Tu revenais tout juste de Madrid et tu n’aimais pas le fait d’être enfermé. Cette fusillade ne t’avait pas aidé et pourtant, tu pouvais marcher normalement avec tes pensés. Mais bon, pas de natation pendant tout un moment et l’athlétisme allait être complexe. Mais il te restait surtout la musique maintenant. D’ailleurs, tu avais très envie d’acheter quelque chose dans ce sens mais impossible pour toi de savoir quoi pour l’instant. Une seconde plus tard, tu regardais le magasin de musique de la Winthrop Square et honnêtement, tu n’aurais su si c’était parfait ou plus que parfait. Mais à l’heure d’aujourd’hui tous les étudiants étaient dehors pour le plaisir d’y être, entre deux examens. D’ailleurs, le tien était demain et cela se voyait, tu avais ton carnet de note ouvert à fixer les pianos ou tout autre accessoire, disons que tu étais encore dans ta bulle pour le plaisir d’y être et l’envie d’être seul encore quelques longs moments ..

A peine rentrée de Nauru, je me retrouvais le nez plongé dans mes cahiers presque en permanence. Je veux obtenir les meilleurs résultats possibles pour être sure de récupérer ma bouse l'année prochaine. Alors j'étudie pendant des heures dans ma chambre à la dunster, parfois avec Céleste parfois seule quand elle décide d'aller voir son gars. Histoire compliquée que je n'ai toujours pas comprise. Je rentre tout juste d'un examen et je suis déjà prête à retourner dans ma chambre pour me remettre à étudier. Je sortirais profiter du beau temps quand j'aurais tout réussi. Je sais que je devrais m’aérer un peu, profiter du soleil et arrêter de bosser deux minutes mais je préfère me concentrer sur mes cours. Au moins, ça m'évite de penser à ma grand-mère. Deux semaines, ce n'est pas assez pour m'habituer au fait qu'elle n'est plus là. J'arrive devant le magasin de musique et je le vois. Ça fait un moment que je ne suis plus tombée sur lui. J'ai changé mes horaires au café et je ne le croise plus aussi souvent qu'avant. Je m'approche de lui pour le saluer. "Hey Valentin, ça va ?"

En fait, tu n’étais pas du genre à trainer comme ça dans la rue. D’habitude, tu rentres directement à la maison ou à la Winthrop, mais pas aujourd’hui, comme si tu aurais préféré être dehors mais les derniers évenements de Madrid et aussi de Deirdre te détruisent encore plus. Tu fixes ses instruments, comme si ils allaient te libérer mais impossible réellement de le faire parce que tu as mal au coeur, mal aussi au corps entier qui te brûle de l’intérieur. Tu sursautes fortement quand tu entends ton prénom et tu tournes les yeux vers Brooklyn comme le quartier. Tu l’as déjà rentré plusieurs fois au café mais quand tu y vas, elle n’y est plus. Tu pensais qu’elle ne travaillait plus depuis un moment Bonjour Brooklyn lâches-tu avant de l’observer dans les yeux. Tes yeux se posent ensuite sur les instruments mais tant pis, tu es avec elle, enfin tu passes du temps avec elle maintenant. Tu finis par répondre à sa question Je suis fatigué à cause du décalage horaire et j’ai mal partout. Et toi ? Comment elle va ? c’est une question que tu apprenais à dire aussi petit à petit, devoir grandir en s’extériorisant c’était impossible pour toi avant ..

