Salut, je m’appelle Rebecca Windford-Stoe. Mais tout le monde me prénomme Becca, parce que de un, c’est beaucoup plus court puis vachement moins chiant à prononcer, et de deux parce que je ne me présente qu’en prononçant ce dernier. Si tu te demandes pourquoi je commence par des présentations aussi formelles, c’est sans doute parce qu’on m’a toujours appris à faire les choses biens. J’ai vingt-et-un ans. C’est jeune selon moi. Enfin, c’est jeune quand on connaît ma vie. Là, c’est sans doute le moment où tu commences à te poser des questions. Et tu as bien raison. Tu veux savoir ce qui m’emmène aux États-Unis ? Tu veux savoir pourquoi mon accent anglais ne va pas avec ma dégaine et que mon caractère est aussi troublant qu’attirant ? N’arrête pas de lire alors, tu vas te régaler.

Tout a commencé quand j’ai eu quatorze ans. Ouais, je ne compte pas vous bassiner avec ma naissance ou même l’anniversaire de mes quatre ans où mon père m’a offert la Barbie surfeuse de mes rêves, ce serait déplacé et légèrement (atrocement) inutile. Je disais donc, quatorze ans, l’âge des premières soirées, des premiers copains, et bien entendu des premiers connards. Cette année-là, je suis sortie beaucoup trop souvent pour m’en rappeler à la perfection. À vrai dire, je me rappelle surtout la soirée où ma vie entière à basculé, de la vie de château où nos petits doigts sont levés en prenant le thé, à la vie lugubre d’une perturbatrice insouciante mais quelque peu attachante. Bref, j’ai pris de la drogue. De la drogue dure. Et je suis loin d’en être fière. Mais comme mes parents n’arrêtent pas de le répéter, cette vie n’était pas la mienne, mais celle d’une autre. Parce que oui, je me sens différente aujourd’hui. Si vous avez déjà touché à quelque chose de plus sucré que de la weed, vous savez donc que parfois redescendre de l’état perché dans lequel on est, n’est pas chose facile. J’aimais cette sensation libre, ce monde si merveilleux et tellement différent que rien ne me paraissait fade et grisonnant. Puis il était là, j’étais en sécurité avec lui. Je le croyais. Belle connerie ça encore. Il n’y a rien de plus dangereux qu’allier votre copain et la drogue. Et sachez une chose, quand ce copain est aussi votre dealer, tout devient rapidement compliqué.

Vers la fin de mes quinze ans, j’ai connu ma première douleur neurologique selon le médecin que j’ai vue à l’hôpital. Parce qu’apparemment, j’étais en manque. Je vous explique. Deux mois auparavant, le mec dont j’étais folle amoureuse m’a plaquée pour une poufiasse plus âgée (ouais, si tu as tout suivie, il s’agit bien du même mec qu’à mes quatorze ans). Sauf que j’avais assez de came pour tenir quelque temps, mais pas pour toujours. Il était mon unique repère dans ce monde de « bonbons artisanaux ». Je n’avais toujours compté que sur lui, et j’aurais mieux fait de m’abstenir. J’étais conne, comme la plupart des meufs sur terre. Et du coup je me suis retrouvée avec une aiguille dans le bras pour soi-disant atténuer les douleurs que je ressentais. C’était surtout un moyen efficace de me calmer les nerfs. J’avais honte. J’avais honte parce que ma mère n’osait plus me regarder, et mon père me haïssait. Si seulement ils savaient que moi aussi, à cette époque, je ne pouvais pas me supporter. Deux miroirs étaient passés sous ma colère. Deux. Je n’aimais absolument pas l’image de moi que je renvoyais. Je me trouvais hideuse.

Mon médecin de famille était le seul qui croyait en moi. Et le seul qui voyait des améliorations, et qui me félicitait quand je faisais les choses biens. Il était le seul qui me donnait envie de ne surtout pas replonger. Il me disait toujours que j’avais quelque chose de précieux, et qu’il fallait que je nourrisse ceci avec la connaissance et le savoir-faire des autres. Alors j’ai continué mes études, et je me suis rendu compte que la gymnastique était ma passion. La natation quant à elle n’arrivait qu’en second plan. J’étais faite pour ne jamais arrêter de bouger, pour fatiguer mon corps par le sport. Et c’est sans doute pour ça qu’aujourd’hui je suis à Harvard et que le sport fait partit de mon cursus majeur. Mais bon, ça c’est le début d’un tout autre chapitre.  

Pour l’anniversaire de mes dix-sept ans, j’ai été envoyée chez les américains par mes parents. Ils ne voulaient plus avoir de contact avec la déception la plus intense de leur vie : leur propre fille. Et qui pourrait leur en vouloir ? Même moi je me serais jetée dehors après tout ça. Malgré que j’eusse arrêté mes conneries depuis bien longtemps. Alors oui, j’ai rejoint une famille charmante qui m’a gardé pendant longtemps, mais maintenant j’habite dans mon petit chez moi, seule, avec la fortune de mes parents sur mon compte bancaire. Ah ouais, vous ne devez pas être au courant, mais ils sont morts. Mon héritage m’a été confié à mes vingt-et-un ans. J’en suis fière, voir même, j’en suis ravie. Les accidents d’avions, ça peut arriver à n’importe qui, même à cruela et hadès. Oh et puis, ce n’était pas l’une des pertes les plus déplorables du monde. J’ai pleurée bien plus à la mort de Michael Jackson. Et pourtant, je ne le connaissais absolument pas. Ma foi, les gens ont ce qu’ils méritent comme on dit, et du coup, peut-être que je mérite de partir sur une nouvelle base. Peut-être que je mérite de ne plus avoir de réelle famille. Peut-être que je mérite un nouveau chapitre, voir même un nouveau tome dans ma vie. Qui sait ? Personne.