à l'exigence dès notre arrivée au monde. « Il y a pire que toi non ? » Je souris discrètement tout en haussant les sourcils. « Bel homme, intelligent, plein de verve, prestigieux et riche. » On a fait moins enviable n'est-ce pas ? Si Jesus devenait un jour comme toi, j'estimerai qu'il est un homme accompli. Parce que je reste persuadée que tu en ferais un être encore meilleur que ta personne. Tu saurais combler les manques de ta propre existence dans la sienne. Mais peut-être que oui. Peut-être qu'il mérite, un père, une mère. Tu sais la maison bourgeoise, le chien et d'autres enfants pour partager ses jeux. Je souris malgré moi lorsque tu évoques cette lumière. On l'a jamais vraiment eu non. « C'est précieux la lumière. » Mais c'est faiblesse également il paraît. Ce n'est plus le cas selon moi. Je ne suis que jalouse de ceux qui la portent encore. On perd les lueurs à sombrer dans les ténèbres, la solitude. Mais nous ne pleurerons pas sur notre sort. Le monde est bien trop belliqueux pour y évoluer sans armes. Tu me fais cet aveu, celui de gagner quelques heures, quelques jours encore à ses côtés. En tant que gardien, tu peux expliquer ta présence. Le comble c'est que le don d'un nouveau cœur l'éloignera du tien. J'y vois une belle métaphore de votre lien moi Hades. « Le temps fera son œuvre. » Et c'est ce qu'il faudra. Tu sais que j'ai raison dans cette réponse simple mais évidente. « Mais il ne t'oubliera pas. » J'en suis persuadée. Comment oublier quelqu'un comme toi. J'attrape doucement ton bras pour venir y laisser reposer mes phalanges, quelques secondes, parce que nous ne partageons pas les effusions mais peu importe. « Toi aussi, tu m'as manqué. » Et par ces simples mots, j'honore ton aveu. Je sais qu'il a été difficile pour toi de pardonner mon affront. A croire que je ne peux avoir un frère qu'à condition de perdre l'autre. « Et ce n'est pas horrible non, c'est humain Hades. » Mais peut-être que finalement c'est bel et bien horrible pour toi de te rappeler que tu n'échappes pas à cette condition.