Ça fait un moment que je n'ai plus vu Valentin. Il est bien sympa comme gars pourtant. Un peu loufoque parfois, avec des demandes étranges comme la paille pour son chocolat chaud mais sympa. J'aimais bien l'embêter quand il n'y avait pas masse de monde au café. Alors quand je le croise, j'en profite pour l'aborder, même si j'ai cru comprendre qu'il n'aimait pas les questions alors que j'ai la fâcheuse tendance à lui en poser trop. Il me salue puis reste un moment sans parler. Quand je disais qu'il est loufoque. Je le vois regarder les instruments et je me demande si je l'ai interrompu alors qu'il allait faire ses courses. Dommage pour lui, j'ai envie de papoter et je ne suis pas prête à le laisser tranquille pour le moment. "Oh tu es parti à l'étranger récemment ? Ou c'est toujours le décalage du spring break ? Mal partout à cause du sport ? C'est vrai que tu dois t’entraîner beaucoup maintenant avec les examens, ça doit être dur." Il faudrait sérieusement penser à me coller une étiquette bavarde sur le front. Ou que je pense à me balader avec du gros scotch pour éviter de parler trop. "Moi ? Ça va. Un peu fatiguée, j'ai du mal à me remettre dans le rythme du travail après trois semaines de congés. Puis j'ai du mal à dormir." Pas une grande nouveauté mais c'était pire ces derniers temps. J'en étais à me demander combien de temps encore Céleste allait tenir avant de m’assommer pour que je passe une nuit complète. "Tu devais aller quelque part ? Je ne t'ai pas interrompue pendant que tu faisais quelque chose hein ?"

Tu ne vas plus beaucoup au café parce que tu sais que c’est compliqué de se faire entendre par les méchantes serveuses. Oui parce qu’elles se moquent de toi et tu ne vois plus Brooklyn a chaque fois que tu y vas. Donc tu n’y vas plus. Mais maintenant que tu l’as devant toi, c’est différent, vous êtes en pleine rue et non dans le café. Je suis rentré à la maison. Ma maison en Espagne avec mon papa. Le spring Break tu n’étais pas pendant longtemps parce que clairement, Deirdre t’a détruit et tu voulais partir d’ici. Tu ne voulais plus la revoir. Alors tu pinces tes lèvres, tu réponds encore plus tard à certaines de ses questions Non. J’ai sauvé la vie d’une personne âgée. Parce qu’il y avait des hommes avec des balles et j’en ai eu pleins dans le corps oui t’es fier et alors ? C’est stupide non ? Honnêtement oui, mais c’est compliqué en fait. Tu laisses tes doigts joués ensemble alors qu’elle te dit tout ça. Pourquoi tu ne fais plus dodo ? tu demandes après tout mais tu veux aussi savoir, parce que Brooklyn elle est gentille. Et tu n’as pas très envie qu’elle soit malaheureuse comme toi. Tu fixes la vitrine finalement, elle te parle encore, tu l’entends mais tu l’écoutes pas et tu tournes les yeux vers elle, tu as pas compris ou entendu la question, merde de merde J’ai pas entendu la question. Enfin j’ai pas écouté.. Pardon oui, bah en même temps, tu t’en veux parce qu’elle est gentille et tu ne veux pas qu’elle te gronde non plus ..

(T'inquiète )

"Oh l'Espagne. Il parait que c'est un joli pays. Puis c'est cool que tu ais pu voir ton père. Il doit beaucoup te manquer quand tu es ici." Personnellement, ma famille me manquait depuis mon arrivée à Boston. C'est dur l'éloignement quand on a toujours vécu entouré des même personnes. Valentin avait l'air de beaucoup tenir à son père à chaque fois qu'il en parlait. Du coup, je suppose qu'il doit avoir régulièrement le mal du pays. "Ohhh, les attentats. Tu y étais aussi ?" Un évènement que j'ai relégué au fin fond de mon esprit depuis qu'il s'est produis. J'évite d'y penser pour ne pas me rendre compte de l'horreur de la situation. Puis j'ai du épaulé Céleste dans son deuil. Je ne pouvais pas m’effondrer aussi, sans lui laisser quelqu'un pour la soutenir. "C'est bien ce que tu as fait. C'est ultra courageux. Tu dois être fier de toi. C'est pas tous les jours qu'on a la chance de sauver la vie de quelqu'un." Je pense surtout à l'inconscience qui a du le pousser à agir. A sa place, j'aurais sûrement tenté de sauver ma vie avant de penser aux autres. A vrai dire, j'aurais levé le petit doigt pour personne, aillant trop peur à l'idée d'y passer. Mais lui, il n'a pas hésité. C'est quelqu'un de bien dans le fond. "Ma grand-mère est morte pendant le spring break. C'est un peu comme si je me retrouvais une nouvelle fois orpheline pour le coup. Alors j'arrive pas à dormir parce que dans mes rêves, elle est encore vivante tu vois. Donc ça fait encore plus mal quand je me lève et que je me souviens." Je lui balance ça comme ça, en regardant mes ongles, presque les larmes aux yeux à évoquer la femme qui s'est occupée de moi pendant tellement d'années. Je lui parle et je ne vois pas tout de suite qu'il n'écoute pas. Il est un peu dans la lune parfois. "Je demandais si tu devais aller quelque part. Je t'ai pas interrompue ?"

