Je n'ai jamais été un grand fan des journées de repos. Déjà, interne... -surtout interne- j'étais accro à la chirurgie. Et quand bien même je passais ma journée à tenir un clamp, j'étais heureux. J'étais vivant. Déjà interne, je passais parfois 15 jours d'affilés à l'hôpital.
Mais depuis que j'étais titulaire, j'étais régulièrement poliment convié à prendre un jour ou deux de repos. Forcément, un chirurgien titulaire ça coûte nettement plus cher, surtout un chirurgien comme moi, à ce qu'il paraît.
Pourtant je détestais les jours de congés. C'est pourquoi un beau matin dès 6h, j'étais devant une église, avec une association pour le suivi médical de sans domiciles fixes. Bon, évidemment il y avait aussi le fait que je voulais aider mon prochain, sinon pourquoi l'aurais-je fais ? Moi ce qui me plaisait, ce qui me rendait vivant c'était l'adrénaline, le sang, la pression, les organes. Pas distribuer majoritairement des cachets pour la toux. Alors ouais, si j'avais pas été du genre à aider mon prochain, j'aurais plutôt été quelque part à pratiquer des opérations chirurgicales au noir pour un prix défiant toute concurrence, à l'instar des conditions d'hygiène douteuses du dit " quelque part".

Bizarrement, je me sentais bien. Pas autant que quand j'étais dans un bloc certes, mais la sensation de bien-être qu'on éprouve quand on aide quelqu'un, quand on se sent utile, c'est ça. C'est ça qui nous recherchons. Parce que oui, aider les autres c'est avant tout gratifiant pour soi-même. Cette sensation de "j'ai fais ma BA", c'est avant tout bon pour soi-même.
Pour un aveugle, demander sa route c'est son quotidien. Nous, ça nous remplit d'allégresse. Nous ça nous fait sentir importants et bons.
Il en va de même pour tout... Y compris le fait de se lever tôt un jour de repos pour soigner des sans domiciles fixes...

La matinée passa bien plus vite que ce que je m'imaginais. Au final, il y avait tant de personnes dans le besoin, que j'étais en permanence occupé. A ausculter, parfois recoudre, distribuer des médicaments, mais aussi des couvertures, et un peu de nourriture.


Finalement, m'octroyant une pause, je pris une grande inspiration et m'étira, ce qui fit bouger le stéthoscope posé sur mes épaules. Je le remis subtilement en place, bien au milieu tel que mes très rares tics me l'imposaient.
Je relevai finalement la tête et remarquai immédiatement un homme, le genre qu'on voit au premier regard. Il était tatoué, même sur le visage et semblait un peu en retrait. Jetant un coup d'oeil autour de moi, pour vérifier que tout le monde était occupé je m'avançais vers l'Homme, d'un pas égal, ni trop rapide ni trop nonchalant. Une fois les quelques mètres parcourus, je me postai devant lui, un sourire sincère collé aux lèvres.

« Bonjour, je suis Aloysius, Al pour les intimes.»
Ce genre de trait d'humour me ressemblait bien, malgré mon vide intérieur j'étais le genre de mec qui était doué pour mettre les autres à l'aise -ou tout du moins qui faisait tout pour essayer-.
« Vous êtes malade ? Ou vous voulez simplement un examen de routine?» Poursuivis-je sans me défaire de mon sourire. Cet homme me semblait plus jeune que moi, et cela me pinça le coeur. Mais je m'efforçais de ne pas imaginer la bien triste histoire qui l'avait mit dans cette situation. Après tout j'étais médecin, j'avais donc l'habitude de ne pas me montrer trop empathique. Et surtout lui il n'avait pas besoin de ma pitié, je savais que dans mes yeux il avait besoin de lire que je le voyais comme monsieur tout le monde, pas comme un pauvre petit malheureux.  

Bring Me To Life

mise en page par mad love
Que dieu bénisse l’Amérique! Mihaï venait tout juste d'arriver à Boston. Pour sa première nuit, il avait trouver refuge dans un parc de la ville. À la nuit tombée et la grille escaladée, Mihaï s'était installé dans un abri visiblement réservé au rangement des outils de jardinage. Protégé du vent, une prise électrique et un robinet d'eau. Que demande le peuple ? Une bonne adresse qu'il se devait de retenir... jusqu'au moment où sa combine serait probablement découverte !

Le réveil avait sonné relativement tôt, afin de quitter les lieux au petit matin. Le jour se levait sur la ville et la température était relativement agréable en ce mois de mars. Mihaï traversait le quartier pour se rendre dans une célèbre enseigne de fast-food. Il paya un café avec un fond de monnaie qui trainait dans ses poches et profitait du réseau WiFi pour consulter ses mails. Mis-à-part son sac à dos énorme à coté de lui, c'était l'un des seuls moments de la journée ou il pouvait se fondre dans la masse. Il redevenait un simple jeune homme aux yeux rivés sur son smartphone.
Une association organisait une matinée avec des consultations gratuites ? Dans le pays de l'oncle Sam ou les soins médicaux coutent une fortune ?? Shit! Un coup d’œil sur l'appli Google Maps lui permit de se rendre compte qu'il devait apparemment traverser une bonne partie de la ville... Mihaï expédiait la fin de son café.

En cette fin de matinée, il y avait encore beaucoup de monde sur cette place. Mihaï était un peu perdu au milieu de cette foule. Une voix résonnait et un médecin équipé d'un stéthoscope se présentait à lui. «Bonjour, Mihaï. ». On pouvait entendre un léger accent dans la voix de Mihaï, mais son anglais était néanmoins très bon. L'homme lui semblait plutôt sympathique. «Je n'ai simplement pas vu de médecin depuis plusieurs mois... » Il précisait ses dires : «... Et je reviens d'un voyage de plusieurs mois à travers l'Asie. ». Il ne craignait rien... ses vaccins étaient probablement à jour ? Bonne question...