La journée a été longue, très longue. Décidément ma prof de musique ne peut toujours pas me voir, enfin j'ai pas vraiment l'impression qu'elle puisse voir qui que ce soit en fait. En tous cas, une séance de yoga me paraissait obligatoire après l'avoir supporté aussi longtemps. J'essaye d'en faire le plus souvent possible mais j'ai l'impression d'avoir beaucoup moins de temps que lorsque j'étudiais à Paris. Il faut dire que Harvard exige une certaine densité de travail assez différente de mon ancienne école. D'ailleurs je ne leur ai même pas donné de nouvelles ! Merde, en plus j'avais promis à la directrice de le faire ! Bon, je pense qu'elle m'a oublié, c'est pas plus mal comme ça. De toutes façons je pense qu'elle en a strictement rien à foutre de savoir si je réussis mes études ou non. Bref, je suis dans les vestiaires de la salle de sport où je vais m'étirer et me détendre un maximum ! J'aime aussi bien faire du yoga dehors mais il fait beaucoup trop froid en ce moment et je ne suis pas suicidaire. J'échange mes fringues contre un t-shirt et un legging. Apparemment il serait spécifique au yoga. Pourquoi pas, moi tout ce que je constate c'est qu'il me fait un cul d'enfer ! Je tourne la tête lorsque j'entends une voix qui m'est familière, ouais je l'ai déjà entendu et lorsque je vois à qui elle appartient, je sais que j'ai vu juste. "Bien sûre ! Louison c'est ça ? Comment tu vas ?" J'imagine que toutes les discussions commencent de cette façon. On ne s'était pas recroisée depuis le cours commun de théâtre qu'on a eu. Ouais je me rappelle bien d'elle, la vice présidente des Mathers, la soit disant copine de Camille, enfin ex-copine de Camille. Je suis presque sûre qu'elle vient aussi faire du yoga, j'ai cru comprendre que c'était son truc.  

C'est cool de la croiser ici quand même. Au moins je ne serais pas toute seule pendant le cours. Bon je ne suis pas timide donc j'arrive à échanger quelques mots avec les autres de temps en temps mais disons que la moyenne d'âge est plus élevée que le mien donc la plupart des femmes, oui il y a essentiellement des femmes dans ce cours, peuvent être surprises par ce que je dis. C'est bizarre de voir à quel point on voit le monde différemment quand on vieillit et à quel point on peut être coincé sur certains sujets. Enfin bref, Louison est là et elle pense certainement plus comme moi que comme toutes les autres. Je crois. "Ca va. Pas grand chose, j'ai pris deux kilos à cause de tes bonbons." J'abuse, c'est surtout à cause de toutes les conneries que j'ai mangé. Moi qui disait que je faisais attention à mon alimentation, tu parles ! "Donc ouais je viens les éliminer en quelques sortes." Je ris doucement. Je suis pas sûre que le yoga soit la méthode la plus efficace pour me faire perdre mes deux kilos mais c'est toujours mieux que rien. J'attrape ma bouteille d'eau et boit une gorgée. Au même moment Louison me pose une question sur mes cheveux et je manque de m'étouffer en riant et en avalant l'eau en même temps. Je crois que c'est la première fois qu'on me dit un truc pareil. "Qu'est-ce que tu racontes ?" Je continue de rire. "Non j'ai jamais rien perdu, t'en fais pas pour ça !"

Sa question me fait douter alors qu'il n'y a pas à douter ! Pourquoi je tomberais subitement enceinte ? Et puis qu'est-ce que je ferai du gosse ? Non, déjà il n'y en aura même pas puisque j'aurais très certainement avorté avant qu'il naisse. Pas question d'être maman tout de suite. Ca va pas ! Ca mettrait vraiment ma futur carrière en péril ! "Non, la pilule fait bien son boulot !" Je lui souris gentiment. Je ne saurais même pas dire qui est le père. J'ai baisé avec deux mecs différents cette semaine, sans compter Camille. Enfin bon, j'oublie vite ça car elle me fait rire. J'avoue que je n'ai pas des cheveux communs mais de là à en faire un grenier, peut-être pas non ! D'ailleurs elle se permet de les toucher. Je la laisse faire et ne bouge pas alors que j'aperçois tout un groupe de femme d'une quarantaine d'année entrer dans le vestiaire. Elles viennent certainement pour le yoga et elles parlent super fort ! Tellement que je viens d'apprendre que le fils de l'une d'entre elle a des hémorroïdes. Je retiens une grimace et tourne la tête vers Louison quand elle me propose de sortir d'ici. Je hoche la tête sans hésiter. "Ouais tirons nous d'ici. Tu vas compromettre la préparation de mon summer body mais j'ai pas envie de passer la prochaine heure à savoir comment évolue la crise hémorroïdaire de son fils." Je ne prends pas la peine de parler très discrètement, ouais maintenant je parle automatiquement en français avec Louison puisque je sais qu'elle me comprend très bien dans cette langue. 

Je secoue la tête de gauche à droite. "Non je l'oublie jamais, j'ai trop peur de me retrouver avec un bébé maintenant." Ca foutrait tout en l'air, pas questions ! J'ouvre à nouveau mon casier pour récupérer mon sac de sport. Je me change pas, j'avoue que les vêtements de sport sont plutôt confortables de manière général. Et puis comme ça on aura l'air d'avoir fait un tas d'exercice et sans la moindre goutte de sueur en plus. Je souris à ce que je prends pour un gentil compliment évidemment puis fait mine d'être indignée. "Sérieusement t'es prête à me faire griller comme une putain de brochette ? Tu me diras, ça fera fondre ma graisse." Je lui fais un clin d'oeil et rigole doucement. Il est temps de quitter ces vestiaires senteur transpi pour rejoindre le monde extérieur et boire pour faire gonfler nos petits ventres. Une fois dehors, on se met à marcher sans trop savoir vers où. On est à Boston, on va bien finir par tomber sur un bar, c'est fini depuis longtemps la prohibition. Je tourne la tête vers elle quand j'entends le prénom "Camille" sortir de sa bouche. Alors c'était pour ça qu'elle a essayé de se tirer l'autre jour. "Je vois..." Ouais je comprends, c'est dur de partager même quand ça ne nous appartient plus. Je connais. "Le truc c'est qu'il plait à beaucoup de gens." Et putain même avec ça je continue à bien l'aimer ce mec ! Bordel qu'est-ce qui tourne pas rond chez moi ? Faudrait me le dire. "C'est pas un mec pour moi." Oui je le sais très bien ça et pourtant je continue à coucher avec lui et je continue à m'attacher et je continue à me faire du mal toute seule en imaginant une possible vie avec un mec qui baisera toujours tout ce que bouge. Putain j'ai vraiment besoin de boire un coup, j'espère qu'on tombera sur un bar dans la prochaine minute.

hj : shit je suis super en retard, j'ai pas vraiment d'excuse sorry      On arrête là ?