En fait, elle avait raison, tu hoches la tête à l'idée que ton père soit à l'autre bout du monde et toi ici. Il me manque pas, c'est pas une drogue. Mais j'ai mal au coeur sans lui. Employer les bons mots, déposer tes mots sur des émotions, avoir des émotions et les exprimer, c'était complexe pour toi. Et voilà qu'elle parle des attentats Oui. A Madrid, les gens avaient tous peur. Et ça criait partout. Moi j'étais dans le parc, avec les arbres partout autour de toi Oui l'expression d'un évènement complexe avec ce taré au fusil dans ce parc à Madrid, mais elle doit pas comprendre ce que tu lui expliques parce qu'elle parle d'autre chose. La dame était contente oui. Mais j'ai eu mal. Et papa a dit que j'étais un super héros. Comme un super héros Oui t'es content d'avoir pu sauver la vie de cette personne et puis honnêtement, tu as sauvé sa vie et elle te l'a rendu avec pleins de chocolats et d'autres gâteaux super cool. Et elle t'annonce pleins de trucs mais tu retiens juste qu'elle ne fait plus dodo. Tu fronces les sourcils à sa réponse. Elle parle beaucoup, vraiment beaucoup et tu comprends pas tout en fin de compte. Ma mamie aussi elle est morte. Ca t'a comprit et tu ajoutes Et ta mamie elle est fière de toi C'était naze ça par contre mais tu continues Et c'est bien que tu rêves d'elle Ouais c'était vraiment de la merde mais tu souris faiblement, tu essayes de lui remonter le moral, ça marche pas c'est ça ? Bon tu écoutes pas ses paroles néanmoins, mais tu arrives à lui dire sans qu'elle te gronde. Je dois rentrer à la confrérie. Mais je me suis arrêté pour regarder les instruments. Et parce que j'ai faim. Bah oui tu t'arrêtes comme ça quand t'as faim. Sauf que ton réveil a pas sonné donc c'est pas l'heure de manger ..

Je hoche la tête pour lui signifier que je comprends. Je ne suis même pas surprise qu'il prenne ma remarque au premier degré. J'ai l'impression qu'il a du mal avec les doubles sens des mots. Parce que tout le monde dit que quelqu'un lui manque sans forcément penser à la drogue non ? C'est différent chez lui ou c'est juste lui ? Je ne lui demande pas, je n'ai pas envie de l'embêter avec ça. "Il y a eu des attentats à Madrid ? Et t'y étais ? Je pensais que tu parlais de ceux de Boston moi, je ne savais pas pour Madrid. C'est horrible." C'est dur de ce dire que les horreurs qu'on a vécu en janvier ce sont reproduites ailleurs, que d'autres personnes ont souffert. C'est dur d'imaginer qu'il y a des personnes suffisamment méchantes dans le monde pour s'en prendre aux autres. "Il a raison. T'es un super héro qui a sauvé la vie de quelqu'un." Je suis toujours un peu sous le choc de ce qu'il a dit, pare que non, ça ne devrait pas être possible. Mais je range ça dans un coin de ma tête, le meilleur moyen pour oublier que certains sont de vrais ordures. "Je suis désolée pour ta grand-mère." Je souris à ce qu'il me dit sur ma grand-mère. Je ne sais pas trop si c'est pour me remonter le morale ou pas mais c'est sympa de sa part. "Je sais. Mais il n'empêche que rêver d'elle, ça me rend triste." Et je n'aime pas être triste. Puis je n'ai pas envie que les gens s'inquiètent de savoir comment je vais. "Les instruments... Tu me fera écouter un morceau de piano une fois ? Avec toi qui joue." Je balance ça comme ça, sans réfléchir, juste parce que j'ai envie de l'entendre jouer en fait. "Tu veux qu'on aille manger un bout ?"

En fait, toi tu sors ça comme ça, en mode normal, comme si le monde était normal. Et pourtant rien ne l'est. La fusillade n'était pas réellement prévu et maintenant c'est un jour horrible en Espagne même si tu vas bien. Tu la regardes Oui. J'ai sauvé la vie du mamie. Elle m'a donné des gâteaux. Et même des bonbons après à l'hôpital. Bah oui t'es heureux toi, tu as eu tout ça, c'est cool non ? Et puis elle te traite de super héro, autant dire que tu souris doucement rien qu'à l'idée de l'être, avec ta cape et tout ça. C'est bizarre mais agréable. Tu passes ta main dans tes cheveux pour les remettre un peu en place, mais tu fronces les sourcils Elle est décédée, pourquoi tu es désolée ? Bah oui, elle a rien Brooklyn c'est ça le truc. Tu comprends pas, donc tu poses la question. Tu essayes de dire des choses gentilles mais c'est un peu compliqué alors tu ajoutes Alors rêve d'un moment heureux avec ta mamie. Et tu vas rire et pleurer Honnête ? Trop en fait. Tu finis par tourner les yeux vers elle et elle te demande de faire écouter un morceau plus tard Oui. A la Winthrop House, y'a un piano, un grand piano et je joue souvent tout seul ici. True time, personne d'autre ne joue en fait. Et quand elle propose d'aller manger quelque chose, tu hésites quand même un peu J'ai pas d'argent. lâches-tu avant de prononcer Mais j'ai de la nourriture à la maison. Et je peux cuisiner. Je sais faire une salade, et aussi un gâteau. Et aussi des pâtes. Mais juste les faire à la poele. Je sai spas faire avant prononces-tu pour lui proposer. Après tout, ça peut aussi lui plaire non ?

"C'est sympa de sa part. Mais c'est normal après ce que tu as fait pour elle qu'elle te remercie." Quoi de mieux qu'un gâteau pour dire merci à quelqu'un ? Elle a eu raison la mamie. Si un jour quelqu'un devait me sauver la vie, j'aimerai le remercier d'une manière ou d'une autre. Puis ça doit être sympa pour Valentin aussi, de voir qu'elle reconnaît le geste qu'il a fait pour elle et qu'elle l'apprécie. Il me dit que sa grand-mère est morte comme la mienne. Alors automatiquement, je lui réponds, comme on m'a toujours appris à le faire. Mais il ne comprend pas. Il a un peu du mal avec les conventions sociales parfois j'ai l'impression. "Parce que c'est ce qu'on dit. Quand tu apprends que le proche de quelqu'un est décédée, tu lui dis que tu es désolé. Désolé qu'il doive subir une perte, désolé qu'il ai à traverser ça." Je ne sais pas vraiment comment lui expliquer autrement. C'est juste quelque chose qui ce dit parce que voilà. "Tu as raison. J'y penserai la prochaine fois." Rire et pleurer en même temps, c'est quand-même mieux que d'éviter de penser à elle en fait.  Je lui demande si un jours il voudra bien me faire écouter un morceau et sa réponse me fait plaisir. J'ai vraiment envie de voir ce dont il est capable. Il me dit qu'il a faim et je lui propose d'aller manger. Logique non ? Mais sa réponse me surprend, comme souvent avec lui. "Des pâtes à la poêle ? Tu fais ça comment ? On peut faire ça. Si ça te dérange pas."